dimanche 29 juin 2014

La bouteille de savon Mir

Quelque part au mois de juin. Peut-être 1972 ou 1973. L’école est finie. Plus de classes, plus de devoirs ni de leçons. Devant, y’a le grand tapis des vacances qui se déroule comme ça jusqu’à la fin de août. Deux mois et des poussières où chaque journée est une nouvelle aventure, où chaque sandwich avec chips est un banquet, où chaque moment passé avec les amis dehors est précieux comme l’or. Pas de farniente par contre, ça non. Se lever plus tard que sept heures du matin relève du pur gaspillage de temps de vacances. Du temps qui ne reviendra pas. Toutefois, les vacances sont pour les enfants car les adultes eux, doivent continuer d'aller travailler. 

Cet avant-midi-là, pendant que les parents bossent, je me trouve chez mes grands-parents dans la cuisine alors que ma grand-mère a les deux mains dans le lavabo et je l'observe avec attention. De dehors y’a cette brise chaude et agréable qui souffle alors que l’on entend le bruit caractéristique des cordes à linge qui se font aller et l'écho des voisines qui s'échangent les derniers potins. Une fois la vaisselle terminée ma grand-mère s’apprête à jeter la bouteille de savon vide aux poubelles.

Non non non!! Que je dis à ma grand-mère en la suppliant, la main tendue. Son regard résolument dubitatif passe de moi à cette bouteille vide puis me regarde encore. Elle réalise alors que c’est pour ça que je me tenais là près d’elle mais ne comprend pas ce qui peut être digne d’intérêt. Il ne s’agit, après tout que d’une vulgaire bouteille de savon à vaisselle vide. Toujours sans trop comprendre le pourquoi du comment elle me la tend et moi je la prends comme si c’était un lingot d’or pour ensuite disparaître dehors dans un nuage de boucane avec ma précieuse dans la main. En-bas dans la cour, j’ouvre le robinet auquel est vissé le boyau d’arrosage et entreprend de bien rincer la bouteille. J'en profite pour prendre quelques bonnes gorgées. 

Dans la cuisine ma grand-mère ouvre la porte d’armoire, prend une nouvelle bouteille et la regarde en se demandant bien ce que son bizarre de petit-mioche peut bien trouver d’intéressant là-dedans.

Pour mes amis et moi la question c’était autre chose. Est-ce que c’était leur forme? Les couleurs pastel jaune, rose ou turquoise dans lesquelles elles étaient moulées? Le relief? Les motifs? Leur design particulier? Qu’importe. Ce qu’on savait pour sûr c’est que contenir du savon à vaisselle n’était qu’une fonction bien temporaire qui n’avait que bien peu à voir avec les multiples usages que l’on réservait à ces bouteilles-là!

Ainsi, par exemple, elles complémentaient parfaitement les boîtes de réfrigérateur vide qu’on avait le bonheur de trouver dans la ruelle et qui, une fois bariolées de cadrans et de hublots crayonnés au feutre, devenaient des capsules spatiales. Les bouteilles de savon se transformaient en réserves d’eau potable pour nos lointaines explorations car les mondes lointains en étaient dépourvus, on le savait bien. Les rudes prospections de planètes étranges ça donnait soif. Les éructations à saveur de savon à vaisselle étaient simplement dues à l’atmosphère.

À d’autres occasions, lors de chaudes journées d’été, même les dernières que l’on tâchait d’étirer avant le retour en classe, elles servaient simplement à nous arroser mutuellement. Pourquoi prendre des pistolets à eau anémiques qui ne tiraient pas plus loin que le bout de notre nez et qui se vidaient en deux coups alors que l’on pouvait compter sur une pleine bouteille. C’était aussi bien pratique pour faire de la bouette dont on se servait pour faire des pâtés comme à la plage. Pour nettoyer les Matchbox aussi c’était pratique.

