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jeudi 9 mai 2013

Un autre géant nous a quitté

Nous voilà assis au cinoche dans un de ces gros fauteuils muni d’un de ces supports pour les barils de boissons gazeuses. Sur l’écran y’a ce dernier gros blockbuster américain qui vous poivre les yeux et les oreilles (mais pas le cerveau). Ça pétarade, ça pète, ça rugit et ça détonne. Boum, crac! Des monstres se tapochent sur la tronche en se lançant tout ce qui leur tombe sous la main; des voitures, des camions, des trains, des avions, des buildings. Tiens-toi!

Même si ça décoiffe et que ça impressionne nous ne sommes pas dupe parce qu’on sait très bien que ce sont des images de synthèse entièrement concoctées par des ordinateurs. La grande majorité des films que nous voyons comportent en grande majorité de ces effets spéciaux dont la quantité et la complexité peuvent varier selon le genre et les besoins. Nous y sommes tellement habitués que nous ne les voyons pratiquement plus. Au début ça impressionnait. Suffit de penser au personnage du T-1000 dans Terminator 2, fait de métal liquide, ou de l’extra-terrestre composé d’eau dans The Abyss. Avec Jurassic Park la technologie numérique s’est imposée et de ce fait, a pratiquement signé l’arrêt de mort des techniques dites traditionnelles. C'est rapidement devenu si avançé qu'il est possible de remplacer un acteur par un personnage 3D avec une différence à peine notable.

Vous avez vu le péplum Gladiator avec Russell Crowe? L'acteur britannique Oliver Reed y tenait le rôle de Proximo et durant le tournage l’acteur est mort alors que la photographie n’était pas terminée, Ridley Scott a donc dû faire appel à la technologie numérique pour le remplacer dans les scènes qu’il restait à tourner. Les gens n’ont pratiquement rien vu.Et c'était il y a plus de 10 ans.

Les catins numériques animées par ordinateur c’est bien beau mais comme je le disais plus haut, on le sait, on le voit que c’est de la synthèse. Comme Yoda dans les prequels. Vous avez trouvé crédible le Yoda par ordinateur? Je préfère largement la catin en caoutchouc manipulée par Frank Oz.

Et tout ça, finalement, pour en venir à mon sujet du jour. C’est de l’ami Jerry Scott que j’ai appris la nouvelle. Ray Harryhausen, le génie des effets spéciaux traditionnels est mort à l’âge de 92 ans. 

(Crédit photo: Jerry Scott)

Harryhausen on le connaît pour avoir animé quantité de monstres et bibittes diverses en utilisant des petites marionnettes animées image par image et qui étaient par la suite superposées à de vrais acteurs. Comme pour les effets numériques, on savait que les bestioles contre lesquelles se battait Sinbad ou Jason n’étaient pas vraies mais la technique de Harryhausen fonctionnait tellement bien que ça nous foutait la trouille à chaque fois et ce, même si on le savait parfaitement bien. 





Cependant, et bien qu’il ait élevé la technique au rang d’art, le procédé d’image par image n’a pas été inventé par Harryhausen. Faut tout de même rendre à César ce qui revient à… O’Brien. Willis O’Brien. Il s’agit du type qui a conçu les effets du film King Kong (RKO Radio Pictures) en 1933. O'Brien avait largement fait usage d'un gorille miniature avec une armature articulée et qui permettait avec la technique d'image par image et de jeux de caméra de donner l'illusion que King Kong était bien réel. Pour 1933 en tout cas.

Ray Harryhausen, fortement impressionné par King Kong, décida de se lancer dans le métier. Un ami s'arrangea pour qu'il rencontre Willis O'Brien lequel, après avoir observé les premiers efforts de Harryhausen, lui conseilla de suivre des cours en arts graphiques et en sculpture afin de parfaire ses talents.

Peu après la guerre Harryhausen réalisa une bobine-démo qui contenait plusieurs de ses projets et la montra à O'Brien qui l'engagea alors comme assistant-animateur pour les besoins du film Mighty Joe Young en 1949. Alors que O'Brien se concentrait à résoudre toute une multitude de problèmes techniques il laissa la majorité du travail d'animation à Harryhausen. Ce travail valut à O'Brien de recevoir un Oscar pour les meilleurs effets spéciaux.

En 1953 Ray Harryhausen fut entièrement responsable des effets spéciaux du film The Beast From 20,000 Fathoms et celui-ci connu un succès international. C'est durant le tournage de ce film que Harryhausen conçut sa méthode qui consistait à séparer l'avant et l'arrière-plan, une technique un peu complexe qui lui permit de mettre ses créatures en sandwich entre deux plans d'action contenant de vrais acteurs.

