dimanche 11 septembre 2011

C'était y'a 45 ans

La télévision dans les années 60 c'était pas comme aujourd'hui. Au lieu de faire de nouvelles versions de vieilles séries ad nauseam,  on inventait, on innovait avec des concepts tout aussi imaginatifs les uns que les autres. On avait la sorcière qui était bien aimée, la lugubre famille Adams, la famille Munsters aussi. On voyageait au fond des mers, on se baladait au pays des géants, on faisait sortir de jolis génies de bouteilles pendant que Batman et Robin veillaient au grain, tout comme les Sentinelles de l'air. Au pire on aurait pu être de joyeux naufragés, voyager au cœur du temps ou encore être perdus dans l'espace...

Et l'espace, justement, c'est là-dedans que se déroulait une autre de ces étranges émissions qui a débuté très exactement il y a 45 ans. En novembre 1966 voici ce que les gens ont vu arriver sur leurs écrans:


On doit tout ça à un certain Gene Roddenberry, un type qui avait déjà un bon bagage d'expérience en écriture de scénarios et qui qui aimait bien la science-fiction. Roddenberry avait fignolé son projet et puis s'en est allé cogner à la porte du réseau de télévision CBS qui eux, ont préféré «Lost in Space» d'Irwin Allen. 

Bon. D'accord, qu'il s'est dit. Ensuite c'est chez Desilu qu'il est allé. Desilu est un studio qui a été créé par Desi Arnaz et Lucille Ball (d'où le nom). Desilu l'a accepté et le patron de la compagnie a réussi à vendre le projet de Roddenberry au réseau NBC, concurent de CBS. Là, il faut que je mentionne qu'on est en 1964. A ce moment-là le personnage principal est le capitaine Robert April et son vaisseau c'est le USS Yorktown. Pas longtemps après Roddenberry taponne un peu le personnage et le transforme en capitaine Christopher Pike. Roddenberry produit alors un pilote afin de le présenter à NBC.

C'est quoi un pilote?

Avant qu'une émission de télé se retrouve diffusée par un réseau, les dirigeants dudit réseau veulent voir de quoi l'émission en question à l'air avant de l'acheter. Est-ce que le concept est original? Viable? Risque t-il d'attirer les cotes d'écoute? Alors voilà. Roddenberry avait fignolé son pilote, intitulé «The Cage». 

Trop cérébral ton truc Gene, qu'on dit les gens de NBC.

Mais c'est quoi ça veut dire au juste, trop cérébral?

Ça parle beaucoup et ça fait réfléchir. Faut de l'action. Et puis, rajouta NBC, y'a des personnages qu'il va falloir mettre aux poubelles. Celui-là, celui-ci pis l'autre là-bas. Spock est intéressant et on veut le garder mais on ne trippe pas trop sur les oreilles. Il a l'air du diable. Majel Barret aussi on l'aime bien mais c'est une femme, alors pas question de lui donner une quelconque forme d'autorité.

Les gens de NBC étaient intéressés mais ils ont préféré voir un deuxième pilote. On a donc répondu un nouveau pilote écrit par Samuel Peeples, «Where no Man Has Gone Before» en 1965. C'est dans ce pilote qu'on a vu arriver le capitaine Kirk, l'ingénieur Scotty et Sulu. Cette fois NBC a accepté.  

On a diffusé la première émission le 8 septembre 1966; «The Man Trap». Je sais, vous vous demandez comment ça se fait qu'on ait pas présenté «Where no Man Has Gone Before». Ils l'ont fait mais la troisième semaine seulement. 

Ce qui est quand même étonnant c'est que les critiques ont été assez tièdes. Certains disaient que c'était une bonne émission alors que d'autres disaient que c'était une fricassée  qui ne se regardait pas bien. Les plus pessimistes disaient que l'émission ne marcherait pas. A un certain moment on a décidé de placer Star trek dans une différente case horaire, soit le vendredi de 20:30 à 21:30, à un moment qui faisait que l'audience-cible, soit les jeunes, ne pouvaient que difficilement la regarder. Les cotes d'écoutes n'allaient pas vraiment bien (duh!) et personne n'était certain qu'on verrait Star Trek pour une troisième saison. 