Après moult usages elles se retrouvaient ensuite dans le fin fond de la cour ou sur le rebord de la fenêtre de la cave, attendant que l’on s’en serve encore. Et si elles se brisaient au point où elles ne pouvaient plus contenir d’eau on les alignait sur une planche de bois soutenue par quelques briques et devenaient alors des cibles pour nos fusils à ventouses de caoutchouc. Ce n’est qu’après tout cela qu’elles se retrouvaient aux poubelles. C’est à ce moment-là que ma grand-mère, en faisant la vaisselle, se retrouvait avec un petit-fils à ses côtés et qui demandait s’il en restait encore beaucoup dans la bouteille.

Exemple présentoirs Mir que l'on retrouvait dans certains marchés d'alimentation. C'est tiré d'une publication destinée aux marchands afin de promouvoir et mousser (...) les ventes. On pouvait les acheter à l'unité, en paquet de deux, quatre ou six. 

Puis est arrivé le jour où ces fameuses bouteilles sont complètement disparues sans que l’on ne sache trop pourquoi. On s’est bien trouvé autre chose pour remplacer mais ce n’était pas la même chose. Si vous avez grandi dans les années 60 et 70 alors les chances sont bonnes pour que vous puissiez vous rappeler ces fameuses bouteilles, disparues du marché depuis bien longtemps. J'ai la chance d'en avoir quatre dans ma petite collection, chacune de couleur différente et je crois que c'était les couleurs disponibles. 

On note les couleurs encore très vibrantes ainsi que le modèle en jaune qui prédate les trois autres. Je l'utilise quotidiennement comme bouteille de savon à vaisselle, d'où la présence d'un peu de savon sur le bouchon. Autre fait intéressant, elles ont toutes un bouchon différent. 




Le saviez-vous? Il existe en Europe une marque de savon à vaisselle Mir, laquelle est détenue par Henkel mais qui n’a aucun lien avec le Mir qui fut vendu au Québec car celui-là était fabriqué par Myriad Détergents.

samedi 21 juin 2014

Medical Arts Building


À l’intersection des rues Sherbrooke et Guy se dresse le Medical Arts Building, un imposant édifice construit en 1923 selon les plans des architectes Ross et MacDonald. Ce bâtiment a la particularité d’avoir été le premier à Montréal à avoir une vocation entièrement médicale, d’où son nom. On comptait, répartis sur dix étages, pas moins de 35 médecins (dont une femme), 4 dentistes ainsi qu’un laboratoire radiologique. La clientèle, on le devine, était celle fortunée du Golden Square Mile, ce secteur de la ville où se trouvaient les gens les plus riches de Montréal. C’était bien entendu l’époque où tous les services médicaux étaient payants et facturés aux patients. Par contre, en raison du règlement municipal alors en vigueur, on ne pouvait pas construire plus de dix étages. Ce règlement est modifié en 1924 puis en 1929 où la limite est alors fixée à 33 étages. Aujourd'hui le bâtiment a retrouvé sa vocation originale puisque l'on y retrouve une clinique médicale, une clinique radiologique et une pharmacie. 


Le saviez-vous? Les gratte-ciels n’auraient jamais existé sans cette invention bien particulière qu’est l’élévateur. La première compagnie de ce genre à Montréal fut la Montreal Steam Elevating Co. Elle a été rapidement suivie par d’autres tels Boyd & H.W., Miller Bros & Toms, Elevator Works, Otis et Turnbull.

lundi 9 juin 2014

La Normandie, du débarquement à aujourd'hui

Dans l'article précédent il était question du débarquement de Normandie, la plus grande opération militaire à ce jour, laquelle s'est déroulée il y a maintenant 70 ans. La réussite de l'opération Overlord marquait toutefois le coup d'envoi d'une multitude d'autres opérations, coûteuses elles aussi en vies humaines mais qui ont ultimement mené à la victoire des Alliés en 1945. Mais comment le paysage de la Normandie a-t-il changé depuis la fin du conflit? C'est la question que s'est posée le photographe Chris Helgen de l'agence Reuters alors qu'il s'est rendu en Normandie, reprenant au même endroit des photos prises durant le débarquement. Le résultat, vous en conviendrez tout comme moi, est saisissant.














