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dimanche 29 mars 2015

Maison Louis-Joseph Forget


On dit souvent, à tort, que les hautes sphères de la finance et de la richesse étaient jadis uniquement l’affaire des anglophones et des écossais, qu’il s’agissait d’une sorte de club hermétique qui ne laissait filtrer aucun francophone.

C’est évidemment faux.

Pour parvenir au succès financier ce qu’il fallait n’était pas de parler anglais mais bien d’avoir de la volonté et de ne pas avoir peur de se retrousser les manches pour travailler fort. À titre d’exemple, Donald Alexander Smith, devenu Lord Strathcona, n’est arrivé ici qu’avec le change dans sa poche. Son cousin, George Stephen, devenu Lord Mount Stephen, n’est pas débarqué non plus ici les poches pleines. Il a passé de longues soirées à étudier des volumes sur les finances l’art bancaire. Ce ne sont là que deux exemples parmi tant d’autres. Or qu’est-ce qui empêchait un Canadien-Français de connaître le succès?

Rien.

La recette était la même. Et cette recette, Louis-Joseph Forget l’a bien comprise. Le personnage n’est pas né d’une famille riche du Golden Square Mile mais bien dans une famille d’agriculteurs de Terrebonne en 1853. Il aurait pu enfiler la salopette et manier de la bâche mais il a préféré s’instruire au collège Masson. Il a trimé dur et après sa graduation il est allé travailler pour le compte de Thomas Caverhill, courtier en valeurs mobilières. À force de travailler sans compter les heures Louis-Joseph Forget a amassé une quantité de sous assez importante pour lui permettre de fonder, dès 1876, sa propre maison de courtage.


En 1890 la compagnie de Forget est l’une des plus importantes au pays. Notez bien l’utilisation du mot «pays» et non »quartier», «ville» ou même «province». Deux ans plus tard il prend les rênes de la Montreal Street Railway à titre de président et supervise dès lors l’électrification du réseau de tramways, travail qui sera complété en 1895. L’année suivante Forget est nommé sénateur et en plus de ce travail il chapeaute la fusion des compagnies énergétiques qui formeront en 1900 la Montreal Light, Heat & Power, l’ancêtre d’Hydro-Québec. Toujours en 1900 il est élu au conseil d’administration du Canadien Pacifique, le premier francophone à accéder à la table d’une des plus importantes compagnies canadiennes. Tout ça parce que le bonhomme n’a pas eu peur de se relever les manches.Évidemment Forget a pu amasser une fortune assez considérable et c’est avec cet argent qu’il s’est fait construire une splendide résidence sur la rue Sherbrooke, pif-poil au milieu d’autres résidences cossues du secteur. Le terrain est acquis en 1882 et les plans confiés à l’architecte Maurice Perreault, à qui l’on doit, entre autres, le Monument national sur St-Laurent qu’il a réalisé avec son partenaire Alphonse Ménard. La maison fait largement usage de pierre de taille avec un escalier imposant flanqué de rampes en fer forgé et que je vous propose aujourd’hui avec cette photo prise l’été dernier. Fort heureusement la résidence a été classé monument historique en 1974 et se trouve donc protégée. Dommage que l’on n’ait pas pu en faire autant avec d’autres de ces belles demeures, comme celle de William Van Horne.





Le saviez-vous? C’est le 21 septembre 1892 qu’est apparu le premier tramway électrique à Montréal; le Rocket, surnommé ainsi parce qu’il allait légèrement plus vite qu’un picouille flegmatique. On peut d’ailleurs l’admirer (le tramway, pas la picouille) à Exporail. 

mardi 24 mars 2015

Il y a 70 ans...

Il a longtemps été dit qu'anne Frank et sa soeur Margot étaient mortes au mois de mars 1945, une ou deux semaines avant la libération du camp de Bergen-Belsen par les Britanniques. Or, si l'on se fie aux témoignages de Nanette Blitz, une amie d'Anne elle aussi incarcérée à Bergen-Belsen, la dernière qu'elle l'a vue était en janvier et à ce moment Anne manifestait déjà des signes avancés du typhus. Nanette l'a décrit alors comme étant un squelette tellement Anne était maigre. La maladie prend environ une douzaine de jours à tuer une personne. Il est improbable qu'Anne et Margot aient pu survivre jusqu'en mars. 

