samedi 16 avril 2011

Jouer pour vrai


Je me compte chanceux d'être un vieux ringard qui a pu grandir à une époque où être un gamin signifiait jouer dehors. S’époumoner. S’oxygéner. Bouger. Courir. Autrement dit: déplacer de l'air! Je crois que la meilleure façon de me décrire à l'époque était: bruit recouvert de saleté. 
Je me levais toujours en même temps que le soleil. Je savais me faire à manger. Quoiqu'une beurrée de beurre de pinotte ou un bol de céréales ne requièrent pas de maîtrise. Inutile de regarder la télé, 
parce qu'il n'y avait rien d'autre que la fichue de tête d'indien partout. Quand j'avais fini de manger je filais dehors comme une balle.

Y'avait quelque chose de magique à sortir aussi tôt. À cette heure, le soleil n'éclairait pas encore la cour, laquelle était plongée encore dans la pénombre. Le gazon était encore humide de rosée. Je m'installais dans les marches de l'escalier en bois et je profitais du moment pendant que la majorité du quartier était encore assoupie. Puis, je descendais et me mettais à jouer sans trop faire de bruit. De temps en temps, je descendais la rue voir si mes amis étaient debout. Facile à voir de par les stores de leurs chambres.
Puis, le quartier prenait vie peu à peu. Le soleil était plus haut, des enfants sortaient dans les ruelles et l'on commençait à entendre le bruit des ballons qui rebondissaient, des chiens qui jappaient, et le grincement des cordes à linge alors que les femmes y mettaient leur linge.

Mes amis finissaient par se lever et venaient me rejoindre dans la cour où je m'amusais déjà depuis un bon bout de temps. Parce que ma cour était un peu comme notre Q.G. Ce qu'on faisait ensuite n'était limité que par notre imagination; chercher des bouteilles vides pour les échanger au marché contre des bonbons et des sacs à surprises, ramener une boîte de frigo vide pour en faire une capsule spatiale en dessinant des cadrans dedans, jouer avec des soldats en plastique vert, s'échanger des Matchbox et des Hot Wheels... Evidemment fallait dîner mais je voulais tellement retourner dehors que je mangeais sur le bout des fesses. Le bruit de ma fourchette tombant dans mon assiette n'avait pas encore fini de résonner dans la cuisine que j'étais déjà parti dehors dans un nuage de poussière comme le Road Runner (et avec le même bruit aussi).


Mes amis et moi on faisait pas dans la dentelle quand on jouait. Des accidents arrivaient. On plantait en plein face ou on s'éraflait joyeusement les genoux et les coudes. D'ailleurs la norme était de toujours avoir un spot peinturluré de mercurochrome en quelque part. C'était presqu'un badge d'honneur. On prenait du gallon! On savait que tomber était quelque chose qui arrivait. Ca fait partie de l'enfance et on finissait par en rigoler. On ne se traumatisait pas pour si peu et on enfourchait nos petits vélos à nouveau et on recommençait à courir et à grimper le temps de le dire.

Tenez, il y a cette fois où j'ai eu l'idée [brillante] de descendre une ruelle sur mon petit vélo.Cette ruelle était en pente et j'étais assuré d'avoir beaucoup de plaisir à la descendre sur mon bolide. En théorie c'était génial. En pratique, pas mal moins et je l'ai découvert assez vite.Non seulement j'ai rapidement perdu les pédales mais aussi le contrôle et c'est un poteau de téléphoné qui a brusquement arrêté ma course. Tête première. Voilà de quoi j'ai eu l'air pendant un bon bout.


Pire, deux semaines plus tard c'est un escalier que je déboulais cul par-dessus tête. Et hop, un autre tour à l'hôpital. Traumatisé le p'tit bonhomme? Pantoute. J'ai continué à jouer, courir et à enfourcher mon petit vélo comme si rien ne s'était passé. Peu de temps après j'étais à courir dans la ruelle lorsque j'ai trébuché et tombé le front sur le ciment. Ma grand-mère m'a tout nettoyé ça pour ensuite me poser un petit pansement pendant que mon ami Alain était dans la cour (parce j'attendais qu'elle ait terminé de me soigner pour retourner jouer dehors). Et si on devait absolument et positivement se consoler un brin on le faisait en se cassant la mâchoire avec de la gomme Bazooka de la grosseur d'une brique ou un autre bonbon bien juteux et bien sucré. Et des fois, faire des découvertes ma foi fort intéressantes sous le balcon avec la p'tite voisine, très jolie avec ses nattes et ses beaux yeux bruns. Ha là là. 