Il y en a eu une, troisième saison, mais vous savez quoi? NBC a décidé de changer la case horaire de Star Trek pour la pire de la semaine, soit le vendredi à 22:00. Pire, NBC avait coupé pas mal dans le gras du budget de l'émission, ce qui a entraîné une certaine réduction de la qualité du produit. Selon Nichelle Nichols (Uhura) c'était exactement comme NBC l'avait voulu. Sans compter que NBC ne diffusait même pas Star Trek sur la totalité de son réseau... Roddenberry a argumenté avec NBC jusqu'a ce qu'il soit vert dans le visage mais rien n'y a fait. Qu'on aurait voulu tuer Star Trek qu'on aurait pas pu s'y prendre d'une meilleure façon. Et c'est comme ça qu'en 1969 NBC a pris Star Trek et l'a placé dans un gros malaxeur pour ensuite appuyer sur «frappé». 

Star Trek a connu son succès quand l'émission s'est en allée dans ce qu'on appelle syndication. Essentiellement ça veut dire que les droits de diffusion sont acquis, permettant à celui qui achète les droits de diffuser l'émission quand ça lui tente. C'est ce qu'a fait Kaiser Broadcasting avec Star Trek. Et le succès ne s'est pas démenti, surtout avec une case horaire à 18:00.

Star Trek, quoiqu'on en dise, attaquait plusieurs vieux concepts. Uhura (qui veut dire «liberté» en Swahili) était une noire qui tenait un poste relativement important puisque la plupart des communications passaient par elle. Ce fut la première Noire à obtenir un rôle important dans une série télé. Le premier baiser télévisé entre deux personnes de d'origines ethniques différentes a eu lieu dans Star trek quand Kirk a embrassé Uhura. 

Parmi les autres trucs on comptait un officier russe, Pavel Chekov, et ça à une époque où régnait encore la guerre froide. Dans Star Trek on disait que l'humanité avait réussi à surmonter tous ses problèmes et que c'était l'harmonie sur Terre. 

Dans Star trek on a aussi prédit le futur, en quelque sorte. Les téléphones cellulaires que nous utilisons tous aujourd'hui n'ont-ils pas une étrange ressemblance avec les communicateurs de la série. On y utilisait aussi une sorte de carte-mémoire que l'on insérait dans différents appareils et qui servaient à y conserver des données et des enregistrements audio-vidéo qui n'est pas sans rappeler les cartes-mémoire Flash qu'on retrouve partout. 

Pour l'époque, pour la rapidité à laquelle la série devait être produite ainsi que de par les contraintes budgétaires, faut avouer que les effets spéciaux avaient de quoi impressionner. Les costumes de la série ont tous été conçus par Bill Theiss; les uniformes des personnages principaux jusqu'aux extra-terrestres de tous genres, incluant celles de sexe féminin et dont les robes défiaient souvent les lois de la gravité.

Le fameux vaisseau USS Enterprise fut conçu par Matt Jefferies et principalement fabriqué en bois. Le côté droit était plus détaillé car on ne filmait que ce côté-là. L'autre était celui où entraient et sortaient les fils électriques servant aux lumières.

Vue du studio où l'Enterprise était filmé. On note l'écran bleu à l'arrière afin de faciliter l'intégration des effets spéciaux.

Dans toutes les séquences où on voit l'Enterprise se déplacer la maquette est généralement immobile. C'est la caméra qui se déplace pour donner l'illusion du mouvement.  

La fameuse chambre de téléportation. On voit ici Spock de dos, puis McCoy et Kirk, sur la plate-forme.

Certains des costumes originaux se sont vendus à des pris incroyables lors d'encans.

Un éclairage coloré on ne peut plus «sixties». 

On reconnaît ici à gauche William Campbell, lequel joua le rôle de Gothos dans un autre épisode de Star Trek, The Squire of Gothos ainsi que Michael Pataki à sa gauche.

Lors de la réédition de la série en DVD et Blu-Ray, on en a profité pour "reniper" les effets spéciaux, avec la technologie numérique surtout. Cette décision n'a pas fait l'unanimité chez les amateurs.

 C'est à se demander pourquoi personne n'a songé à installer des ceintures de sécurité dans l'Enterprise...

Le pont de l'Enterprise, complètement désert. Plusieurs éléments dont le poste de pilotage ainsi que la chaise du capitaine ont été vendus aux enchères.