Nanette Blitz rapporte néamoins quelque chose d'intéressant à propos de ses rencontres avec Anne; cette dernière avait alors dit à Nanette qu'elle avait un journal intime et qu'elle voulait l'utiliser comme base pour un livre qu'elle voulait écrire. Nanette spécifie bien qu'Anne ne voulait pas publier son journal tel quel. 

Mais voilà, aujourd’hui le Journal d’Anne Frank est devenu aujourd’hui l’un des ouvrages les plus populaires du 20è siècle et on peut se le procurer facilement dans n’importe quelle bonne librairie. Toutefois je me permets aujourd’hui d’apporter une précision que je considère importante. Si vous avez lu le Journal d’Anne Frank, vous avez lu Anne, mais en même temps vous n’avez pas exactement lu Anne.

Je m’explique.

Lorsqu’elle reçoit le carnet d’autographe à son anniversaire en 1942, Anne rédige alors un journal intime qui ressemble en tous points à n’importe quel autre journal écrit par une jeune fille. Elle y couche ses espoirs, ses rêves, ses déceptions, ses coups de cœur et de gueule. Au fil des mois son écriture se raffine et Anne se taille un style littéraire de plus en plus solide et caresse le rêve de devenir auteure ou écrivaine.

«Autre chose maintenant : tu sais depuis longtemps que mon souhait le plus cher est de devenir un jour journaliste et plus tard un écrivain célèbre. Réaliserai-je jamais ces idées (ou cette folie !) de grandeur, l’avenir nous le dira, mais jusqu’à présent je ne manque pas de sujets.»

Les choses changent au printemps de 1944. Dans l’annexe, le soir venu, les occupants écoutent clandestinement Radio Orange (radio du gouvernement néerlandais), laquelle diffuse depuis Londres, afin d’avoir les dernières nouvelles. Un de ces soirs, Anne entend le ministre de l’éducation Gerrit Bolkesteyn dire qu'après la guerre le gouvernement ferait une collection des lettres et des mémoires que les gens ont écrits durant la guerre. Anne relate cette écoute dans son journal le 29 mars 1944 :

«Hier soir, le ministre Bolkesteyn a dit sur Radio Orange qu’à la fin de la guerre, on rassemblerait une collection de journaux et de lettres portant sur cette guerre. Évidemment, ils se sont tous précipités sur mon journal. Pense comme ce serait intéressant si je publiais un roman sur l’Annexe ; rien qu’au titre, les gens iraient s’imaginer qu’il s’agit d’un roman policier.»

Plus tard, en mai, elle rajoute ceci :
«Après la guerre, je veux en tout cas publier un livre intitulé « l’Annexe* », reste à savoir si j’y arriverai, mais mon journal pourra servir.»

* : En Néerlandais, Het Achterhuis.

Alors voilà donc, encore une fois on voit qu'Anne confirme dans son propre journal ce qu'elle avait dit à Nanette Blitz à l'effet qu'elle ne désirait pas publier son journal tel quel, à proprement parler puisqu’il s’agissait d’un journal intime, mais plutôt s’en servir comme base pour la rédaction d’un roman. Anne réitère d’ailleurs, à plusieurs reprises qu’elle ne laisserait jamais personne le lire. Seule sa sœur Margot peut en consulter certains passages. Il s’agit là d’une entente tacite qu’elles ont à l’effet qu’elles peuvent lire mutuellement certains passages de leurs journaux respectifs car, c’est important de le mentionner, Margot rédige aussi un journal. Ce dernier n’a toutefois jamais été retrouvé. De ce fait elle Anne s’arrange donc pour cacher son journal, allant jusqu’à le placer dans une malle appartenant à son père.



