jeudi 5 mars 2015

Nom d'une Bobinette!

Soir venteux et assez froid. Je reviens de faire quelques courses et, collet relevé, j’ai bien hâte de me retrouver au chaud, dans l’mou et dans mes pantoufles d’ours. Sur le coin de cette intersection achalandée passent quantité de voitures et camions à toute allure. Tous les véhicules, à quelques rares exceptions près, dépassent largement la limite de vitesse et, à cause de ce trafic, le feu de circulation de l'artère principale demeure vert longtemps alors que moi, ben je piaffe non seulement à cause de cette température glaciale mais aussi parce que j’ai une de ces faims.

Puis, je remarque, pif poil au milieu de l’intersection, un petit sac de plastique blanc qui traîne. Une autre cochonnerie que quelqu’un a jeté comme ça sans aucun souci. Un autre parmi les milliers sinon les millions qui pullulent partout en ville. Je regarde le feu de circulation toujours vert et parfaitement interminable. Mais, tout d'un coup, y’a un détail qui en vient à m’échapper. Y'a un de ces vents froid qui me fouette le visage mais, assez curieusement, c’est à peine si le petit sac de plastique bouge. Même les voitures qui le frôlent ne le font presque pas broncher. Je n’ai pas mes barniques sur le nez et le soir comme ça sans mes châssis doubles j’ai un peu de peine à bien distinguer ce qui se trouve un peu loin. Je les sors donc de ma poche afin de voir de quoi il en retourne et c’est là que je me rends soudainement compte que le sac de plastique n’en est pas un. C’est un petit minet de rien du tout. Il n’a pas plus qu’un mois et demi ou deux. Je peux évidemment pas le laisser comme ça et j’ai maintenant une mission : aller le sauver coûte que coûte. Le problème c’est qu’il se trouve une nuée de voitures qui filent, manquant parfois de l’écraser de peu et il me serait impossible d’aller chercher le minet sans moi-même me faire frapper. Je ne tiens plus en place parce j’ai trop la chienne de voir la petite bête devenir une pizza. J’arrive à percevoir sa petite bouche qui ouvre. Il crie au secours, forcément, tout en regardant tout autour, cherchant du regard qui pourrait bien le sortir de ce pétrin.


Je regarde à nouveau le feu de circulation, toujours vert et lorsqu’il tombe finalement au jaune je n’attends même pas qu’il vire au rouge. Toute de suite je fais signe aux voitures qui s’apprêtent à décoller d’attendre pendant que je sprinte vers le milieu de l’intersection. Dieu merci il est sain et sauf. Je m’arrête et le regarde. Il me regarde lui aussi et ouvre la bouche d’où s’échappe un miaulement inaudible. Il est minuscule, sale et maigre. Je me penche et l’agrippe rapidement par la peau du cou pour ensuite l’enfourner dans mon manteau pour le sécuriser et aussi le réchauffer car il grelotte comme un vieux réveille-matin à remontoir.

Après avoir traversé la rue je presse le pas. Rendu chez-moi je dépose mon sac et me rend de sitôt dans la salle de bain où j’extirpe le minet de mon manteau pour le mettre dans la baignoire. Celle-ci est trop profonde pour qu’il puisse s’en échapper. Je m’en vais porter mon manteau et reviens afin de voir de plus près ce petit naufragé de la tempête urbaine.

Je me rends vite compte que mon rescapé est en réalité une rescapée. C’est une petite femelle. Sa robe, complètement blanche est évidemment très sale et je la peigne soigneusement afin d’y déceler quelconque trace de puces. Je suis soulagé de ne pas en trouver. Pas de mites dans les oreilles non plus. Voilà qui est très bien. L’eau tiède que je fais couler l’apeure un peu mais il faut ce qu’il faut. Heureusement j’ai du shampoing fait spécialement pour les chats alors je lui fais subir un bon petit nettoyage en règle. L’eau devient rapidement noire. Elle ne rouspète pas et après l’avoir soigneusement rincée je l’assèche dans une grande serviette tout en la gardant contre moi. Immédiatement je ressens encore un ronronnement très fort.