Les créatures de Harryhausen étaient fabriquées selon le même procédé qu’O’Brien avait utilisé pour King Kong; une armature en métal articulée était d'abord construite et laquelle était ensuite "habillée" de caoutchouc-mousse habilement sculpté. C'est la mère de Harryhausen qui assistait à la confection des peaux sur les créatures alors que son père machinait les squelettes. A la mort de ce dernier en 1973 Harryhausen engagea divers assistants dont un taxidermiste qui aidait à la création des bibittes ayant de la fourrure mais la plupart du temps Harryhausen travaillait seul. A ce sujet, il dit:

"C'est une profession solitaire, à tout le moins quand je travaillais sur mes films, mais la solitude souvent accompagnée de frustrations et qui me donnait du mal, était largement compensée par la joie qui m'habitait de voir mes créatures bouger avec la même réalité que les humains. La fait d'insuffler de la vie dans une de mes créations et en même temps leur donner à chacun une personnalité propre rend mon travail d'animateur unique et excitant."




Harryhausen ne se contentait pas de seulement animer les différentes créatures, il les concevait sur papier ainsi que les séquences d'actions dans lesquelles elles apparaissaient. Après quoi il les fabriquait lui-même avec différents matériaux.









Harryhausen conçut les effets spéciaux de Gulliver’s Travels (1960), de Mysterious Island (1961) et de ce que Harryhausen considère comme son meilleur film, Jason and the Argonauts (1963). Mais la révolution culturelle des années 60 se prêta plutôt mal aux films de fantaisie se déroulant dans des temps anciens et les studios travaillaient fort pour dénicher de nouveaux publics tant et si bien que Columbia ne renouvela pas le contrat de Harryhausen.

En 1967 il fut engagé par Hammer Film Productions afin d'animer les dinosaures du film One Million Years B.C., un film très apprécié pour les courbes de Raquel Welch (qui n'était pas animée par Harryhausen) et de son bikini en fourrure.

Yowzer!

En 1969 Harryhausen conçut de nouveaux d'autres dinosaures pour les besoins du film The Valley of Gwangi, un film que Harryhausen avait voulu faire depuis des années et dont le story-board avait été créé par son mentor Willis O'Brien. Le film ne remporta malheureusement pas un énorme succès au box-office. C’est un peu dommage parce que techniquement, pour le temps, c’était très fort.
 

Au début des années 70 Harryhausen parvint à convaincre Columbia Pictures de ressusciter la franchise de Sinbad le marin, ce qui mena à la production du film The Golden Voyage of Sinbad en 1973, mettant en vedette John Phillip Law et Caroline Munro. Le film connut assez de succès pour qu'un autre film, Sinbad and the Eye of the Tiger, soit produit et mettant en vedette Patrick Wayne et Jayne Seymour. Bien que la photographie principale fut terminée en 1975 Harryhausen mit deux ans à compléter le travail d'animation des différentes créatures dont le fascinant troglodyte. Le film parut en 1977 et connut lui aussi beaucoup de succès.


La séquence de danse avec Khali est toujours aussi impressionnante.

Le dernier film de Harryhausen fut Clash of the Titans en 1981. Si le film se classa en onzième position des films les plus populaires de cette année-là mais la technique de Harryhausen commençait à paraître vieillotte. La technique d'image par image continua toutefois d'être utilisée, notamment par Phil Tippett, lequel décida carrément de faire carrière dans l'animation après avoir vu le travail de Harryhausen.

Apprendre son décès m’a fait l’effet d’un coup de poing parce qu’outre Ray lui-même c’est aussi tout un pan de mon enfance qui en prend un coup. Qu’est-ce que je pouvais être excité lorsque mon père m’amenait au cinéma Versailles pour voir le nouveau film de Sinbad. Pas d’appareil vidéo dans le temps alors la seule façon de voir les créatures de Ray était d’aller en salles. Et justement, assis dans une de ces salles, popcorn à la main, il suffisait que je vois le nom de Ray Harryhausen au générique du début pour mon cœur batte la chamade juste à penser aux bibittes que j’allais voir. Sur grand écran ça faisait son effet. 


Merci Ray!


Saviez-vous ça vous autres? La séquence d'la bataille entre Jason pis les squelettes a pris quatre mois à faire. Pis une autre affaire, quand Pluche a écrit son article, excellent en passant, clap clap clap, on lui a demandé d'inclure une photo de Raquel Welch, parce que Raquel Welch. Mais y'a pas voulu parce c'était un article sur Ray Harryhauryryhauss... entéka. Faque on lui a dit, ok, s'correct. Pis là on a attendu pis on est venu faire les «modifications» nécéssaires. Tadaaam!

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