Donc, l’écoute du message de Bolkesteyn est ce qui motive Anne à entreprendre une seconde rédaction de son journal et y consacre un temps très appréciable. Elle reprend depuis le tout début; corrige certains passages, en réécrit d’autres et effectue même de nouvelles rédactions. En l’espace d’une dizaine de jours Anne parvient à remplir quelques 324 pages avec une bien meilleure maîtrise de l’écriture qu’en 1942.

On connaît la triste suite; le 4 août 1944 vers dix heures du matin la police débarque chez Opekta, alors renommée Gies & Co., et fait ouvrir la porte secrète menant à l’annexe afin d’y arrêter tous ceux qui s’y cachent.

De toutes ces personnes seul Otto Frank survit. Après la libération d’Auschwitz, il est revient à Amsterdam emportant avec lui le deuil de son épouse Édith mais étreint toutefois l’idée que ses deux filles, Margot et Anne, sont encore en vie et qu’elles reviendront sous peu. Après tout, elles étaient en bonne santé lors de l’arrestation. Régulièrement il consulte les avis publiés par la Croix Rouge mais c’est finalement une lettre, adressée par Janny Brandes-Brilleslijper qui lui apprend la terrible nouvelle. Secoué, il dit à Miep Gies que ses filles ne reviendront pas. Il s’effondre. C’est alors que Miep sort de son tiroir le journal d’Anne, qu’elle avait récupéré après l’arrestation le 4 août 1944. Elle retourne voir Otto et lui donne.

C’est non sans une lourde charge émotive qu’Otto lit les écrits de sa fille. À la lecture il est estomaqué d’y voir une Anne qu’il ne connaissait pas. Il transcrit et traduit certains passages du journal en allemand, qu’il envoie à quelques membres de la famille. Otto souhaite néanmoins réaliser le vœu de sa fille, laquelle voulait devenir auteure. Il confie le journal de sa fille à l’historienne Annie Romein-Verschoor qui tente, sans succès, de le faire publier. À son tour elle le tend à son mari, Jan Romein et qui écrit à ce sujet un article intitulé «Kinderstem» (La voix d’une enfant) dans le journal Het Parool, le 3 avril 1946. À partir de là des éditeurs se montrent intéressés et Het Achterhuis est publié pour la première fois en 1947. Le livre est évidemment édité et Otto a choisi de ne pas inclure une certaine quantité de passages qu'il juge trop imtimes. 

Il est aujourd’hui convenu que la première version du journal, celle qu’Anne a initialement écrite à partir de son anniversaire en 1942 jusqu’à l’écoute du message sur Radio Orange, est désignée comme étant la version A. La version B est la réécriture minutieuse qu’Anne a faite de son journal jusqu’à la fin, soit le 1er août 1944. Quant à la version C, il s’agit du texte originalement édité par Otto Frank et Ab Cauvern et plus tard, en 1991 par Mirjam Pressler, laquelle connaît très bien le journal d’Anne. Pour cette nouvelle édition Pressler a ajouté plusieurs passages qu’Otto avait supprimés. Avec cette nouvelle version on voulait un texte accessible pour un éventail très large de lecteurs mais il y a eu certaines critiques par rapport à cette décision d’éditer le journal d’Anne de cette façon. L’une de ces critiques est Laureen Nussbaum qui a bien connu Anne puisqu’elle apparaît dans le journal sous le nom de Hansi. Nussbaum, a obtenu un doctorat en littérature et déplore, entre autres choses, que la version de Pressler, sans aucune mention à cet effet, entrecroise certains passages du journal d’Anne, mélangeant des passages de la version B avec celles, plus spontanées et moins réfléchies de la version A. Peut-être cela satisfait-il à ceux qui ont un appétit pour le sensationnalisme mais c’est en réalité à contre-courant du véritable concept littéraire qu’avait développé Anne en plus de gommer les choix de mots bien précis qu’elle avait fait en écrivant. 

