lundi 23 février 2015

Église Nativité-de-la-Sainte-Vierge


Détail de la façade de l’église de la Nativité-de-la-Sainte-Vierge, cette fois du dessus de l’entrée principale. Comme je l’ai dit dans un article précédent consacré à l’entrée ouest, le bâtiment est l’œuvre des architectes Dalbé Viau et Joseph Venne qui ont opté pour le style romano-byzantin. On y voit un très bel amalgame de pierre de taille, essentiellement du calcaire extrait des carrières de Montréal, ainsi que de bois ouvré. La statue de la vierge, bien protégée sous sa coupole, vient du fait que l’église lui est entièrement consacrée.

Les dimensions de l’église ont de quoi impressionner et pour cause, le curé LePailleur avait demandé à Viau et Venne de doter l’église en devenir d’une contenance qui l’amènerait ultimement à devenir une cathédrale. Ça ne s’est jamais produit et l’église est demeurée une église, mais quelle église! En fait, elle a tout d’une cathédrale, sauf le nom.

La rue Dézéry, où se situe l’adresse civique de l’église, doit son nom à Jean-Baptiste Dézéry, lequel a donné le terrain au 19è siècle pour que l’on construise une chapelle. D’abord un bâtiment modeste appelé chapelle du Courant Ste-Marie ce n’est qu’en 1836 qu’elle devient la chapelle de la Nativité-de-la-Très-Sainte-Vierge. Un incendie la détruit complètement en 1921 et c’est à ce moment-là que sont entrepris les travaux de construction de l’église actuelle et qui se terminent en 1924. À peine trois ans plus tard, soit en janvier 1927, s'y déroulent les funérailles des 78 enfants qui ont péri dans le terrible incendie du Laurier Palace.


Aujourd'hui le bâtiment religieux a toujours clocher sur rue et se trouve classé comme immeuble de valeur patrimoniale exceptionnelle selon la juridiction municipale. Allez y faire un tour et prenez le temps d’en admirer toutes les subtilités architecturales qui risquent fort de vous étonner puisqu’il s’agit d’un art de bâtir parfaitement révolu. C’est également un magnifique témoignage du savoir-faire de nos artisans d’autrefois qui ne manquaient certainement pas de talent.



Le saviez-vous? Chaque clocher d’église à Montréal avait une sonorité et une harmonie qui lui étaient propres. Les oreilles attentives savaient différencier au son qu’elle était l’église dont les cloches sonnaient. La plus grosse cloche de l’église de la Nativité-de-la-Sainte-Vierge pesait pas moins de 2,500 kilogrammes ou, si vous préférez, 5,500lb.   

mardi 17 février 2015

Louis Hémond, épicier


Avant toute chose merci au Collectif des Écureuils pour avoir gardé le fort durant la fin de semaine passée avec tout le... hum... style qui leur est si caractéristique et résolument unique. Ceci dit, revenons à nos moutons. 

Quartier Villeray, 1931. Depuis le début du 20è siècle ce coin de Montréal est en pleine expansion démographique. Pourtant, à peine cinquante ans plus tôt on n’y comptait qu’une soixantaine de fermes disséminées de part et d’autre du chemin de la Côte St-Michel. Et, ici et là, des ruisseaux qui serpentaient ainsi qu’une pocheté de petits lacs. Toutefois, les choses changent. D’abord avec le passage des voies ferrées du Quebec, Montreal, Ottawa & Occidental vers 1878, puis, quelques années plus tard par celles, de tramway cette fois, du Montreal, Park & Island Railway. Flairant la bonne affaire le fermier Stanislas Jarry, lequel possède une terre de 64 arpents, entreprend de la lotir en quelques 680 lots à bâtir. Et bâtir ça va se faire.

