samedi 28 novembre 2015

Novembre

Enfin le samedi matin. Je l’ai attendu longtemps çui-là. Depuis le dimanche précédent en fait. Le store de ma chambre, bien descendu jusqu’au bas, garde la pièce dans une semi-obscurité apaisante De par la lueur qui émane de chaque côté par contre je devine bien qu’il ne fait pas soleil. Peut-être, avec un morceau de chance, est-ce qu’il a neigé cette nuit? Seul le filtreur de mon petit aquarium empêche la tranquillité absolue. Son faible ronron, accompagné du bruit de petite bulles qui éclatent à la surface de l’eau a tout de même un petit quelque chose de réconfortant. Parfois le soir j’aime bien laisser la petite lampe allumée et m’endormir en regardant mes poissons.

Bien au chaud sous les couvertures, je n’ai pas envie de me lever de suite. J’étends un bras pour prendre un Pif Gadget, celui de la semaine passée. Le numéro de cette semaine arrive ce matin et j’ai déjà bien hâte d’aller me le chercher. Je me demande bien d’ailleurs quel sera le gadget. Après avoir résolu de nouveau l’enquête de Ludo et relu l’aventure de Docteur Justice, je décide de me lever. J’allume la lumière de l’aquarium et j'en nourris ses locataires qui semblent avoir bien faim, tout comme moi.

En arrivant dans la cuisine je tire le rideau de la porte arrière et constate que, malheureusement, il n’a pas neigé. S’il se trouve un peu de neige, c’est très épart et il n’y en a certainement pas assez pour faire un bonhomme. Encore moins pour aller glisser à la pente. D’ailleurs la veille il a plu pas mal. Comme je l’avais deviné, le ciel est gris. D’ordinaire j’égaierais tout ça avec un bol de Count Chocula et un généreux sandwich au beurre d’arachides que j’emporterais dans ma chambre, avec infinies précautions bien entendu, pour déguster tout ça en regardant la télé. C’est que maintenant je dispose d’un petit téléviseur en noir et blanc, celui qui se trouvait dans la salle à manger auparavant et qui a maintenant été remplacé. Mais pas de déjeuner pour l’instant. Comme c’est samedi nous allons bientôt quitter pour aller aux Galeries d’Anjou pour aller déjeuner, après quoi nous allons faire l’épicerie chez Dominion.




Avant que l’on parte toutefois il y a quelque chose d’important que je dois faire absolument; aller me procurer le nouveau Pif. Je m’habille et compte ensuite les sous que j’ai en poche. Il m’en faut 75 car c’est ce qu’il coûte maintenant. Avant c’était 50. Heureusement j’ai fait quelques commissions, dont quelques-unes pour la vieille dame qui demeure en face et après recomptage j’en ai suffisamment. J’enfile mon manteau d’automne, peut-être pour une des dernières fois de la saison. Juste avant que je n’ouvre la porte de l’escalier qui mène en bas ma mère m’interpelle. Oui maman, je m’en vais juste au coin aller chercher mon Pif et je reviens tout de suite. Je descends l’escalier et en ouvrant la porte voilà que le catalogue Distribution aux Consommateurs, bien enveloppé dans sa pellicule de plastique, me tombe sur les pieds. Voilà qui vient de faire ma journée, c’est certain. Je le prends et le place sur une des marches de l’escalier. Je le reprendrai tantôt. Le lire tout de suite en revenant? Ah non. Je l’ai attendu toute l’année ce fichu catalogue et je compte bien le consulter bien tranquillement ce soir, étendu bien confortablement sur mon lit. En marchant vers l’épicerie je redoute cependant que le Pif ne soit pas encore là. C’est déjà arrivé dans le passé et je devais alors revenir plus tard. En ouvrant la porte mes yeux vont directement au présentoir. Pif est là. Fiou! Bon, qu’est-ce que c’est cette fois? Voyons voir… « Un gadget pour préparer la fête avec Supere Carlos.» Hum. Connais pas ce type. Il a l'air drôle.


En revenant à la maison voilà ma mère qui m’attend. Je laisse le catalogue Distribution aux Consommateurs ainsi que mon Pif sur mon lit et on part avec ma grand-mère. Rendu sur place on opte pour aller déjeuner au restaurant chez Simpson’s. Il me plait bien, surtout avec ses grandes fenêtres. Je choisis une omelette ainsi qu’un «ordre de toasts». C’est comme ça qu’on dit ça et j’sais pas pourquoi. Je m’assure que l’on ait suffisamment de «cups» de beurre d’arachides parce que moi, je tartine épais.