Il est tout de même étonnant de constater que certains lieux n'ont que bien peu changé. Mais il ne faut pas se tromper, la destruction malheureusement causée par les bombardements Alliés a effacé près de 80% de la ville de Caen, où 2,000 citoyens ont perdu la vie. Mais ce qui étonne probablement encore plus c'est de voir ces lieux grouiller de vie; des gens qui se baignent là où des soldats sont tombés, des enfants qui jouent sur les ruines d'un mur en béton derrière lequel des soldats se protégeaient des tirs ennemis et des vacanciers qui vont paisiblement profiter du beau temps alors qu'il n'y pas si longtemps c'étaient des contingents Alliés qui foulaient les mêmes rues. Tâchons de ne pas oublier quel fut le prix de la liberté dont nous jouissons aujourd'hui.

Le saviez-vous? Outre les vestiges de bunkers et autres installations, il se trouve dans les eaux de la côte quantité de véhicules qui, incapables de gagner le rivage ont coulé dans le fond. Mais il se trouve aussi des armes, des bottes, des lunettes et toute une panoplie d’autres articles appartenant à ceux qui se sont noyés là.


dimanche 8 juin 2014

Le jour le plus long

Ces jours-ci on commémore le 70è anniversaire de ce qui est connu comme le «jour le plus long», soit le débarquement de Normandie et qui a débuté le 6 juin 1944 dans la matinée. Les jeunes générations d'aujourd'hui qui vivent dans une paix somme toute assez relative, se demandent souvent pourquoi on célèbre une telle chose. La guerre n'est-elle pas déjà assez une horreur qu'il faut en plus la fêter?

Il faut d’abord souligner que ce n’est pas la guerre en tant que tel que l’on commémore que le sacrifice des soldats, qu’ils aient survécu ou non. Mais pour comprendre le pourquoi du comment il faut, encore une fois, retourner en arrière et soulever le capot du conflit afin d'y voir et comprendre la mécanique et les engrenages.

La Seconde guerre n'était pas un cas classique de deux pays qui ne s'entendaient pas et qui ont décidé de s’affronter militairement parce qu’ils avaient épuisé les ressources diplomatiques. C'était plutôt l'affaire d'un fou mégalomane aux visées expansionnistes brutales qui ne reculait devant rien pour agrandir son territoire et du même coup se débarrasser de ceux qu'il considérait inférieurs. Sans compter l'idéologie absolument horrible qu'il véhiculait. Au fur et à mesure que le conflit avançait l'Allemagne annexait les territoires et ce faisant, prenait littéralement le contrôle en mettant en place ses propres pouvoirs. Un pays occupé était littéralement géré par l'occupant et ce, dans tous ses moindres détails, administratifs, judiciaires ou autres. On ne se gênait pas non plus pour «s'approprier» les biens des Juifs, fussent-ils monétaires, immobiliers, sans compter les œuvres d'art dont la récupération est le sujet du film The Monuments Men.

Après avoir obtenu la capitulation de la France en 1940, un évènement qu'Hitler avait qualifié de plus glorieuse victoire de l'Histoire, il devint clair pour Winston Churchill qu'il serait impossible de reconquérir le continent sans l'aide des autres pays du Commonwealth ainsi que des États-Unis.  

Malgré les invasions de pays avoisinants, Hitler avait pris la précaution de conclure quelques ententes dites de «non-agression», entre autres avec l'Union Soviétique mais il a vite fait de s'essuyer les fesses avec cette entente en déclenchant l'opération Barbarossa en juin 1941, soit l'invasion de la Russie par la force militaire. Et pendant que les Russes défendaient leur pays les fours crématoires fonctionnaient à plein régime dans les camps de concentration et l'essentiel de l'Europe était sous la férule de l’Axe. Seul restait l'Angleterre, inconquise malgré les nombreuses tentatives. De là, à partir de différentes bases aériennes, les forces Alliées étaient regroupées, lançant jour et nuit des escadrons de bombardiers allant attaquer des cibles stratégiques devant arrêter la machine nazie. Ces cibles comptaient des usines, des camps, des positions militaires, installations radars non seulement en Allemagne mais aussi en France et aux Pays-Bas.

