samedi 20 août 2011

L'Église et ses symboles

Il fut un temps, on le sait fort bien, où l'Église catholique au Québec était omniprésente et certainement omnipotente. Outre la religion, l'Église régissait aussi deux chateaux-forts, soit l'éducation et la santé. De par sa position dominante elle imposait la croyance et le respect. Elle était active ailleurs aussi; la Jeunesse Ouvrière Catholique, la Ligue Ouvrière Catholique, Jeunesse Agricole Catholique et la Jeunesse Indépendante Catholique en sont quelques exemples. De par sa position elle forçait les gens à être soumis. L'Église enrobait le tout avec des costumes sacerdotaux impresionnants, des rituels en latin mais aussi avec une foule d'imageries et de symboles que l'on retrouvait dans toutes les églises et qui servaient à impressionner. A faire peur aussi. Parce que faire planer le risque que s'abatte la colère divine était un moyen sûr de s'assurer que les gens marchaient les fesses serrées.

Prenons les anges par exemple. L'image classique de l'ange est bien connue. Il s'agit généralement d'un figure élégante et svelte, vêtue d'une longue robe et affublée de grandes ailes dans le dos. Les anges sont aussi représentés avec des traits doux et bénévolents, d'où l'expression «visage angélique». C'est comme ça qu'on les retrouvait sur des peintures, des sculptures, des bas-reliefs, des pierres tombales et cartons illustrés. Et pendant longtemps les gens ont cru que les anges avaient l'air de ça. De certains diront qu'ils apparaissent dans la Bible, certes. Mais la description que l'on en fait est loin d'être celle que l'Église a toujours véhiculée, surtout celle des anges jouant de la harpe assis sur une poffe de nuage. On peut en voir comme ça dans les églises et dans les cimetières aussi.

Représentation classique de l'ange. Hum... Mignon, mais pas vraiment ancré dans les descriptions bibliques.

Un séraphin par exemple, n'est qu'une tête entourée de six ailes. Ezechiel décrit un ange comme étant une roue dans une roue avec des yeux tout le tour. Il remet ça dans le chapître 10, verset 14: «Chacun avait quatre faces; la face du premier était une face de chérubin, la face du second une face d'homme, celle du troisième une face de lion, et celle du quatrième une face d'aigle». 

 Un ange, selon Ézéchiel.

Un séraphin, tel que décrit dans la Bible.

 
Chérubin, toujours selon la Bible.

Comme on peut le voir, on est loin des représentations classiques que nous ont servi les artistes de tout genre depuis des centaines d'années et pour lesquelles ils ont abondamment usé de libertés artistiques. Les chérubins en sont un bon exemple puisqu'ils sont devenus des p'tits bouts d'choux, tout nus, avec de petites ailes. Les archanges Michel et Gabriel ont été un peu plus chanceux, se voyant même affublés d'armures de la renaissance. D'autres croyances sans fondement bibliques, comme les anges gardiens, ont aussi perduré. Par contre, on sait, toujours selon la Bible, que leur arrivée causait la crainte, et c'est pourquoi la première chose qu'ils disaient lorsqu'ils apparaissaient aux gens était de ne pas avoir peur.

Ange: N'ayez crainte.

Humains: AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHH!!

Ange: N'ayez crainte, je vous dis.

Humains AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHH!

Ange: Mais puisque je vous dis...

Humains: AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHH!

Ange: MAIS QU'EST-CE QUE VOUS NE COMPRENEZ PAS QUAND JE VOUS DIS N'AYEZ CRAINTE??

Trêve de plaisanterie.

L'ennemi juré de tout catholique, les curés criaient-ils du haut de leurs chaires, étaient bien entendu Satan, aussi connu comme Belzébuth, Lucifer ou le Ministère du Revenu. Quand les gens entendait parler du diable ils étaient sérieusement apeurés. Le Vilain, on le savait bien, avait la peau rouge, une queue (celle d'en arrière) en fourche, deux cornes sur le crâne, la proverbiale barbiche et qui transportait un trident avec lequel il piquait les pauvres damnés. Représentation classique qui a transcendé tous les médias. Que ce soit dans les films, les livres ou les dessins animés, observez comment le diable est représenté...


Dans la Genèse on assume qu'il était le serpent qui tenta Ève mais encore là, rien n'est certain que c'était vraiment lui. S'il est un serpent, ou puni parce qu'il est un serpent et condamné à ramper et manger de la poussière, comment se fait-il qu'il revienne comme si de rien n'était dans le livre de Job?

