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dimanche 15 avril 2012

Un bien malheureux voyage

Charles Melville Hays. Ca vous dit quelque chose? C'était un américain originaire de l'Illinois qui fut nommé directeur général du Grand Tronc en 1896. Hays était reconnu comme étant très dynamique et s'appliqua dès son arrivée à restructurer les opérations de la compagnie tout en appliquant une façon de faire plus agressive et plus américanisée de la gestions et des opérations.

 Charles Melville Hays


Au début du vintième siècle le Canadien Pacifique est la force dominante dans l'ouest canadien (alors en pleine expension) et tient à peu près tout le monde par les bijoux de famille, jouissant d'un monopole presque absolu. Pour Hays il est temps de plaquer le Canadien Pacifique dans la bande; construction d'hôtels, création d'une flotte maritime et tutti-quanti. L'ancien siège social du Grand Tronc que Hays fit ériger sur McGill est très indicateur des intentions du personnage quant à son rival.

Il est amusant de noter que la rivalité débordait parfois le cadre des affaires. C'est comme ça qu'un jour Hays se moqua du cheval de course appartenant au président du Canadien Pacifique, Thomas G. Shaughnessy. Ce cheval était une véritable limaçe et Hays dit à Shaughnessy "C'est un cheval très rapide que tu as là Shaughnessy!", ce à quoi il répondit "Ouais, aussi rapide qu'un train du Grand trunk!".

En 1903 le Canadian Northern, une compagnie ferroviaire que tout le monde et son chien  sous-estimait, devint la seconde à implanter un ligne intercontinentale au pays. Pas longtemps après Hays devint président du Grand Trunk Pacific, une division du Grand Trunk qui devait doter le pays d'une troisième ligne intercontinentale, joingnant Moncton au Nouveau-Brunswick à Prince-Rupert en Colombie-Britannique.

En 1909 Hays devint président de tout le Grand Trunk au complet. Au début de 1912 Hays se trouvait en Angleterre et, apprenant qu'une de ses filles avait une grossesse difficile, décida de rentrer au pays via Southampton à bord d'un navire transatlantique que la White Star se préparait à envoyer à New-York pour son voyage inaugural.

Il s'embarqua donc à bord de ce nouveau navire, réputé insubmersible, tout comme les 2226 autres personnes. Ce navire, on l'aura deviné, était le Titanic, lequel heurta un iceberg au large de Terre-Neuve dans la soirée du 14 avril pour couler à pic quelques heures plus tard dans la nuit.

Oups!


Les premières dépêches du naufrage rapportèrent initialement une fausse bonne nouvelle à l'effet que tous les passagers étaient sains et saufs, ce qui était évidemment bien loin de la vérité. Le Titanic avait coulé et plus de 1517 personnes y avaient laissé leurs vies.

Le Carpathia n'était pas encore arrivé à New-York que l'on décida de mettre en branle une commission d'enquête sur cette terrible tragédie. Cette commission fut présidée par le sénateur républicain William Alden Smith, lequel partit de Washington en train pour se rendre à New-York afin de s'assurer que J. Bruce Ismay n'échappe pas à un interrogatoire en règle sur la tragédie. De ce fait, Smith monta à bord du Carphatia alors que ce dernier venait tout juste d'accoster.

William Alden Smith

La premier jour d'audience eu lieu le vendredi 19 avril 1912 dans une salle évidemment bondée de l'hôtel Waldorf-Astoria à New-York (la commission se déplaça ensuite à Washington).

Ismay fut le premier à être questionné par le sénateur Smith et voici une traduction de la transcription de l'audience où il fut question de Charles Melville Hays:

Sénateur Smith: Connaissiez-vous Charles Melville Hays?

Bruce Ismay: Oui monsieur.

Sénateur Smith: Etiez-vous au courant de la présence d'autres Américains ou Canadiens
d'importance?

Bruce Ismay: Non monsieur. Je savais que monsieur Hays était à bord.

Sénateur Smith: Vous saviez qu'il était à bord?

Bruce Ismay: Oui. Je le connaissait depuis quelques années.

Sénateur Smith: Mais vous ne l'avez pas vu après le naufrage?

Bruce Ismay: Je ne l'ai jamais revu après, non.

Sénateur Smith: Était-il porté disparu?

Bruce Ismay: Oui monsieur.

Sénateur Smith: Il ne figurait pas parmis ceux qui avaient été sauvé?

Bruce Ismay: non monsieur.

*   *   *

Le nom de Hays refait surface à la quatrième journée d'audience alors tenue le mardi 23 avril 1912 à Washington DC. Le sénateur Smith interroge cette fois un certain major Arthur G. Peuchen, 53 ans de Toronto et passager de première classe. Dans son témoignage il relate cette scène:

J'étais sur le pont depuis quelques minutes en train de converser avec des amis puis je suis allé voir un autre ami, Hugo Ross, afin de lui dire que l'incident n'était pas sérieux, que nous n'avions heurté qu'un iceberg. J'ai aussi tenté de rejoindre monsieur [Markleham] Molson mais il n'était pas dans sa cabine, Je l'ai ensuite apperçu sur le pont et nous avons échangé sur l'incident. Environ quinze minutes plus tard j'ai rencontré monsieur Hays et lui ai dit, monsieur Hays avez vous vu la glaçe? Il me répondit que non. Je lui alors dit, Si vous voulez la voir je vais vous la montrer sur le pont. Alors nous sommes montés, probablement du pont C jusqu'au pont A et puis vers l'avant. J'ai alors montré la glace à monsieur Hays. J'ai ensuite remarqué que le navire semblait pencher vers l'avant et je l'ai mentionné à monsieur Hays ajoutant qu'il ne devrait pas puisque la mer était calme et que nous étions arrêtés. J'ai alors eu ce présentiment qu'il se passait quelque chose de grave. Monsieur Hays me dit, je ne sais pas, ce bateau ne peut pas couler. Il était très confiant. Il dit ensuite, peu importe ce que nous avons heurté, le navire est bon pour huit ou dix heures.

*   *   *

Malheureusement Hays perdit la vie. Son corps fut repêché le lendemain et identifié l'aide des papiers qu'il portait sur lui. Son corps fut repêché des eaux glaciales de l'Atlantique le lendemain et rapatrié à Montréal pour être enseveli au cimetière Mont-Royal. L'endroit où il repose est facile à trouver pour peu qu'on se donne la peine de se promener un peu. D'autres membres de sa famille y sont et le lot est surmonté d'une énorme pierre.



Bien qu'il n'ait jamais pu voir le Grand trunk Pacific se terminer en 1914, il ne put aussi voir le déclin du Grand Trunk, lequel fut acquis par le Canadien National en 1923. Outre la sépulture de monsieur Hays il est possible d'admirer sa voiture personnelle au Musée Ferroviaire Canadien à St-Constant.

La voiture de monsieur Hays est à droite (Cliquer pour agrandir)

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