dimanche 31 août 2014

Au coin de St-Denis et Beaubien en 1955


Intersection achalandée que celle de Beaubien et St-Denis alors que nous voilà replongés en 1955. Mais quand au juste? Amusons-nous donc avec les petits détails que nous offre cette photographie, si vous le voulez bien. 

Au premier plan on aperçoit un petit groupe de jeunes filles fort affairées à discuter d’une affiche. Sur celle-ci on peut y lire (quoique difficilement) le mot «Amphitryon». Peut-être s’agit-il ici d’une publicité pour la pièce de Molière?  

Le temps semble être nuageux mais il y a tout de même des percées de soleil comme en témoignent les ombrages et ceux-ci tendent à indiquer que nous sommes dans l’avant-midi. Donc, si des jeunes filles se trouvent sur un coin de rues dans l’avant-midi au lieu d’être à l’école est-ce que cela voudrait dire que nous sommes durant la fin de semaine? Certainement pas un dimanche par que si ça aurait été le cas il y aurait beaucoup moins de circulation et les gens auraient tous été «habillés propre» pour aller à la messe. Et parlant de messe, tout juste derrière le photographe il y a l’église St-Édouard. Mais sommes-nous vraiment un samedi? C’est une possibilité. Par contre, à l’arrière, on voit un camion de livraison stationné devant le bureau de poste « B », or le service postal est inactif le samedi. Peut-être est-ce le début des vacances scolaires? 

Parmi les autres détails on peut noter la présence des rails de tramways et des fils d’alimentation. Par contre, sur St-Denis c’est l’autobus qui dessert le circuit. On peut d’ailleurs le voir plus loin se dirigeant vers le sud. Les tramways, que l’on appelait les «p’tits chars» sont tous en train de disparaître car la Commission de Transport de Montréal, créée en 1950, considère qu’ils sont à la fin de leur durée de vie utile. Bientôt des ouvriers vont enlever tous ces fils électriques et la CTM les revendra. Quant aux rails ils seront pour la plupart recouverts d’asphalte car tout enlever prendrait trop de temps et coûterait trop cher et la nouvelle reine automobile a bien peu de patience. Parlant d’automobile on peut voir sur le coin sud-ouest un détaillant Esso dont une affiche vante les mérites de pneus sans chambre à air, c’est le fameux «Cushionnaire» lequel est sensé réduire au minimum les dangers d’éclatement. Ce principe s’appuie sur le fait que s’il se produit une fuite l’air s’échappera du pneu de façon graduelle au lieu d’être libéré brutalement. 

Plus à l’arrière sur St-Denis on peut admirer toutes ces belles demeures aux devantures en pierre de taille ou en brique et surmontées de magnifiques appareillages. Ces maisons, bien que différentes au point de vue architectural, s’agençaient très bien ensembles et formaient un ensemble très agréable à l’œil. Parmi celles-ci on peut d’ailleurs entrevoir l’enseigne Coca-Cola du restaurant Champagne, un des rares commerces sur ce tronçon.  

Et que se passe-t-il durant cet été de 1955? Pour les jeunes filles sur le coin de la rue il y a la musique qui retient leur attention. Peut-être sont-elles des ferventes des Ames Brothers ou des Platters? N’empêche qu’il y a un tout nouveau genre qui vient tout bouleverser, soit le rock ‘n roll. À la radio de CJMS elles ne manquent pas d’entendre le légendaire Rock Around The Clock et Razzle Dazzle de Bill Haley & The Comets ainsi que le tout nouveau succès de Chuck Berry, Maybellene.

Pour les adultes il y a d’autres préoccupations. Dans les tavernes le soir, les messieurs digèrent encore très mal la suspension de Maurice Richard. On se demande aussi comment Toe Blake, le nouvel entraîneur du Canadien, qui a remplacé Dick Irvin, va s’en tirer pour la prochaine saison. Et si on ne parle pas de hockey on discute à savoir si Duplessis a bien fait de vendre le service de gaz d’Hydro-Québec à une entreprise privée. Le temps le dira. Un autre sujet de discussion est l’affaire Coffin dont la cause est maintenant rendue à la Cour Suprême. Si la décision est maintenue Coffin sera condamné à mort. 

Comment le coin a changé depuis 1955? Les belles maisons le long de la rue St-Denis sont toujours là et on peut toujours admirer leurs belles façades. L’église St-Édouard et l’école de La Mennais, juste en face, sont eux aussi présents. Le bureau de poste par contre l’a eu en plein front. Il n’a pas été démoli mais il suffit de dire que son remodelage intensif s’apparente à une chirurgie plastique carrément catastrophique. L’ancienne station-service Esso aussi a disparu et sur le terrain on a construit un dépanneur. 





Le saviez-vous? Considéré comme révolutionnaire pour son temps, le groupe de Bill Haley a vu sa popularité fondre dès 1956-57 alors que de nouveaux jeunes talents comme Elvis Presley, Little Richards et Jerry Lee Lewis sont apparus. 

1 commentaire:

  1. Superbe article, comme toujours. À lire et à relire.

    >L’ancienne station-service Esso aussi a disparu
    >et sur le terrain on a construit un dépanneur.
    Le dépanneur a fait place a un atelier théâtre pour les jeunes....

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