«...dimanche 350 appareils anglais ont largué un demi-million de kilos de bombes au-dessus d’Ijmuiden, la façon dont les maisons mettent alors à trembler comme un brin d’herbe dans le vent, le nombre d’épidémies qui sévissent ici. De toutes ces choses dont tu ne sais rien, et il me faudrait passer la journée entière à écrire si je devais tout te raconter dans les moindres détails.»

Extrait du journal d'Anne Frank, mercredi 29 mars 1944.

Mais les Allemands veillent et les batteries anti-aériennes, en plus des chasseurs de la Luftwaffe, l'armée de l'air allemande, sont d'une redoutable efficacité. On le savait bien, si l'Europe devait être libérée il fallait mettre le pied sur le territoire. L’ennui c’est que l’on avait déjà fait une tentative en août 1942 lors d’une vaste opération surnommée Jubilee, ou, si vous préférez, le débarquement de Dieppe. Les troupes, qui comptaient les Fusiliers Mont-Royal dirigés par le lieutenant-colonel Ménard se sont retrouvés face à un barrage de tir ennemis qui les ont empêché d’entrer dans la ville. L’opération est un échec total et les soldats Alliés seront faits prisonniers par les Allemands. Terrence Robertson écrira à ce sujet un livre percutant; Dieppe, jour de honte, jour de gloire. Le débarquement de Dieppe laissera un souvenir amer aux Canadiens. C’est l’année suivante que les Alliés discutent d’une nouvelle opération de débarquement et c’est en août 1943 à la conférence de Québec, qu’en sont jetées les premières bases. Participent à cette rencontre historique le premier ministre canadien Willian Lyon Mackenzie King, Winston Churchill, le président américain Franklin D. Roosevelt.



Mais l'opération, initialement prévue pour mai 1944, n'est pas une promenade dans le parc, on le sait bien, le débarquement de Dieppe l’a bien prouvé. Les Allemands ont solidement fortifié la côte normande, que l'on appelle le «mur de l'Atlantique», avec de nombreux bunkers de béton dans lesquels sont installés quantité de canons puissants. Aussi, durant le mois d'avril précédent l'opération, de nombreuses photographies aériennes sont prises afin d'analyser les défenses et ainsi mieux préparer l'offensive.


Le débarquement doit prendre place le long de la côte alors divisée en cinq secteurs, eux-mêmes sous-divisées en sous-sections. Chacune des divisions américaines, britanniques et canadiennes ayant leur secteur attribué et dont la géographie varie. Pour transporter la majorité des troupes il y a des bateaux relativement simples: les Higgins boats, un navire tout simple, rectangulaire, sans toit et sans blindage avec un devant qui s'ouvre vers le bas pour permettre aux troupes de sortir rapidement. Et dans ces bateaux s'entassent les soldats qui ont pour mission de capturer chacun de leurs secteurs respectifs. S'il se trouve des combattants endurcis qui ont vu d'autres théâtres d'opérations il y en a qui n'ont pas beaucoup d'expérience de combat et certains semblent sortis tout droit d'une école secondaire tellement ils ont l'air jeune. Mais l'opération comprend aussi des centaines de parachutistes qui, à partir de planeurs, sauteront pour atterrir derrière les lignes allemandes. Afin d'ajouter une confusion les Alliés lâchent aussi quantité de faux parachutistes surnommés «Rupert».

«Ce matin et aussi dans la nuit, des bonshommes de paille et des mannequins ont atterri derrière les positions allemandes.»

Extrait du journal d'Anne Frank, post-scriptum, 6 juin 1944.




Le temps est maussade, il fait froid malgré que ce soit le mois de juin, et les vagues de la Manche atteignent parfois quatre pieds. Dans les Higgins boats les soldats se sont brasser et certains ne gardent pas leur déjeuner. Pour protéger les convois de soldats il y a une flotte de 300 destroyers et navires d’escorte qui ont la charge d’éliminer toute présence navale ennemie, dont les U-Boats. Heureusement leur présence et minime et ne représente pas un danger. Au- dessus des soldats, haut dans le ciel mais invisibles en raison du mauvais temps, se trouvent des chasseurs, bombardiers légers et avions de reconnaissance. À l'approche des côtes la nervosité est palpable. Dans chacun des navires tous et chacun se demande ce qui l'attend et s'il s'en sortira vivant. Certains font une prière, d'autres demeurent silencieux mais la peur est omniprésente. Ceux qui ont prétendu ne pas avoir eu peur étaient de fieffés menteurs, dira plus tard un vétéran. Définir cette crainte viscérale qui habitait chacun des soldats serait bien difficile, voire impossible. Puis, alors qu’ils sont éclaboussés par l'eau froide de la Manche et emboucanés par le diésel des moteurs, les soldats entendent le pilote qui leur annonce: 3 minutes. Voilà, ale jacta es. Dans 180 secondes le sort en sera jeté.