Le déjeuner terminé on s’engouffre dans les entrailles du centre commercial. J’aime bien les Galeries d’Anjou. J’apprécie l’élégance des allées, les nombreuses plantes qui les jalonnent ainsi que les belles fontaines. Les devantures de boutiques aussi ne manquent pas d’épater. Il s’en trouve une d’ailleurs avec une plate-forme avec des mannequins à l’intérieur qui tourne sur elle-même tout en montant et descendant. Les employés ont déjà installé les décorations de Noël. C’est tout de même le mois prochain.



En approchant le Dominion, bien campé juste devant le Steinberg, on passe l’arcade de jeux ainsi que l’animalerie. Tantôt faudra que j’y revienne. Tout comme au Toy World d’ailleurs. La raison pour laquelle je choisis d’accompagner ma mère c’est parce que ça me donne l’occaze non seulement de conduire le panier mais aussi de pouvoir glisser subrepticement quelques gâteries dans le panier alors que ma mère regarde ailleurs. À la caisse, pendant que je sifflote innocemment tout en regardant dans les airs, lesdites gâteries sont passées et bien souvent ma mère ne s’en rend compte qu’une fois à la maison. Je suis passé maître dans l’art. En payant on spécifie que ce sera pour cueillette à l’auto alors les sacs sont tout de suite mis dans des bacs et expédiés dans une salle froide avec une étiquette. Toute la commande va y rester jusqu’à ce que l’on aille la prendre plus tard.

Après l’épicerie c’est généralement le moment où ma mère et ma grand-mère en profitent pour aller magasiner des trucs de femmes. Rien d’intéressant pour moi là-dedans. Alors voilà, pendant qu'elles vont batifoler dans les robes et autres brassières (je crois), moi je file d’abord à l’animalerie, pour admirer les chatons surtout. J’en voudrais bien un mais on me dit toujours allergique. Moi je n’en suis pas certain. Puis, je me glisse à côté à l’arcade de jeu dont l’entrée est bien gardée par Zoltan. À l’intérieur les machines clignotent et pétaradent. Je ne joue pas cependant. Oh, pas parce que cela ne me tente pas, bien au contraire, mais j’ai dépensé mes sous pour mon Pif. S’ensuit une visite chez Toy World. Ce n’est pas très grand, et ça ne se compare certainement pas avec le rayon des jouets de chez Woolco ou Miracle Mart, mais c’est justement ce p’tit côté intime qui me plaît bien. Et parfois on peut y trouver des choses que l’on ne voit pas ailleurs. Comme mon Aigle de la série Cosmos 1999 d’ailleurs. Avant même que je ne m’en rende compte il est temps d’aller rejoindre ma mère et ma grand-mère. On doit s’attendre devant le Simpson’s et c’est là que je les trouve. En quittant on s’arrête au service de commande à l’auto du Dominion où toute l’épicerie que l’on a faite plus tôt nous attend. C’est vachement pratique ça. Chapeau à celui qui a pensé à cet ingénieux petit système. À la maison, après avoir monté tous les sacs d’épicerie, faut tout déballer. Pas exactement l'activité favorite des gens lorsqu'ils reviennent du supermarché. Voici un exemple de ce que l'on retrouvait dans l'un de ces sacs.




Voilà. On y trouve des pailles pour boire, parce que j'aime bien. Du Bon Ami, pour nettoyer (ça, ce n'est pas mon boulot, ha ha), de l'aspirine pour enfant, pour ces moments où je fais un peu de fièvre. Y'a aussi du détergent Domino, la marque maison de Dominion. Des Q-tips, une lampe de poche (pour éclairer l'intérieur de mes forts de neige le soir), le TV Hebdo, que je consulte religieusement afin d'y trouver des mots-clés comme «science-fiction» ou encore «Godzilla» et enfin une voiture Matchbox que j'ai glissée sans que ma mère ne voit. 