Vous connaissez le livre de Job? C'est dans l'Ancien Testament. Dieu décide de tester la foi de Job en l'affligeant de plusieurs maux. Dieu est évidemment dans le ciel lorsqu'il prend cette décision mais, assez curieusement, Satan est là, à côté de lui. Comme ça. Mieux, Satan discute même avec Dieu à propos de Job. De la façon dont il est décrit il semble même faire partie du Conseil d'administration céleste, jouant un rôle s'approchant de celui d'un procureur de la Couronne. On est loin du bonhomme rouge à cornes, avouons-le. Qui plus est, Dieu demande à Satan d'où il vient ce à quoi il répond «...de parcourir la terre de fond en comble et de m’y promener au-dessus et en dessous d'elle». Notez qu'il a utilisé le mot parcourir et non ramper. Plus de trace de la punition où il est transformé en serpent. Pourtant Dieu n'est pas encore supposé être miséricordieux puisque l'on est encore dans l'Ancien testament...

Satan revient dans le Nouveau Testament, cette fois pour tenter Jésus qui se trouve dans le désert. Là encore on se garde bien de nous dire à quoi il ressemble. Il pourrait certainement n'être qu'une voix désincarnée en autant que l'on est concerné si l'on se fie au récit. Ce même Jésus, à qui l'on doit le Notre Père, mentionne dans la prière «Et délivre nous du mal», et non «Et délivre-nous de Satan».

Alors d'où provient l'image classique? Comme on vient de le voir la Bible est très avare de description et vous pourriez passer des heures à farfouiller la Bible sans y trouver une seule description du diable. Les artistes de l'époque médiévale sont allé puiser leur inspiration dans les légendes païennes, empruntant très largement au dieu Pan et aux satyres, entre autres. Comme ceux-ci avaient l'air particulièrement vilains on s'en est largement servi comme base. Il ne suffisait que de très minimes retouches et les gens n'y verraient que du feu (jeu de mot, ha ha).

Un satyre, tel que décrit dans la mythologie grecque.

A la lecture du livre de Job on serait certainement enclin à se poser une question: comment se fait-il que Satan arrive comme ça aux côtés de Dieu? N'a t-il pas été balancé cul-par-dessus-tête avec sa vilaine cohorte d'anges pas-fins parce qu'il a voulu prendre la place de Dieu? Détrompez-vous. Jamais dans la Bible n'est-il question de cela. Tout ça est la faute de Dante Alighieri. Son prénom vous est probablement plus familier. Surtout si vous avez lu la Divine Comédie, ce poème épique qu'il a écrit au 14è siècle et dont l'Enfer est la première des trois parties. Aussi, Satan n'est pas celui qui est buté en-bas des cieux. Ce rôle est joué par Lucifer qui, dans la Bible n'apparaît que dans le livre d'Isaïe et qui de plus, n'est même pas un démon, il n'est qu'un homme, roi de Babylone qui veut s'élever au-dessus de sa condition d'homme et dépasser Dieu. Donc, Lucifer et Satan sont deux entités tout à fait distinctes l'une de l'autre. Sans lien de parenté. Et si vous regardez le livre d'Enoch, apocryphe du 2è siècle, le chef des anges déchus jeté en enfer n'est pas Lucifer mais bien Azazel.

L'enfer, justement, était le mot tout à fait désigné pour faire trembler les fidèles. Si vous ne faites pas ceci ou cela (ou l'inverse) vous brûlerez en enfer pour l'éternité. Le seul endroit dans la Bible où l'enfer est sommairement décrit est dans l'évangile de Mathieu, chapitre 13, verset 42: «...et ils les jetteront dans la fournaise ardente, où il y aura des pleurs et des grincements de dents». Pas vraiment plus spécifique que cela.

Mais alors, l'immense caverne infernale, ça vient d'où? Cette fois, faites la rencontre de Hieronymus Bosch que vous connaissez sûrement mieux comme Jérôme Bosch. Sans vouloir insinuer que le peintre néerlandais consommait quelconque substance hallucinogène (peut-être n'était-ce que du fromage passé date?) il faut avouer qu'au niveau de la peinture surréaliste, Bosch ne faisait pas dans la dentelle. C'est de sa conception de l'enfer qu'est venue l’interprétation traditionnelle et qui fut véhiculée pendant si longtemps par nos curés.

Bosch. 

Pour ces mêmes curés, l'enfer qu'ils décrivaient avec tellement de verve, était dominé par Satan. Une autre belle conception erronée qu'il faut attribuer cette fois à John Milton et son poème Le Paradis perdu qu'il composa en 1667 et dont une seconde édition parut en 1674. C'est dans ce récit que Satan prononce ce vers célèbre «Mieux vaut régner en enfer que servir au paradis» (Livre I pp.263-264 ; dans la traduction de Chateaubriand, évidemment). Dans la Bible on dit (Pierre, chapitre 2, verset 4) «Car, si Dieu n'a pas épargné les anges qui ont péché, mais s'il les a précipités dans les abîmes de ténèbres et les réserve pour le jugement.» Pas de flammes, pas de lac de feu, pas de diablotins qui tourmentent les âmes et même pas de Satan qui gère le pénitencier assis sur un trône de fémurs et de crânes.