La période du souper était précédée d'une petite pause. A quatre heures c'était Bobino, ensuite l'émission complémentaire (Sol et Gobelet, Ribouldingue, Maigrichon et Gras-Double...) après quoi on soupait. Ensuite je refilais dehors de la même façon qu'au dîner. Zwiiip! Et me faire rentrer durant la soirée c'était loin d'être un sinécure pour quiconque devait faire la job. D'abord parce que j'avais toujours plein de raisons pour ne pas rentrer; il ne faisait pas assez noir, j'avais pas fini quelque chose ou bien je cherchais un jouet. On finissait par me faire rentrer (ça prenait parfois un bulldozer) mais c'était un peu comme tirer un énorme chien dans la salle de bain pour le laver et qui veut pas. Et la salle de bain justement, était incontournable en autant que j'était concerné. Pour des raisons évidentes qui témoignaient de ce que j'avais fait durant la journée:


Et même dans le bain je continuais à m'amuser (c'est comme ça que mon G.I. Joe parlant est devenu muet). Et je serai toujours éternellement reconnaissant de ne pas avoir eu de iCochonnerie, d'internet ou de télé câblée. Ca m'a permis de passer un temps fou dehors, de tomber, d'apprendre, de découvrir, de jouer, de me salir... Bref, d'être un enfant. 

“Wow, look at the grass stains on my skin. I say, if you knees aren’t green by the end of the day, you ought to seriously re-examine your life.”
- Calvin and Hobbes

14 commentaires:

  1. J'ai 47 ans et j'ai tellement reconnu mon enfance dans cet article. Merci pour les souvenirs! Serge

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  2. Ca me fait penser aux enfants de mes voisins qui ne font rien d'autre que jouer à des jeux vidéo.

    Noa

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  3. Même chose pour moi, j'ai 45.
    Tu as une très belle plume Pluche. Longue vie à ton blog.

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  4. La photo avec les yeux au beurre noir. Quel choc! Il n'y a pas à dire, tu l'as vécu ton enfance! Et j'abonde dans le même sens que Nitram: très belle plume!

    Louise C.

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  5. J'ai 49 ans et je me reconnais parfaitement bien dans cette article. Quand les vacances d'été arrivait, on ne s'ennuiyait que très rarement tellement on avait des activités. Des randonnées à la montagne chaque semaine n'était pas rare. Des "rides à haut risque" à vélo très fréquentes. On profitait de chaque journée avec intensité. Que de beaux souvenirs que cela.

    Malheureusement, les jeunes d'aujourd'hui ne connaissent absolument rien de cela, le visage planté devant un écran à jouer à des jeux vidéos particulièrement débiles et/ou à pitonner leurs machins soit disant "intelligents". S'expédier des texto aussi ridicule que puérils est devenu leur sport national.

    Non, je ne regrette pas et ne regretterai jamais ma jeunesse. Les jeunes d'aujourd'hui perdent leur jeunesse et ne semble pas s'en rendre compte.

    Vive les ringards !

    Je me promenais à vélo l'été dernier, et c'est fou de constater que les jeunes sont casaniers à outrance. Personne - ou presque - dans les rues. Des parcs quasi-vide

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  6. Serge: Ca me fait plaisir que tu aies apprécié l'article.

    Noa: Ils sont trop nombreux comme ça, comme en témoigne le taux d'obésité infantile grimpant aux États-Unis. Evidemment il ne faut pas généraliser mais disons que bon nombre d'enfants auraient grand avantage à passer plus de temps à l'extérieur.

    Nitram: Merci mon cher!

    Louise: Effectivement, j'ai vécu mon enfance. Oh que oui. La photo avec les yeux pochés a toujours fait son effet. Je me souviens très bien de l'accident et la visite à l'hôpital. :)

    Gilles: Tu as entièrement raison lorsque tu dis que l'on ne s'ennuyait jamais (et c'est toujours le cas en ce qui me concerne aujourd'hui) et j'entend souvent des enfants dire souvent qu'ils s'ennuient en dépit de tout ce qu'ils ont.