Place aux choses sérieuses, soit la lecture de mon Pif. Je le sors de son cellophane. Après l’aventure de Pif j’en arrive aux lectures «sérieuses». Cette semaine j’ai droit à Loup Noir et Davy Crockett. Puis Corinne et Jeannot, série dont je me suis lassé il y a un bout parce que c’est toujours Jeannot qui en prend dans la tronche pendant que l’autre chipie s’esclaffe. Ah tiens, Érik le Rouge, une série que j’aime bien. La section des jeux maintenant. Voyons l’énigme de Ludo si je peux la résoudre. Hum. Pas facile. Je termine avec une aventure d’Arthur le fantôme et Horace, cheval de l’ouest. À la fin, comme toujours, un gag de Mordillo. Un coup d’œil à on cadran m’indique que l’heure de Bagatelle approche mais je dispose d’encore au moins trois quart d’heure. Allez hop, un peu de Lego. La tentation de feuilleter le catalogue Distribution aux Consommateurs rôde mais je résiste.

Arrive enfin Bagatelle et toute sa fricassée de bouts de films dépareillés, ce qui fait d’ailleurs son charme unique; de Bugs Bunny à un obscur court-métrage image par image venant d’un pays d’Europe. Puis, vient Déclic. Après le souper, alors qu’il fait presque noir dehors, je m’installe dans ma chambre et me prépare pour une émission que j’ai attendue toute la semaine. J’ai encore des frissons à penser au cauchemar de l’été dernier alors que les jeux olympiques au stade avaient carrément monopolisé les ondes et par conséquent, privé de mon émission fétiche. On dira que cela n’avait duré une semaine mais pour moi c’était une semaine de trop. Enfin.

Là, devant mon petit téléviseur, j’ajuste l’antenne pour obtenir la meilleure réception. Puis, j’insère dans mon petit magnétophone une cassette de 60 minutes vierge, ou une déjà enregistrée et que je suis prêt à sacrifier. Je glisse le magnétophone près du haut-parleur de la télé. J’appuie sur pause ensuite sur «play» et «record» simultanément. C’est que j’enregistre religieusement l’émission que je réécoute par la suite en construisant des Aigles et autres vaisseaux avec mes Lego. Dans la mesure du possible je tente de réduire les bruits ambiants mais le jappement du chien, la sécheuse qui barouette le linge ou le téléphone qui sonne sont parfois inévitables.

Une fois les vaisseaux terminés et les Lego rangés j’éteins le plafonnier pour ne garder que ma lampe de chevet. Là, en pyjama et étendu à plat ventre sur mon lit, j’entreprends la lecture méthodique du catalogue Distribution aux Consommateurs. Il est très méthodique ce catalogue car les catégories d’articles y sont toujours présentées dans le même ordre en se terminant par les jouets, gardant ainsi le meilleur pour la fin.

Après avoir passé la section des p’tits bébés arrive celle un peu plus sérieuse. J’y admire de magnifiques ensembles Lego et aussi Meccano. Tiens, le fameux Vertibird, sorte d’hélicoptère que l’on contrôle avec des manettes. Ça l’air amusant. Cette piste de course Matchbox aussi. Les Tonka ça ne manque pas. Incassables ceux-là mais j’avoue avoir quelque peu passé l’âge de jouer dans la terre avec des camions. Voilà les jeux de société et autres. J’en connais certains mais d’autres me sont parfaitement inconnus. Ah? Un jeu de Jaws, le fameux requin dans le film. Je note.

Hum. Ce camion pour figurines Big Jim semble bien intéressant. Ça vient avec plein d’accessoires. Je note. Je continue ma lecture attentive mais bientôt les yeux commencent à me fermer. Et puis je baille aux corneilles. Je donne la nourriture aux poissons et je ferme la lumière. Demain je pourrai déjeuner aux Count Chocula et un gros sandwich au beurre d’arachides. Avec un peu de chance je pourrai attraper Yogi à la télé ainsi que Temporel plus tard. Dans une semaine, peut-être deux, la neige arrivera et avec elle les bonhommes de neige, les forts et les glissades en même temps que les lumières festives que les gens vont installer dehors. Je ne manquerai pas de penser à ce que je vais bien trouver sous l’arbre. On verra, on verra. Ça viendra, ça viendra. 




Le saviez-vous? Les premiers catalogues ont fait leur apparition vers 1498 lorsque l'éditeur vénitien Aldus Manutius a distribué un catalogue contenant la liste des livres qu'il imprimait. Au Canada le premier catalogue commercial a été publié en 1884, c'était celui de la compagnie Timothy Eaton & Co.