Bien beau mais tout ce monde-là, et Dieu sait que les familles étaient nombreuses dans ce temps-là, faut que ça mange! Louis Hémond le sait et c’est pour cette raison qu’il ouvre son marché d’alimentation en 1926 au coin nord-ouest de l’intersection des rues St-Hubert et Mistral. Il s’agit certainement d’un marché modeste lorsqu’on le compare à ceux d’aujourd’hui mais en revanche on y trouvait de tout; fruits, légumes, condiments, viande, produits laitiers et conserves. Le commerce change toutefois de main dès 1932 alors que E.P. Lapointe s’en porte acquéreur. À partir de ce moment-là le marché pourrait s’appeler La Patate Chaude parce qu’il va s’ensuivre toute une enfilade de propriétaires différents qui vont se succéder de 1933 à 1952. Ainsi, en 1933 c’est G. Dubois qui opère le marché. L’année suivante c’est madame Normandin qui exploite l’endroit sous le nom de Feuille d’Érable Enr. En 1936 c’est au tour de E. Meilleur qui conserve le nom du commerce. En 1937 c’est A. St-Pierre qui est derrière le comptoir mais en 1938 c’est au tour de Joseph Smith suivi en 1939 de A. Lavallée. Ce dernier va tout de même y demeurer jusqu’en 1946 alors que David Saad va lui succéder. En 1948 c’est Georges Provost qui s’amène mais il est remplacé l’année suivante par Georges Lemay. Arrive en 1952 Paul-Émile Lemay avec qui Georges a possiblement un lien de parenté. Le marché prend alors le nom de Marché Lemay, nom qu’il va conserver jusque dans les années 70. Mais revenons à la photo du marché de Louis Hémond en 1931. Ce dernier n’en est pas à son premier commerce du genre puisque dès le début des années 20 il en exploitait un sis au 1179 de la rue Cartier.

Le bâtiment que l’on aperçoit n’a, au moment où la photo a été prise, que cinq ans puisqu’il a été vraisemblablement bâti en 1926. Le style est simple, élégant mais aussi très fonctionnel et on peut apercevoir des modèles similaires un peu partout à Montréal avec, entre autres, l’entrée tronquée surmontée de linteaux de bois et les larges vitrines. Quant à la construction proprement dite on a utilisé les matériaux d’usage à ce moment soit la pierre, le ciment et la brique commune. On remarque ici une coquetterie avec les arcs à clefs au-dessus de fenêtres. Quant aux murs extérieurs ils servent évidemment à y afficher des publicités de produits disponibles dans le commerce comme ceux-ci :






Un examen attentif de la photo du haut nous révèle également une affiche de Coca Cola, de Bovril, dont l’usine se trouvait au coin de Papineau et Van Horne, du journal Le Devoir, du tabac à fumer Rose Quesnel ainsi que les biscuits Christie’s fabriqués sur la rue Clarke. Mis à part Rose Quesnel les autres marques ici annoncées existent encore aujourd’hui.

Le petit amoncellement de neige que l’on voit à droite nous laisse croire que nous sommes ici au printemps alors que tout fond tranquillement. Comme la portion du commerce qui donne sur St-Hubert est dos au soleil alors la neige qui se trouve là prend davantage de temps à disparaître. Le printemps de 1931 n’apporte pas un grand lot de nouvelles. On notera toutefois l’adoption à Québec d’une modification du Code civil qui donne à une épouse séparée de son mari une certaine forme d’autonomie civile. Irénée Vautrin, celui-là même dont fut tirée l’expression «les culottes à Vautrin» présente une loi sur le suffrage féminin mais ça ne marchera pas. Entretemps le Québec, comme presque partout ailleurs, est en proie à la crise économique. Les usines tournent au ralenti, même les «shops» Angus du Canadien Pacifique dont on fête les cinquante ans. Les chômeurs quant à eux, sont nombreux. Le frère Marie-Victorin a eu l’idée d’en employer un certain nombre afin qu’ils puissent œuvrer à l’aménagement du Jardin botanique dont l’ouverture est prévue au début de juin alors que d’autres ne trouvent tout simplement pas d’ouvrage nulle part. Plus de six-cent d’entre eux se retrouvent ainsi au parc Lafontaine afin de manifester leur mécontentement mais la police les fait de disperser. Cette grogne, on le devine, se fait surtout sentir dans les quartiers ouvriers. Dans ceux plus aisés les choses sont évidemment beaucoup plus faciles. Malgré tout, cela n’empêche pas Mary Travers dite La Bolduc, de faire paraître un nouveau disque 78 tours où l’on peut entendre ses toutes dernières chansons dont Les filles de campagne, Nos braves habitants, Rouge carotte, Mon vieux est jaloux, La pitoune et, coïncidant avec la photo d’aujourd’hui, La grocerie du coin.