Par exemple, vers Noël 1943, Anne décrit son aspiration pour la liberté et son esprit d’insouciance quant à sa jeunesse et qui n’a pas diminué. Par contre dans la version B le récit est plus nuancé et plus poétique. Anne rajoute qu’elle doit cesser de se sentir désolée pour elle-même et termine sous une note résolument positive. On a ici opté de ne conserver que la version la plus émotive tout en choisissant d’insérer certains passages qu’Anne avait délibérément éliminés. De ce fait, la composition et la cohérence du texte d’Anne se trouve dilués. Ceci se répète malheureusement à de trop nombreux endroits le long du livre. On a aussi omis, dans certaines éditions, des passages jugés trop scandaleux, comme ceux où Anne parle de sa sexualité, de son corps et de la relation de ses parents. Voila pourquoi je disais plus haut qu'en lisant le journal on lit Anne sans exactement la lire car nous ne suivons pas le fil directeur de sa pensée littéraire tel qu'il apparaît dans la version B.


Mais alors, est-il possible de véritablement lire le journal d’Anne Frank? Oui. À sa mort en 1980, Otto Frank a laissé à la nation Néerlandaise l’ensemble des écrits d’Anne. À son tour, le gouvernement a confié le journal au National Institute for War Documentation (Rijksinstituut voor Oorlogsdocumentatie) ou, NIOD. On s’est affairé à compiler tout ce qu’Anne a écrit, de son journal, dans les trois versions (A, B et C), les histoires courtes incluant, entre autres, un roman inachevé, Cady’s Life. On retrouve aussi une étude graphologique des manuscrits, de l'arrestation, des enquêtes pour trouver le dénonciateur anonyme ainsi que l’histoire du journal. Le tout dans une édition reliée de 851 pages.

http://www.amazon.com/The-Diary-Anne-Frank-Critical/dp/0385508476

En terminant,j'espère que vous avez eu l'occasion de voir l'excellente pièce au TNM sur Anne Frank. Le texte d'Éric-Emmanuel Schmitt, la mise en scène de Lorraine Pintal et l'excellente interprétation de la lumineuse Mylène St-Sauveur, que j'ai eu la chance de rencontrer, valaient certainement le détour. 


Ironiquement, alors que mars 2015 marque le 70è anniversaire de la mort d’Anne, son cousin Buddy Elias a récemment rendu l’âme. Il avait, outre sa carrière d’acteur, dirigé le Anne Frank Fonds, en Suisse. 

jeudi 19 mars 2015

plate


Plaque de bronze (j’assume) près de l’entrée de la Banque Laurentienne sur Masson. Il s’agit ici de l’appellation anglaise de la Banque d’Épargne de la Cité et du District de Montréal, fondée en 1846 par une quinzaine de personnages qui inclut Louis-Hippolyte LafontaineLouis-Joseph Papineau et Sir George-Étienne Cartier. C’est la banque qui est devenue plus tard la Banque Laurentienne. La plaque en français, du côté gauche de l’entrée, était lors de mon passage, couverte de graffitis, ce qui explique l’utilisation de la plaque en anglais.


Saviez-vous ça vous autres? En 1972 la Banque Laurentienne a été la première banque à charte à avoir toutes ses branches connectées à un ordinateur central. Dans c’temps-là ça devait être un ordi genre Pierrafeu mais tout d’même.

samedi 14 mars 2015

portĭcus


Détail de la partie supérieure du portique de l’église du Sacré-Cœur, située sur la rue Ontario entre Plessis et Alexandre-de-Sève. Il s’agit d’une certaine quantité de photos que j’ai prises de cette église qui possède, comme bien d’autre, sa petite histoire et que je vais partager avec vous aujourd’hui.

Cette église-là a été construite en 1887 selon les plans de l’architecte Joseph Venne mais le soubassement, œuvre de l’architecte Adolphe Lévêque, existait depuis 1876. L’église se trouvait dans le faubourg Sainte-Marie, tout juste à côté du faubourg Saint-Jacques, lequel commençait deux rues à l’ouest. C’était le temps où la rue Alexandre-de-Sève portait le nom de Maisonneuve et que la rue Maisonneuve s’appelait Mignone, laquelle s’arrêtait à Saint-Urbain. La construction a fait appel à son lot d’artisans doués, lesquels ont certainement dû recevoir à plus d’une reprise la visite de monseigneur Fabre.