Le pont de l'Enterprise a aussi été conçu par Matt Jefferies et fut aidé par son frère John. Matt a utilisé son expérience dans l'aviation pour créer un pont fonctionnel et crédible.

Des costumes, signées Bill Theiss, défiant plusieurs lois.Ici il s'agit de la moralité car on apperçoit un nombril. Dans la série «I Dream of Jeannie» tournée à la même époque, Barbara Eden n'avait pas le droit de montrer son le sien.

Outre les lois de la moralité il faut mentionner une autre loi qui était sérieusement mise au défi: celle de la gravité. Malgré leurs apparences fragiles les costumes de Bill Theiss n'ont jamais connu de problèmes gênants.

L'ingénieur Montgomery Scott a défié (avec succès) certaines lois de Newton.

James Doohan, l'interprète de Scotty durant les dernières années de sa vie. Doohan a succombé à la pneumonie et se battait aussi avec l'Alzeheimer ainsi que le diabète.

Hikaru Sulu, celui qui pilotait littéralement l'Enterprise. Durant le deuxième pilote «Where no Man Has Gone Before», Sulu était un médecin.

George Takei a reçu de nombreux prix pour son travail sur les droits de l'Homme ainsi que pour le Japanese American National Museum. Il milite aussi activement pour les droits des gais. 

 Uhura était loin d'être une potiche puisqu'elle était l'officier en chef responsable de toutes les communications de l'Enterprise.

Nichelle Nichols mène encore à 78 ans une carrière bien remplie. Lorsque la série télé se termina elle se porta volontaire à la NASA afin d'inciter les femmes ainsi que les gens issus des minorité à joindre la NASA.

Le fameux signe de la main en «V» de Spock est dérivé d'une gestuelle juive que Leonard Nimoy avait aperçu lorsqu'il était enfant. Le réseau NBC quant à lui n'aimait pas les oreilles pointues du personnage, citant leur aspect «satanique».

Parallèlement à sa carrière d'acteur, Nimoy est aussi connu pour ses talents de photographe. 

Dans la série, James Tiberius Kirk fut le plus jeune officier à recevoir le commandement d'un navire.

Maintenant âgé de 80 ans, William Shatner ne semble pas prêt de s'arrêter. Natif du quartier Notre-Dame-de-Grâces à Montréal, Shatner a étudié en économie à l'université McGill où un bâtiment porte aujourd'hui son nom.

Certains disaient que Chekov vait été ajouté à l'équipage à la suite d'un article de la Pravda mais il semblerait que ce soit davantage parce que Roddenberry voulait un jeune avec un style reminiscent des groupes musicaux The Beatles et The Monkees.

 Walter Koenig fut l'un des deux seuls acteurs a avoir auditionné pour le rôle de Chekov, rôle qu'il a eu de façon quasi-instantanée en raison de sa ressemblance avec le chanteur Davey Jones des Monkees.

Outre l'acteur James Doohan, DeForest Kelley, l'interprète du docteur McCoy, est aussi décédé. Il fut emporté par un cancer de l'estomac en 1999 et ses cendres furent dispersées dans l'océan Pacifique. 

Quelques faits amusants:

  • La fameuse phrase «Beam me up Scotty» n'a jamais été prononcée une seule fois.
  • James Doohan a perdu le majeur de sa main droite durant la Seconde Guerre.
  • Lucille Ball du studio Desilu a carrément refusé de canceler la série après la première saison.
  • La longueur de l'Enterprise est de trois terrains de football.
  • La première navette spatiale fut baptisée Enterprise à la suite de nombreuses lettres envoyées par les fans à la NASA.
  • Le nom complet de spock est S’chn-T Gai Spock.



 Étant fan de la série originale, j'ai pris plaisir à faire un p'tit coin Star trek dans mon salon. Il y a un chandail de capitaine, une maquette de l'Enterprise très bien détaillée ainsi que trois répliques d'objets utilisés dans l'émission soit le «phaser», le «tricorder» ainsi que le «communicator».