Alors que les trois minutes s’écoulent on entrevoit la fameuse côte. Il se trouve là, on le sait bien, un ennemi implacable. Dans les fortifications solidement bétonnées on devine les canons mais on sait aussi qu'il y bien d'autres choses; des mortiers et des nids de mitrailleuses dont les tristement célèbres MG-42 capables de cracher 1,200 balles à la minute et capables de littéralement déchiqueter un homme. Les plages sont truffées des barrages de métal et de multiples obstacles pour empêcher les blindés de passer. Enfouies dans le sable se trouvent aussi quantité de mines, des Sprengmines 44 et des Schumine 42 entre autres, sans compter celles en bois que les détecteurs ne peuvent trouver et qui feront plus d'une victime. Ça y est, les portes s'ouvrent, non sur une plage mais sur l'Enfer. Et il ne s’agit pas ici d’un euphémisme tel qu’utilisé aujourd’hui par les gens pour définir un peu de trafic ou un téléphone cellulaire dont la pile est à plat, non, il s’agit ici du véritable Enfer.





À l’ouest, les Rangers, au nombre de 225 et commandés par le colonel James E. Rudder se retrouvent à la Pointe du Hoc, une falaise impressionnante en haut de laquelle les Allemands leur tirent dessus. La manœuvre d'escalade a été pratiquée maintes fois sur les côtes de l'Angleterre et l'ascension, que les Allemands croyaient impossible, s'effectue en moins de cinq minutes. Au terme du combat, seuls 90 Rangers auront survécu. Plusieurs années plus tard Rudder, en revisitant la Pointe du Hoc, va se demander comment diable ont-ils pu accomplir cet exploit. Quant à Omaha, la portion la plus lourdement défendue du mur de l’Atlantique, la distance qui sépare les rivage de la falaise est d'une longueur équivalente à trois terrains de football, une longueur où il n'y a aucune protection possible contre les mitrailleuses et mortiers allemands. Se rendre en sureté au sea wall, à l’abri relatif des tirs allemands relève du miracle pur et simple. Pendant ce temps 29 chars d’assaut Sherman, convertis pour être amphibie, sont lancés dans l’eau. Seuls deux vont arriver sur la plage.







Plus à l'est, à Juno Beach, la mer est beaucoup plus houleuse de sorte que les soldats Canadiens arrivent bien avant les supports blindés, leur faisant alors subir de lourdes pertes dès le débarquement. Aussi, les bombardements ont raté leurs cibles et les positions allemandes ne sont que très peu touchées. Malgré les obstacles les Canadiens ont pu rencontrer leurs objectifs mais au prix de plus de 900 soldats.

L'opération Overlord ne sera pas complétée en une seule journée mais bien en plusieurs car les objectifs ne comptent pas seulement les positions de défense le long du mur de l'Atlantique. Des villes, villages, aéroports, routes et ponts en font également partie.

"Ce matin à huit heures, les Anglais ont annoncé : importants bombardements sur Calais, Boulogne, Le Havre et Cherbourg ainsi que sur le Pas-de-Calais (comme d’habitude). Ensuite les règles de sécurité pour les territoires occupés, toutes les personnes qui habitent à moins de trente-cinq kilomètres de la côte doivent s’attendre à des bombardements. Les Anglais tenteront de jeter des tracts une heure avant l’attaque. D’après les nouvelles allemandes, des parachutistes anglais ont atterri sur la côte française. Des bateaux de débarquement anglais se battent contre les fusiliers marins allemands. Voilà ce qu’annonçait la B.B.C."