Dans la cuisine je lui sers un bon pâté que je réserve d’habitude à mon autre féline, Zoé, mais je ne crois pas que cette dernière s’offusque à ce que j’en offre à la petite minette qui se met à dévorer promptement son plat toujours en ronronnant bruyamment. C’est tout juste si elle ne mange pas l’assiette. Elle boit aussi à grandes lampées dans le bol d’eau.

Puis je m’installe dans mon fauteuil en la gardant dans mes bras. Peut-être, que je me dis, qu’elle va chercher à sauter par terre pour aller se cacher quelque part. Après tout elle se retrouve subitement dans un environnement qu’elle ne connaît pas mais au contraire elle demeure bien blottie contre moi. Je lui ai préparé un petit coussin sur ma table tout près de moi et dès que je tente de la déposer dedans elle miaule en s’agrippant après moi, se love en petite boule contre ma poitrine et recommence à ronronner. Je tente de nouveau l’expérience. Même résultat. Elle miaule de désespoir dès que je l’éloigne de moi pour se calmer de nouveau dès que je la presse contre moi.



Une semaine plus tard je suis chez le vétérinaire, parce que j’ai décidé de la garder. Si, parce que cet épisode de sauvetage en plein milieu d’une intersection diablement achalandée où les accidents ne sont pas si rares n’était pas le fruit du simple hasard. Il se trouvait là quelque chose de nébuleux, sorte de conjoncture de deux destinées, celle du minou et la mienne, qui étaient mûres pour se croiser. À la clinique la petite minette ne tient toujours qu’à être contre moi et c’est avec un peu de misère que la vétérinaire parvient à lui faire son examen. Le verdict est bon. La petite chatte, que j’ai depuis baptisée Bobinette, est en parfaite santé. Ses vaccins la rendent un peu groggy et je la redépose dans la cage pour le retour à la maison. En écoutant l’histoire de son sauvetage la vétérinaire s’est avancée sur la possibilité que la petite chatte soit issue d’une portée de ruelle, maqlheureusement encore trop nombreuses dans mon quartier, et qu’elle se soit trop éloignée pour pouvoir revenir. Mais comment a-t-elle pu se rendre en plein milieu d'un intersection sans se faire écrapoutir relève du miracle en soi. L’autre possibilité, plus cruelle celle-là, est qu’elle ait carrément été abandonnée en plein milieu de la rue. Quoiqu’il en soit elle est en sécurité maintenant et le restera. Au courant de l'été prochain, lorsqu'elle aura atteint sa maturité sexuelle, elle retournera à la clinique pour une stérilisation en bonne et dûe forme. On ne répetera jamais assez l'importance de poser ce geste. 


Entretemps, lorsqu’elle n’est pas à jouer avec une ficelle ou avec Zoé, c’est encore et toujours sur moi qu’elle préfère se reposer. Dans ce temps-là passer un coup de fil à quelqu’un signifie presqu’automatiquement que la conversation va être agrémentée de ronrons en sourdine. Et à tout moment Bobinette me prend entre ses pattes pour passer de longues minutes à me donner de petits coups de tête, se frotter contre mes joues et me lécher le visage comme s’il n’y avait pas de lendemain. La nuit, très souvent, il lui arrive de me lécher le visage pendant de longues minutes pour ensuite se coucher collée contre mon visage. Je connais assez bien la psychologie féline pour comprendre qu’il s’agit là d’un lien social que Bobinette me considère comme un membre de sa famille et elle renforce ce sentiment en me léchant, comme sa mère le faisait avec elle. J’aime à penser aussi que, durant ces moments, elle me remercie de l’avoir ainsi sauvée d’une mort certaine et de lui avoir offert une chance à la vie car je ne suis pas convaincu du tout qu'elle aurait survécu à cet hiver de malheur dehors.





Le saviez-vous? Le chat serait le seul animal à s’être auto-domestiqué par rapport à l’homme. Cela se passait il y a 9,000 ans dans le Croissant fertile.

2 commentaires:

  1. Quelle belle histoire, merci de la partager !

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    1. Content que vous l'ayez appréciée. Ça m'a fait bien plaisir de l'écrire.

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