A la fin des années 90 j'ai eu le plaisir de rencontrer William Shatner et j'ai pu m'entretenir longuement avec lui. Il m'a parlé de sa passion pour les chevaux mais aussi de ses voyages de camping dans les Laurentides. Très généreux, William Shatner a autographié de bonne grâce mon encyclopédie de Star Trek, livre dont il avait lui-même écrit la préface.

Merci Bill.





Le saviez-vous? Les costumes étaient fabriqués dans un "sweatshop", et devaient être livrés dans les studios de Paramount de façon clandestine. 

10 commentaires:

  1. "La fameuse phrase «Beam me up Scotty» n'a jamais été prononçée une seule fois."

    Même chose pour "Play it again,Sam" par Humphrey Bogart dans Casablanca!

    Normand

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  2. Certaines séries sont indémodables. Star-Trek est l'une d'elles.

    Il est aussi vrai que les séries actuelles sont souvent - hélas - de véritables navets, mais pas tous. Je pense en particulier à Star-Trek Next generation et Star-Gate (SG1) qui furent d'extraordaires séries.

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  3. Normand: Effectivement, tu as raison, la phrase [présumée] de Bogart n'a jamais été prononçée.

    Gilles: Curieusement je n'ai jamais «collé» à Star Trek: TNG. trop de technoblabla, trop de «politiquement correct». Quand à SG1 j'ai entendu de bien belles choses sur cette série.

    Cepandant, ce que je pourrais reprocher à la télé d'aujourd'hui est de trop se prendre au sérieux. Un peu d'humour et de fantaisie ne feraient pas de tord, j'en suis certain.

    Pluche

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  4. Je vais devoir m'attarder à ce billet un peu plus tard. J'ai fort à faire.

    Ceci dit, J'aimerais bien voir une nouvelle série de Star Trek, un nouveau capitaine, de nouvelles aventures.

    Dis-donc... en passant, tu seras là au Comicon cette fin de semaine?

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  5. Je sais qu'il y a eu Star Trek: Enterprise il n'y a pas eu si longtemps et dont l'action se déroulait avant le capitaine Kirk mais je ne sais pas si cette série a connu du succès.

    Le Comicon, je ne sais pas. Ils ont tellement voulu traire la vache avec toutes sortes de billets Or en quantité limités et autres billets de faveur que le commun des visiteurs n'y verra probablement pas grand chose. J'ai été très déçu du Comicon de l'an passé alors je ne suis pas certain pour cette fois-ci.

    Pluche

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  6. Je vais possiblement y aller dimanche. Si ça vaut la peine, je vais prendre des photos et j'en ferai un petit reportage.

    La série Entreprise, à ma connaissance, a été un échec. J'en ai écouté quelques épisodes, deux ou trois et je me souviens à peine de ce qu'y s'y passait. Le capitaine n'avait aucun charisme. Certains personnages étaient intéressants mais le concept n'a tout simplement pas levé.

    C'est très difficile je crois de faire une telle série et comme dans tout équipage... ou équipe... tout passe par le capitaine. Si ce dernier n'est pas à la hauteur, ils n'iront pas loin. Shatner et Stewart avaient énormément d'impact à l'écran et c'est selon moi ce qui a fait le succès des séries.

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  7. Il y avait un certain potentiel avec le concept d'Enterprise mais je crois qu'ils se sont un peu enfargés. Je crois qu'ils auraient dû sortir des concepts déjà vus et revus à outrance et laisser faire les personnages connus.

    Bonne visite au Comicon!

    Pluche

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  8. La série StarGate (SG1) était très bonne (10 saisons). Par contre, la suite StarGate Universe a été un flop total, un véritable navet (2 saisons seulement).

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  9. Pour ma part la séries de Star Trek des années 60 refait avec des nouveaux effets spéciaux moi j'ai aimé, cela m'a fait encore plus apprécier ces épisodes... en tous cas de les voir d'un angles nouveaux

    Deep Space Nine ... bien ce n'était plus du Star Trek, mais plutôt un genre de warhammer de l'espace...

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  10. Il y avait des gens qui n'aimaient pas les effets spéciaux retravaillés parce que ça enlevait le charme «vintage» ou «retro». Toutefois, il faut dire que Desilu n'avait pas des budgets à tout casser alors personnellement je vois ces nouvelles versions comme celles qui aurait pu être réalisées dans le temps si le budget aurait été plus gros.

    Pluche

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