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lundi 22 décembre 2014

Le whisky Coronation en 1954


J’aime bien cette publicité, qui, malgré sa composition classique qui s’agence bien avec les standards de l’époque, nous donne l’occasion d’apprécier le talent des graphistes d’autrefois. C’était le temps où ils devaient être non seulement capables d’agencer les différents éléments mais aussi de réaliser des illustrations telles que l’on voit ici. Ça pouvait parfois être des gens, des produits ou encore les deux.

Chaque publicité, comme on le sait, vise un but précis, lequel peut évidemment varier. Est-ce que l’on veut simplement attirer l’attention? Provoquer une action immédiate de la part du consommateur? Regagner des clients perdus? Faire reconnaître une marque? Les possibilités sont nombreuses. Alors qu’est-ce qui en est de la publicité d’aujourd’hui qui est parue en décembre 1954?

Tout d’abord, la compagnie elle-même : Gooderham & Worts, nommée, on le devine, après ses fondateurs, en l’occurrence ici William Gooderham et James Worts qui sont aussi des beaux-frères. Ces deux immigrants britanniques sont arrivés dans la région de Toronto en 1832 et ont entreprit de construire un moulin à vent quelque part dans la baie de Toronto. Worts n’est pas un timoré puisqu’il possède quelque chose comme vingt ans d’expérience comme meunier et Gooderham est un homme d’affaires avisé qui amène une large part de capital. Worts est décédé en 1834 et Gooderham a continué seul. En 1837 il a ajouté une distillerie au moulin et c’est là qu’ont été jetées les fondations de la compagnie. En 1845 c’est le neveu de Gooderham, James Gooderham Worts qui s’amène et qui devient partenaire dans la firme et en 1856 c’est le fils de William Gooderham qui arrive aussi en tant que partenaire. En 1861 les affaires vont bien. Très bien, même. La compagnie possède un bâtiment de cinq étages et la production a grimpé de 80,000 à 1 million de gallons par an.

La compagnie a été vendue en 1923 à Harry C. Hatch qui a par la suite acheté Hiram Walker & sons en 1927 et toute la patente est alors devenue Hiram Walker-Gooderham & Worts Ltd. C’est une bonne période parce que c’est à peu près dans ce temps-là que cesse la prohibition en Ontario et la compagnie continue de faire de bonnes affaires puisqu’elle profite de l’autre prohibition, américaine celle-là, et qui perdure jusqu’à la fin de 1933.

Quant au produit, en l’occurrence ici le whisky Coronation Bonded, il fait partie des fins alcools produits par la compagnie. Certains pourraient se demander ce que l’appellation «Bonded» veut dire alors voici; pour qu’un whisky puisse porter cette mention il faut qu’il ait été produit en une seule saison par une seule distillerie et avoir «âgé» au moins quatre ans dans un entrepôt supervisé par le gouvernement. Les distilleries utilisaient cette méthode afin de ne pas avoir à payer la taxe d’accise jusqu’à ce que le whisky soit prêt pour la distribution sur le marché. Les consommateurs croyaient (à tort) que le terme «Bonded» était une déclaration de qualité.

Par contre en 1954, Gooderham & Sons, seul nom à apparaître sur l’étiquette, n’en a plus que pour trois ans à produire du whisky puisque que la compagnie va entièrement en cesser la fabrication en 1957 pour se concentrer essentiellement sur le rhum et les alcools industriels. Mais bon, nous sommes toujours en 1954 et le produit se vend très bien. Donc, pas besoin de peser sur la pédale à gaz pour le vanter puisqu’il a déjà sa réputation, laquelle est d’ailleurs excellente. Ce qu’on tient à souligner, c’est justement ça, l’excellence du produit ainsi que le fait qu’à Noël on se s’offre que le meilleur. Dans la conception de la pub on encadre le message avec une illustration qui met en scène des gens élégamment vêtus, visiblement raffinés et visiblement heureux de s’offrir entre eux le produit en question dont le personnage de droite qui ressemble à s’y méprendre à Clark Gable.

Par contre, et c’est là un élément intéressant, cette illustration est néanmoins générique puisqu’elle ne met pas en évidence le produit; poignée de main et cadeaux soigneusement enveloppés. On pourrait facilement remplacer la partie du bas par un autre produit.

Comme je le mentionnais plus haut, cette publicité est parue en décembre 1954 alors qu’est-ce qui fait jaser à ce moment-là dans les chaumières? Tout d’abord faut mentionner qu’à cette époque le Québec est encore très catholique, ce qui inclut les interminables messes en latin et tout le reste alors pas étonnant que la santé du pape Pie-XII, qui connaît des hoquets, inquiète les fidèles. Malgré tout il va s’en remettre.

Les gens de Montréal s’habituent, depuis octobre, à une toute nouvelle administration municipale alors dirigée par l’ancien avocat Jean Drapeau, lequel en est à son premier mandat à la mairie. Drapeau, à la tête de la Ligue d’action civique, a été élu par une majorité de quelques 50,000 voix et il a de ce fait battu son opposant, Sarto Fournier. Pour ce dernier, ce n’est que partie remise et compte bien reprendre les rênes de l’hôtel de ville en 1957. Et justement, c’est à cet endroit que le conseiller Émile Pigeon mijote un plan afin de faire passer la rue Berri sous la rue Sherbrooke avec un viaduc. Toujours au municipal, le ministre Paul Dozois se relève les manches et commence à préparer le plan qui portera son nom et dont le but est l’élimination des taudis dans la ville.

Dans un autre ordre d’idée, les gens qui ont les moyens de se permettre l’achat d’un téléviseur peuvent suivre, depuis peu, le téléroman Le Survenant, à Radio-Canada et mettant en vedette Jean Coutu dans le rôle-titre. Pour ceux qui préfèrent le cinéma il y a une nouveauté tout à fait extraordinaire qui arrive en ville : le Cinérama où les films sont projetés par une caméra spéciale à trois lentilles sur un grand écran concave. L’inauguration est prévue pour la fin du mois.
Dans Pointe St-Charles on parle beaucoup de cette explosion qui est survenue à l’usine de produits de plomberie Cuthbert où un fourneau à métal défectueux a explosé, causant la mort d’un homme et en blessant d’autres. Dans les nombreuses tavernes les hommes se désolent du fait que les Alouettes, parvenus en finale de la coupe Grey, ont été battus par les Eskimos d’Edmonton.



Le saviez-vous? Il n’y a qu’une seule loi au Canada pour la production de whisky canadien: Il doit être fermenté, distillé et vieilli au Canada. C’est tout. Et tout comme le bourbon, le whisky canadien est généralement fabriqué à partir de plusieurs grains différents. Cependant, contrairement bourbon, au Canada chaque grain est généralement fermenté, distillé et vieilli séparément. Ils ne sont combinés qu’à la toute fin, ce qui signifie la quantité de whisky de seigle ajouté à chaque mélange varie considérablement.

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