Journal d'Anne Frank, extrait du 6 juin 1944
Malgré des conditions très difficiles, un ennemi résilient et de nombreuses pertes de vies humaines, le débarquement est un succès. Bientôt des postes de commandements sont établis dans les bunkers capturés et les plages fourmillent bientôt de soldats, de véhicules et de matériel. Un certain nombre de soldats allemands fait prisonniers sont vêtus de vestes sur lesquelles sont inscrites les lettres PW, pour Prisoner of War, et on les emploie au nettoyage de la plage et des bunkers, ces mêmes bunkers qu’ils défendaient dans la matinée. On s’affaire aussi à la lugubre tâche de récupérer les corps de soldats. On devra les identifier dans la mesure du possible et leur offrir une sépulture. Quant aux blessés, les cas légers resteront sur place alors que les plus graves, dont ceux qui ont perdu des membres, retourneront en Angleterre. Pour ceux-là le conflit est terminé.





Aujourd'hui, plus de 70 ans après, les plages autrefois nommées Utah, Omaha, Juno, Gold et Sword, ressemblent à bien d'autres plages. Les sons des mitrailleuses, bombes, mortiers, jeeps, tanks et autres affres de la guerre ont été remplacés par ceux d'enfants qui courent et s'amusent. Plus loin sur le rivage de galets, où des hommes sont tombés au combat, se trouvent maintenant des gens qui se baignent et s’amusent entre amis ou en famille.

C'est un peu plus haut le long de la falaise que l'Histoire nous révèle un chapitre sombre de son histoire car c’est là que se trouvent les vestiges du Mur de l’Atlantique. De nombreux bunkers allemands existent toujours et font l'objet de bien des curiosités, des jeunes entre autres. Démolir ces bunkers à la dynamite aurait été une vaine entreprise car ils avaient été solidement construits pour être à l’épreuve des bombardements. Dans les terres avoisinantes les cratères laissés par les bombardements alliés sont encore bien visibles.




Mais le témoin le plus saisissant de cette fatidique date demeure sans conteste ces cimetières militaires où reposent ceux qui, pour la grande majorité, la plage a été la dernière chose qu'ils ont vu. Le plus grand de ceux-ci, le Normandy American Cemetery and Memorial, est tapissé de 9,387 croix blanches. Certaines portant des noms alors que sur d’autres il n’est inscrit « A soldier known only to God». Des vétérans viennent lorsqu'ils le peuvent, afin de rendre hommage à ceux qu'ils ont côtoyés, à ces frères d'armes qu'ils n'ont jamais revus. Même après 70 ans l'émotion est encore très palpable et en regardant l’endroit où reposent leurs compagnons ils se demandent : Pourquoi lui et pas moi? Il viendra toutefois un temps où ces vétérans ne seront plus des nôtres et il nous incombera alors à nous de s'assurer que leur sacrifice n'aura pas été en vain en continuant de nous souvenir, pour eux, pour nous et pour les générations à venir.







Le saviez-vous? C'est à Juno Beach que le lieutenant James Montgomery Doohan, du 3è Régiment d'Infanterie a été accidentellement atteint de tir allié, un soldat allié l'ayant prit pour l'ennemi. Outre des balles dans la jambe et à la poitrine, miraculeusement stoppée par un étui de cigarettes en métal, Doohan a aussi perdu un doigt, que l'on a dû amputer. Durant sa carrière subséquente il s'est toujours efforcé de ne rien faire paraître, surtout lorsque son personnage de l'ingénieur Scott du USS Enterprise devait activer le téléporteur ou tout autre gadget.  

dimanche 1 juin 2014

La Caillette

Ça faisait déjà un bout que l'on roulait sur la route 138. Du haut de mes six ou sept ans, assis en culottes courtes sur siège arrière du Dodge Dart je regardais le décor passer patiemment (si, si!). De temps en temps toutefois il m'arrivait de me lever (les ceintures de sécurité étaient facultatives à l'époque) pour me passer la tête par-dessus le siège afin de savoir si c'était encore bien loin. Bientôt, qu'on me disait. Ah, bon. Je reprenais un Pif Gadget que je relisais à nouveau en commençant, bien sûr, par les énigmes de Ludo. Puis, arrivait ce moment tant attendu où la voiture ralentissait. Je posais le Pif et par la fenêtre de la voiture je voyais enfin l'enseigne tant attendue!  