Qu’en est-il aujourd’hui?


Comme on peut le constater le bâtiment existe toujours et continue d’abriter un commerce d’alimentation mais a fait l’objet de modifications assez importantes au fil des ans. On peut noter en premier lieu l’agrandissement tant sur St-Hubert que sur Mistral. En procédant à l’agrandissement on a modifié la disposition des étages supérieurs en déplacement un balcon et en ajoutant un autre tout juste au-dessus. On en a profité pour enlever la brique commune d’origine pour la remplacer au rez-de-chaussée par des petites tuiles de céramique et plus par de la brique beige. Ceci a probablement été fait alors que la règlementation municipale quant aux rénovations de ce genre était encore pâteuse et somme toute assez nébuleuse, probablement durant les années 60. Aujourd’hui on ne recommande que très peu le remplacement complet d’un parement de brique car il en coûte moins cher de le réparer à moins, bien sûr, que les murs soient trop détériorés. S’il faut alors tout remplacer il est toujours préférable de reconstituer l’apparence d’origine qui inclut par exemple, et comme mentionné u peu plus haut, les ars à clefs au-dessus des fenêtres, les linteaux, jeux de maçonnerie et autres. Ici, comme on peut le constater, rien de tout ça n’a été fait et on a même modifié l’entrée tronquée d’origine pour en faire une porte placée de côté.





Le saviez-vous? Malgré son succès et le fait qu’elle était l’idole des démunis et de tous ceux affectés par la crise, Mary Travers a toujours chanté sous le nom de son mari. Ainsi, dans de nombreuses publicités, notamment pour Starr, elle était identifiée comme madame Edmond Bolduc. C’était la coutume du temps pour les femmes d’être identifiées aux noms de leurs époux. Autre temps autres mœurs dira-t-on.  

dimanche 8 février 2015

Verticali


Quelque part dans le centre-ville en fin d’après-midi durant l’automne. Partout c’est la cohue des gens qui sont pressés. Pressés de quitter leurs cubicules noyés de néon, pressés de quitter les salles de cours, pressés de retourner chez eux. Automobilistes impatients, autobus bondés, trottoirs martelés par les talons de la multitude, nez dans le portable. Ça joue du coude, ça bouscule sans même s’excuser, parce que ce n’est plus d’usage de nos jours. De cet orchestre confus s’élève une symphonie désordonnée sans partition ni chef. Klaxons, moteurs, crissements de pneus, sonneries, et autres ambulances.

Quant à moi, je ne suis pas pressé. Le temps est confortable et je n’ai rien de mieux à faire que laisser vagabonder mon œil ici et là, ne cherchant rien de particulier sinon ce moment ou un endroit et une lumière se rencontrent, se conjuguent pour créer un tableau éphémère. Ici, c’est la lumière du soleil qui file vers l’ouest et dont la lumière frappe en oblique sur les tours qui m’a attiré. Un peu d'amusement avec les réglages et hop!







Le saviez-vous? À la vitesse de 350,000km/seconde, la lumière du soleil prend plus de huit minutes pour parvenir jusqu’à nous.