    Et j'approuve: Vive les ringards!

    Pluche

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  7. Moi aussi, quand j'étais jeune, c'était, vélo, cabanes, foot...
    Et quand on jouait aux jeux vidéos, c'était tous ensemble et on se passait les manettes. Pas chacun de son côté sans dire un mot!

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  8. Tu avais des jeux vidéo (ce que je n'ai pas connu dans mon enfance) mais au moins tu allais dehors.

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  9. Oui, je suis plus jeune! Quand j'étais jeune sont sortis les 1ères Nintendo et Sega. Mais en plus on n'avait pas le droit d'y jouer trop longtemps. Et on partageait notre temps avec tous les autres jeux et sports.

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  10. Même si je suis beaucoup plus jeune, je peux dire que j'ai passé mon enfance à l'extérieur. Lorsqu'il y avait de l'école, c'était dehors, traînage de pied jusqu'à la maison, devoirs et dehors. La fin de semaine, c'était juste dehors, surtout l'hiver avec les forts et les "guerres" de balles de neige. Les vacances d'été? Ma mère et moi, on partait pour des camps familiaux pour plusieurs semaines d'affilées donc pas de télé, de jeux vidéos et d'abrutissement obligatoire. Grâce à elle, je peux aujourd'hui profiter d'une belle journée pour aller me promener ou simplement emmener mon fils jouer au parc pour qu'il apprenne les effets de la nature.

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  11. Ben ça tu vois c'est extraordinaire. Le plaisir de jouer dehors est quelque chose que tout enfant devrait connaître, dont les effets de la nature, comme tu dis. En autant qu'il apprenne pas les effets de la gravité comme moi. :)

    Pluche

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  12. j'ai toujours été un peu casanière mais c'est vrai qu'on était beaucoup dehors. on jouait aux barbies dehors, on fesait du "bicik à 10 vitesses" en tenant notre guidon par le milieu pis on mettait des cartes dans les rayons, on se déguisait, on se fesait des cabanes avec les grosses boîtes de frigo dans le temps des déménagements, on fesait du patin è roulette, on jouait à la marelle ou dans les "galos", bref on s,amusait en masse! je me suis jamais pêté la gueule autant que toi mais j'ai déjà joué à la "tag" nu pieds pendant 1 heure en voyant du sang partout à terre et en me demandant d'où ça pouvait bien venir avant de me rendre compte qu'il me manquait un bout de gros orteil. quand je l'ai vu, évidament je me suis mise à pleurer et LÀ ça fesait mal, pas avant, juste LÀ! me sui spêté la gueule en patins à roulettes souvent aussi, surtout parce que j'avais hérité de ceux de ma tante ( on a juste 8 ans de différence) et qu'ils étaient trop grands. j,ai usé la robe de marié de ma mère à la corde dans le gazon et sur l'alsphalte mais j,avais la plus belle robe du cartier. quand il fesait beau, on sortait le winebago de barbie avec tout le linge et on s'installait sur une grosse couverte dans le gazon, quand il fesait pas beau, on se partait une partie de monopoly ( qu'on étirait pendant 1 semaine, au grand damn de ma mère qui devait endurer la plaquette de jeu au milieu du salon pendant tout ce temps là) ou de destin ou bien on écoutait la cassette de michael jackson sur mon petit magnétophone enregistreuse en se fesant des routes pour les autos avec mes livres de disney. ou bien on se maquillait et on jouait à "être nathalie simard" en écoutant ses "longeux" sur mon tourne disque bleu de disney. on coloriat aussi beaucoup, autant dans nos livres que dans la rue avec les craies. je m'ennuie de ce temps là...

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  13. C'est encore et toujours intéressant de lire ce que les jeunes d'avant faisaient pour s'occuper. Décidément vous avez eu une enfance fort occupée et assez remplie de merveilleux souvenirs. J'ai lu tout ça avec le sourire. Les jeunes d'aujourd'hui ne sauront pas. Sauront jamais.

    Vous me faites plaisir ce matin avec ce magnifique commentaire. Il n'y manquait que votre prénom. :)

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  14. Hooo que de bon souvenir...
    Effectivement dans la ruelle dans mon enfance, je me rappelle que ma mère me criait, viens diné, viens soupé, viens prendre ton bain !!

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