Ce n'était pas la première fois que je mettais les pieds là, de loin s'en faut. Nous étions déjà venu à plusieurs reprises dans le passé et on y reviendrait encore dans les années à venir. Ma mère aussi y venait avec mes grands-parents. Même si le restaurant existe depuis 1961 la Caillette en tant que tel le commerce avait pignon sur route bien avant sauf que ce n'était pas un restaurant proprement dit. Voici la Caillette telle qu'elle apparaissait en 1952.

 (Photo: Ministère de l'agriculture du Québec)

En entrant à l'intérieur je ne manquais jamais d'être étonné, voire fasciné, par le décor, essentiellement bovin dans son ensemble. Outre le plancher de terrazzo aux motifs «holstein» il se trouvait derrière le comptoir des têtes de vaches naturalisées et alignées, fixées à des mécanismes qui les faisaient dandiner un peu maladroitement de gauche à droite. Ça faisait toujours son effet.

Ce que vous voyez ici c'est la Caillette, telle qu'elle était lorsque j'étais gamin. À peu de choses près, tout ce que vous voyez ici est encore là aujourd'hui.

Que ce soit pour un cornet de crème glacée ou encore d'un hot-dog et une frite, aller à la Caillette était toujours une sortie agréable mais peut-être davantage aussi pour la piste de go-kart qui était située tout juste à côté. Pour quelques sous on prenait place dans un petite voiture décapotable et munie d'un petit moteur à essence deux temps qu'un préposé faisait démarrer en tirant sur la corde à l'arrière comme pour une tondeuse. Puis on partait comme ça faire trois ou quatre tours. La piste n'était pas immense mais pour le gamin que j'étais ça n'avait pas de prix. D'ailleurs la piste servait de monnaie d'échange; j'irais faire un tour de go-kart si je me tenais tranquille, autrement je m'en passerais.

Dernièrement j'ai eu l'occasion de remettre les pieds à la Caillette pour la première fois depuis bien des années. Je m'étais souvent promis de le faire. Faudrait bien que j'aille faire une tour à la Caillette, puis je finissait pas ne rien faire. Ok, la semaine prochaine d'abord. Mais c'était la même chose qui se reproduisait. Mais là, j'y suis allé. Ce qui montre aussi que des fois, Pluche y sort de la ville.

Pour tout dire je ne savais pas s'il restait de l'endroit quelque chose s'accordant en genre et en nombre avec mes souvenirs. Si l'extérieur a un peu changé, j'ai été agréablement surpris de constater que le décor n'avait que bien peu changé, à mon grand bonheur. Les têtes de vaches étaient toujours là, toujours bien parquées sur le mur du fond, toujours à se dandiner, tout comme le plancher «holstein» en terrazzo. 




Agréable de constater que non seulement l'endroit, en plus d'être pas mal comme dans mes souvenirs, est toujours aussi populaire. Plein de monde en dedans comme en dehors. Les uns avec un cornet les autres avec une poutine. Amusant d'y voir les enfants en train de regarder, l'air un peu béat, les têtes de vaches. Après m'être rempli la panse j'y suis allé avec un sac de fromage en crottes ainsi qu'un p'tit souvenir de l'endroit auquel je n'ai pas pu résister. N'en restait qu'un en plus.


Avant de repartir j'en ai profiter pour marcher tout juste à côté afin d'aller voir ce qui restait de la fameuse piste de go-kart. L'attraction, comme je m'y attendais un peu, n'existe plus mais il subsiste néanmoins une partie de la piste dont on semble se servir pour y stationner des remorques de camion. 

 



Le saviez-vous? Le nom Maskinongé vient du poisson, que l'on retrouve en abondance dans la rivière du même nom et ce nom provient de l’algonquin mask (« difforme » ou « ours ») et kinonge (« poisson »). Un gros merci à l'amie Autochtone Beth qui m'a appris celà.