C’est aussi le temps où Montréal s’active, où ses industries commencent à prendre de plus en plus de vigueur. Depuis l’année précédente, de par la gare Dalhousie, les trains du Canadien Pacifique joignent maintenant la lointaine ville de Vancouver dans l’ouest canadien. La compagnie ferroviaire commence d’ailleurs projeter, discrètement, les plans de nouvelles installations pour des usines vastes et modernes, possiblement quelque part plus à l’est. D’ailleurs, l’ancien village d’Hochelaga, annexé à la Montréal depuis 1883 ne montre-t-il pas des signes d’une forte activité industrielle?

Entretemps, 3 avril 1922, un incendie se déclare dans l’église du Sacré-Coeur. Le sacristain, monsieur Joseph Lamarche, aperçoit les premiers signes et sonne immédiatement l’alarme. L’abbé Caumartin, vicaire de la paroisse est le premier à répondre et entre dans l’église de par le sacristie pour se rendre compte avec grand effroi que l’orgue au complet était en train de brûler, tel une grande torche dont les flammes tourbillonnaient autour des tuyaux pour s’élever jusqu’au plafond. Avec l’aide des abbés Deschênes, Gagnon et Léonard il sauve les Saintes-Espèces et les habits sacerdotaux.


En moins de cinq minutes une petite armée de pompiers se trouve sur place sous la direction du chef Marin et s’amorce dès lors un combat acharné. Le feu, on le voit bien, prend de l’ampleur et un vent violent active encore davantage l’élément destructeur. Pour le chef Marin il ne fait pas de doute qu’il faut des renforts et il sonne deux alarmes consécutives. Dès lors le chef Chevalier et le sous-chef St-Pierre prennent la relève des opérations. On compte par moins de quarante jets d’eau et il y a bon espoir de circonscrire l’incendie. Malheureusement on aperçoit le feu rejoindre le clocher qui se trouve près de la rue Plessis et bientôt de l’épaisse fumée se dégage du toit du corps principal de l’église. Puis le clocher tombe avec fracas sur le parterre qui donne sur la rue Ontario. Les pompiers commencent à craindre pour le presbytère et leurs efforts se concentrent sur le clocher qui se trouve à côté. Si ce dernier ne peut être sauvé on aura au moins réussi à faire s’épargner le presbytère. Un peu passé 18 :00 on a enfin maîtrisé le brasier mais les sapeurs restent sur place afin de continuer à arroser pendant toute la nuit. S’il y a une chose dont on est certain c’est que le bâtiment est une perte totale. À l’intérieur il ne reste que des tas de cendres et amas calcinés parmi lesquels figurent le grand orgue, les boiseries, les vitraux et quantité d’autres choses. Il faudra tout reconstruire.

Pour les paroissiens c’est là une catastrophe dont on se serait bien passé. Le curé Cousineau, loin de se baisser les bras, a relevé ses manches afin de pouvoir continuer à offrir les cérémonies et autres rituels. On ne s’explique toutefois pas la cause mais on soupçonne le moteur qui actionne les orgues. N’avait-il d’ailleurs pas pris feu au mois de décembre? Heureusement que l’on en avait eu connaissance à temps pour l’éteindre aussitôt à l’aide d’un extincteur.

La loi autorisant la reconstruction de l’église du Sacré-Cœur est alors sanctionnée par la ville de Montréal, alors sous la gouverne du maire Médéric Martin, où l’on mentionne, en préambule, 

«ATTENDU que le curé et les marguilliers de l'Œuvre et fabrique de la paroisse du Sacré-Cœur-de-Jésus, dans la cité de Montréal, ont, par leur pétition, représenté: Que le trois avril 1922, le feu a détruit entièrement l'église et la sacristie de cette paroisse; Qu'il est urgent, pour le bien de la paroisse, de reconstruire et de meubler au plus tôt, sur le terrain de la fabrique, l'église et la sacristie, en utilisant autant que possible les parties de murs, épargnées par le feu, de l'ancienne église et de la sacristie.»

