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jeudi 7 novembre 2013

Le plaisir de collectionner


Il y a de cela quand même un bon bout un copain m'a passé un coup de fil comme ça (tiens, voilà une autre de ces expressions que bien des jeunes ne connaissent pas). Il était bien content de m'annoncer qu'il s'en allait dans un condo avec sa copine. C'est après m'avoir annoncé son déménagement qu'il m'a demandé une faveur. J'entrevoyais déjà la demande d'aide au déménagement avec un pizza «gratis» au bout. Pantoute. En fait c'est que lui et sa copine demeuraient, à ce moment-là, chacun dans leurs appartements respectifs et que pour aménager dans un condo ils devaient se débarrasser de tout un fourbi de trucs dont certains qu'ils avaient forcément en double. Là j'ai craint qu'il me fasse l'éventail de cossins à vendre "pas cher". Tiens, tu veux un frigo? il coule un peu mais il est encore bon. Une laveuse à linge? Elle tonne comme un bombardier de la deuxième guerre mais elle a encore au moins quelques bonnes années devant elle.

Je préparais ma liste de réponses du genre: pas vraiment, non merci, t'es bien gentil mais.

Rien du genre. En réalité il avait une boîte à me donner.

L'ami savait que je m'intéressais un peu (beaucoup) aux vieux jouets et m'avoua comme ça que sa boîte ne contenait que des voitures Hot Wheels et peut-être aussi quelques Matchbox qu'il avait acheté dernièrement juste pour le plaisir de la chose et là il voulait me les donner, tout simplement.

Ok, que je lui ai dit, amène-la ta boîte.

Alors c'est comme ça qu'il s'est pointé chez-moi par un samedi matin pour venir me porter sa boîte. L'erreur fondamentale a probablement été de ne pas lui avoir demandé de quelle sorte de boîte il s'agissait. Peut-être un peu bêtement, sans trop de clairvoyance, j'avais imaginé une boîte à chaussures ou une boîte de mijoteuse. Quelque chose comme ça.

Tout sauf une boîte assez grosse pour servir de condo à mon chat.

Et puis il est reparti, tout bonnement avec la satisfaction d'un facteur qui vient de domper une tonne de circulaires dans le portique d'un bloc de cinquante-douze étages.

Un peu découragé par les dimensions j'ai mis la boîte dans la cuisine. Je l'ai regardé pendant un certain temps puis, curiosité oblige, je l’ai ouverte. Les voitures, toutes dans leur emballage, avaient été soigneusement empaquetées jusqu'à ras bord. J'en ai sorti quelques unes au début mais après un certain temps je me suis assis, à les regarder attentivement, à les tourner dans tous les sens, à observer les détails, les variations.Sans même le réaliser j'avais passé la soirée à bizouner avec ces voitures.

Quelques mois plus tard je me suis retrouvé dans un magasin de grande surface avec un ami. Curieux de voir comment le monde des petites autos avait évolué, j’ai bifurqué dans la section des jouets, à la très grande surprise et étonnement de l’ami. Puis je me suis arrêté devant les Hot Wheels et les Matchbox, que je me suis mis à regarder. L’ami étant demeuré dans l’allée, m’observant de loin en se grattant la tête et aussi avec un air quelque peu inquiet. Il semblait bien se demander ce que je faisais là à farfouiner comme ça. Mais lorsqu’il m’a vu revenir vers lui avec quelques voitures il a écarquillé les yeux en affichant une mine horrifiée, comme si je venais de prendre des revues porno. Je ne suis pas avec lui, qu’il semblait vouloir dire aux gens qui passaient qui eux, n'en avaient rien à cirer.

Ben quoi? Que je le lui ai dit. Tiens, regarde celle-ci, une Mustang Fastback 1967. Et là tu vois, un Plymouth Road Runner 1971 ainsi qu’une Studebaker Avanti. Pas mal non?

Son air parfaitement consterné laissait clairement transpirer son opinion sur mes trouvailles. Puis il a froncé les sourcils, comme pour questionner mon degré de maturité. J’ai pris quelques instants pour lui raconter l’histoire de la fameuse boîte que l’ami m’avait donnée et comment les voitures qui se trouvaient à l’intérieur avaient créé cette petite étincelle qui m’avait fait reconnecter avec ces petits moments de bonheur de l’enfance, à cette époque où je n'étais qu'un gamin, sorte de bruit recouvert de saleté, et qui virait complètement fou braque devant les étalages Hot Wheels et Matchbox du Bric à Brac alors qu'on me disait que je pouvais en choisir deux. Et que dire de tous ces morceaux de journées où, étendu dans le salon, je m’amusais comme un fou à faire défiler les voitures sur ma piste motorisée Hot Wheels ou encore ces longs moments à les manipuler, ouvrir capots et portières pour en admirer tous les détails. Sans parler des échanges que mes amis et moi faisions avec tant de passion dans la cour arrière.

Il n’y a pas de différence, lui ai-je dit, entre collectionner des voitures miniatures et n’importe quoi d’autre, puisque ce n’est pas tant ce qu’on collectionne qui est important mais plutôt le plaisir qu’on en retire. Et être collectionneur de petites voitures c’est faire un peu partie d’une communauté internationale large d’un peu plus de douze millions de gens, jeunes et vieux, hommes et femmes (si!) et qui s’adonnent à ce p’tit hobby ma foi fort amusant. 
Peu de temps après le téléfon a retontit. C’était l’ami. Il avait des courses à faire et me demandait si je voulais bien l’accompagner. Sur place j’ai évidemment visité les étalages de petites voitures où j’admirais les nouveaux modèles. Avec trois voitures dans les mains j’attendais à la caisse lorsque je me suis retourné pour parler à l’ami. Et que tenait-il dans ses mains? Trois voitures Hot Wheels.

« Salaud! » M’a-t-il dit en souriant. 




Le saviez-vous? Il se vend aux États-Unis plus de 8 millions de voitures Hot Wheels par mois et que si toutes les voitures fabriquées depuis 1968 étaient mises l'une à l'arrière de l'autre elles feraient quatre fois le tour de la Terre. 

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