Cette reconstruction délicate on la confie de nouveau à Joseph Venne, lequel réside dans ladite paroisse, mais ce dernier doit travailler avec certaines restrictions d’ordre monétaires. C’est que les pertes sont estimées à quelque chose qui frôle de demi-million et il en faudrait autant, sinon plus, pour tout refaire. L’ennui c’est que les assurances s’élèvent à un montant qui varie entre $175,000 et $180,000. Parmi les sacrifices architecturaux il y aura les clochers, que l’on ne reconstruira pas. Ces derniers demeureront plats.




Le saviez-vous? La façade actuelle de l’église fait partie des éléments architecturaux du bâtiment d’origine qui ont pu être sauvés. Toutefois, durant la reconstruction, d’importants travaux de consolidation ont été nécessaires. 

mercredi 11 mars 2015

ostium II


Il arrive souvent durant des promenades-photo que les opportunités se suivent rapidement. Dans ce temps-là j’omets trop souvent de prendre en note ce que je photographie et à quel endroit. Heureusement je connais bien ma ville et il ne me suffit, généralement, que de peu de temps pour replacer l’endroit en question. C’est le cas de cette magnifique porte d’église que j’ai pu rapidement retracer comme étant celle de l’église presbytérienne St-Luc, sise sur le boulevard Rosemont à l’angle de 17è avenue.

Le bâtiment est intéressant pour plusieurs raisons. D’abord il y a son année de construction; 1928, ce qui en fait une des plus anciennes églises du secteur puisque St-Brendan n’a été bâtie qu’un an plus tard. C’était l’époque où le boulevard Rosemont tel qu’on le connaît n’existait pas. Ce n’est que durant les années 60 que la voie est élargie et que l’on aménage le terre-plein.

Quant à l’église, pour y revenir, elle s’appelait à l’origine Kydd Memorial Presbyterian, tel qu’en témoigne une cartouche sur la devanture. Son architecture place l’entrée à gauche, directement sous le clocher et il y a aussi son extérieur entièrement composé de brique commune. S’y ajoutent une magnifique fenestration de style Tudor tant sur la façade que sur les côtés.





Le saviez-vous? L’origine du boulevard Rosemont remonte à 1707 afin de desservir les quelques trente terres agricoles que l’on retrouvait de çà et là de par la Côte de la Visitation. Ces terres avaient été concédées par les Sulpiciens, alors seigneurs de Montréal.  

jeudi 5 mars 2015

Nom d'une Bobinette!

Soir venteux et assez froid. Je reviens de faire quelques courses et, collet relevé, j’ai bien hâte de me retrouver au chaud, dans l’mou et dans mes pantoufles d’ours. Sur le coin de cette intersection achalandée passent quantité de voitures et camions à toute allure. Tous les véhicules, à quelques rares exceptions près, dépassent largement la limite de vitesse et, à cause de ce trafic, le feu de circulation de l'artère principale demeure vert longtemps alors que moi, ben je piaffe non seulement à cause de cette température glaciale mais aussi parce que j’ai une de ces faims.

Puis, je remarque, pif poil au milieu de l’intersection, un petit sac de plastique blanc qui traîne. Une autre cochonnerie que quelqu’un a jeté comme ça sans aucun souci. Un autre parmi les milliers sinon les millions qui pullulent partout en ville. Je regarde le feu de circulation toujours vert et parfaitement interminable. Mais, tout d'un coup, y’a un détail qui en vient à m’échapper. Y'a un de ces vents froid qui me fouette le visage mais, assez curieusement, c’est à peine si le petit sac de plastique bouge. Même les voitures qui le frôlent ne le font presque pas broncher. Je n’ai pas mes barniques sur le nez et le soir comme ça sans mes châssis doubles j’ai un peu de peine à bien distinguer ce qui se trouve un peu loin. Je les sors donc de ma poche afin de voir de quoi il en retourne et c’est là que je me rends soudainement compte que le sac de plastique n’en est pas un. C’est un petit minet de rien du tout. Il n’a pas plus qu’un mois et demi ou deux. Je peux évidemment pas le laisser comme ça et j’ai maintenant une mission : aller le sauver coûte que coûte. Le problème c’est qu’il se trouve une nuée de voitures qui filent, manquant parfois de l’écraser de peu et il me serait impossible d’aller chercher le minet sans moi-même me faire frapper. Je ne tiens plus en place parce j’ai trop la chienne de voir la petite bête devenir une pizza. J’arrive à percevoir sa petite bouche qui ouvre. Il crie au secours, forcément, tout en regardant tout autour, cherchant du regard qui pourrait bien le sortir de ce pétrin.


Je regarde à nouveau le feu de circulation, toujours vert et lorsqu’il tombe finalement au jaune je n’attends même pas qu’il vire au rouge. Toute de suite je fais signe aux voitures qui s’apprêtent à décoller d’attendre pendant que je sprinte vers le milieu de l’intersection. Dieu merci il est sain et sauf. Je m’arrête et le regarde. Il me regarde lui aussi et ouvre la bouche d’où s’échappe un miaulement inaudible. Il est minuscule, sale et maigre. Je me penche et l’agrippe rapidement par la peau du cou pour ensuite l’enfourner dans mon manteau pour le sécuriser et aussi le réchauffer car il grelotte comme un vieux réveille-matin à remontoir.

Après avoir traversé la rue je presse le pas. Rendu chez-moi je dépose mon sac et me rend de sitôt dans la salle de bain où j’extirpe le minet de mon manteau pour le mettre dans la baignoire. Celle-ci est trop profonde pour qu’il puisse s’en échapper. Je m’en vais porter mon manteau et reviens afin de voir de plus près ce petit naufragé de la tempête urbaine.

Je me rends vite compte que mon rescapé est en réalité une rescapée. C’est une petite femelle. Sa robe, complètement blanche est évidemment très sale et je la peigne soigneusement afin d’y déceler quelconque trace de puces. Je suis soulagé de ne pas en trouver. Pas de mites dans les oreilles non plus. Voilà qui est très bien. L’eau tiède que je fais couler l’apeure un peu mais il faut ce qu’il faut. Heureusement j’ai du shampoing fait spécialement pour les chats alors je lui fais subir un bon petit nettoyage en règle. L’eau devient rapidement noire. Elle ne rouspète pas et après l’avoir soigneusement rincée je l’assèche dans une grande serviette tout en la gardant contre moi. Immédiatement je ressens encore un ronronnement très fort.

Dans la cuisine je lui sers un bon pâté que je réserve d’habitude à mon autre féline, Zoé, mais je ne crois pas que cette dernière s’offusque à ce que j’en offre à la petite minette qui se met à dévorer promptement son plat toujours en ronronnant bruyamment. C’est tout juste si elle ne mange pas l’assiette. Elle boit aussi à grandes lampées dans le bol d’eau.

Puis je m’installe dans mon fauteuil en la gardant dans mes bras. Peut-être, que je me dis, qu’elle va chercher à sauter par terre pour aller se cacher quelque part. Après tout elle se retrouve subitement dans un environnement qu’elle ne connaît pas mais au contraire elle demeure bien blottie contre moi. Je lui ai préparé un petit coussin sur ma table tout près de moi et dès que je tente de la déposer dedans elle miaule en s’agrippant après moi, se love en petite boule contre ma poitrine et recommence à ronronner. Je tente de nouveau l’expérience. Même résultat. Elle miaule de désespoir dès que je l’éloigne de moi pour se calmer de nouveau dès que je la presse contre moi.



Une semaine plus tard je suis chez le vétérinaire, parce que j’ai décidé de la garder. Si, parce que cet épisode de sauvetage en plein milieu d’une intersection diablement achalandée où les accidents ne sont pas si rares n’était pas le fruit du simple hasard. Il se trouvait là quelque chose de nébuleux, sorte de conjoncture de deux destinées, celle du minou et la mienne, qui étaient mûres pour se croiser. À la clinique la petite minette ne tient toujours qu’à être contre moi et c’est avec un peu de misère que la vétérinaire parvient à lui faire son examen. Le verdict est bon. La petite chatte, que j’ai depuis baptisée Bobinette, est en parfaite santé. Ses vaccins la rendent un peu groggy et je la redépose dans la cage pour le retour à la maison. En écoutant l’histoire de son sauvetage la vétérinaire s’est avancée sur la possibilité que la petite chatte soit issue d’une portée de ruelle, maqlheureusement encore trop nombreuses dans mon quartier, et qu’elle se soit trop éloignée pour pouvoir revenir. Mais comment a-t-elle pu se rendre en plein milieu d'un intersection sans se faire écrapoutir relève du miracle en soi. L’autre possibilité, plus cruelle celle-là, est qu’elle ait carrément été abandonnée en plein milieu de la rue. Quoiqu’il en soit elle est en sécurité maintenant et le restera. Au courant de l'été prochain, lorsqu'elle aura atteint sa maturité sexuelle, elle retournera à la clinique pour une stérilisation en bonne et dûe forme. On ne répetera jamais assez l'importance de poser ce geste. 


Entretemps, lorsqu’elle n’est pas à jouer avec une ficelle ou avec Zoé, c’est encore et toujours sur moi qu’elle préfère se reposer. Dans ce temps-là passer un coup de fil à quelqu’un signifie presqu’automatiquement que la conversation va être agrémentée de ronrons en sourdine. Et à tout moment Bobinette me prend entre ses pattes pour passer de longues minutes à me donner de petits coups de tête, se frotter contre mes joues et me lécher le visage comme s’il n’y avait pas de lendemain. La nuit, très souvent, il lui arrive de me lécher le visage pendant de longues minutes pour ensuite se coucher collée contre mon visage. Je connais assez bien la psychologie féline pour comprendre qu’il s’agit là d’un lien social que Bobinette me considère comme un membre de sa famille et elle renforce ce sentiment en me léchant, comme sa mère le faisait avec elle. J’aime à penser aussi que, durant ces moments, elle me remercie de l’avoir ainsi sauvée d’une mort certaine et de lui avoir offert une chance à la vie car je ne suis pas convaincu du tout qu'elle aurait survécu à cet hiver de malheur dehors.





Le saviez-vous? Le chat serait le seul animal à s’être auto-domestiqué par rapport à l’homme. Cela se passait il y a 9,000 ans dans le Croissant fertile.

dimanche 1 mars 2015

derelictionis


Entrée dont la porte a visiblement connu des jours meilleurs. Pendant un certain moment je l’ai imaginée, voilà peut-être quarante, cinquante ou soixante ans, alors qu’elle devait avoir un peu plus d’allure, probablement flanquée, à l’intérieur, de néons fichés de chaque côté derrière les blocs de vitre. Intéressant aussi de voir trois serrures superposées. Je me suis amusé à penser que lorsqu’une a cessé de fonctionné on en a rajouté une autre plutôt que de la faire réparer. De près j’ai pu observer de nombreuses couches de peintures appliquées au fil des ans au goût des différents propriétaires qui se sont succédé. Chose intéressante qui m’a grandement amusé, est le fait que ma grand-mère a habité dans cet immeuble avec ses parents durant les années 30 sauf que l’entrée de leur logement se trouvait sur le côté. Les environs immédiats m’ont fait penser qu’il s’est peut-être trouvé là un jour un quelconque commerce, possiblement une taverne mais le Lovell a été bien peu bavard à ce sujet. 




Le saviez-vous? Les plus anciennes portes connues nous viennent de représentation retrouvées dans tombes de l’ancienne Égypte. Elles étaient simples ou doubles et taillées dans un seul morceau. Le climat sec et aride les empêchait de se déformer.