Illustration du Paradis Perdu de Milton.

Certains curés allaient aussi loin que prévenir très sérieusement leurs ouailles de ne pas vendre leur âme au diable sans réaliser qu'encore une fois ça ne venait pas de la Bible mais plutôt du conte allemand Faust, publié... au 16è siècle.

Une autre chose que l'on remarque assez fréquemment dans les églises catholiques (d'ici et d'ailleurs) est la représentation de Jésus. Or, que ce soit en sculpture, peinture ou image quelconque ce dernier est à peu près toujours représenté de la même façon; race blanche, grand, élancé, cheveux clairs et petite barbe assortie. Dans tous les films et émissions de télévision il a été représenté par des acteurs répondant bien à cette description. Jim Caviezel ou encore Robert Powell en sont de bons exemples.

Tel que vu dans toutes les églises du Québec.

Tout ça est bien beau sauf que Jésus n'a jamais ressemblé à ça. Tout ce qu'on peut voir de Jésus n'est que pure spéculation artistique. Un jour des spécialistes de l'Université de Manchester en Angleterre se sont penché sur ce problème. En partant d'un crâne israélien remontant au 1er siècle, ils ont utilisé des programmes informatiques complexes, de la peau simulée, de l'argile et les connaissances acquises sur le peuple Juif de l'époque afin de reconstruire la forme du visage, la couleur de la peau et des yeux.

Les résultats ont de quoi étonner. D'abord Jésus n'aurait mesuré que cinq pieds un pouce, soit la grandeur tout à fait moyenne des gens de ce temps-là. Comme tous ceux vivant au Moyen-Orient il aurait eu la peau basanée probablement avec une teinte d'olive. Ses cheveux aurait été très noirs, frisés et son nez aurait été assez visible. Bien que ce ne soit pas la représentation exacte de Jésus, laquelle fut tout de même obtenue à l'aide de la science archéologique et anatomique, ça donne tout de même une excellente référence. Si Jésus avait été un grand bonhomme de six pieds avec de longs cheveux blonds et des yeux bleus, sûrement les Évangiles l'aurait décrit avec tout le contraste qu'il aurait représenté par rapport aux autres. Or, dans l'Évangile de St-Mathieu, quand Jésus se fait arrêter dans le jardin de Gethsémani peu avant la crucifixion, Judas Iscariote doit indiquer aux soldats romains lequel du groupe est Jésus parce qu'ils ne pouvaient le distinguer de ses disciples.
Tel qu'il devrait plutôt apparaître si l'on se fie à la science.

L'Église n'a probablement pas été trop d'accord avec le fait de représenter le Fils de Dieu, triomphant et tout, comme étant un petit homme brun d'à peine cinq pieds avec un pif comme ça. Au temps des Croisades on s'est alors appliqué déjà à ce moment-là à effectuer quelques changement esthétiques. Pour les peintre des la Renaissance, ils ne faisaient que continuer dans cette veine, représentant surtout Jésus sous les traits d'un italien relativement élégant, comme on pouvait en voir dans plusieurs de leurs peintures.

En conclusion, on peut se rendre compte que les symboles représentés dans les églises du Québec et ailleurs n'ont très peu de fondements sinon la liberté prise par d'innombrables artistes au fil des siècles. Quant aux énoncés véhiculés du haut des chaires par les curés, là encore il y a matière à se demander si les gens lisaient réellement la Bible...





Le saviez-vous? On estime que les Évangiles ont été originalement écrits entre l'an 60 et 100, mais ont été recopiés plusieurs fois, tant en hébreu qu'en grec. 

6 commentaires:

  1. Je trouve votre article très intéressant est très bien écrit. Et je suis bien d'accord avec vous.

    J'ai une question : est-ce que vous connaissez le passage de la bible où Jésus est décrit comme un homme aux cheveux noirs et comme de la laine et à la peau couleur olive ?
    ça fait un moment que je tente de le retrouver mais je n'y arrive pas.

    Passez un bon weekend :)

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  2. Merci pour votre commentaire. Pour la question de la représentation de Jésus il n'y a effectivement aucune description du personnage. Nous savons cepandant qu'il était un Juif du Moyent-Orient et comme je l'ai dit dans l'article, les études universitaires ont démontré qu'elles étaient les caractéristiques physiques des gens qui habitaient la région de la Palestine à cette époque; pas très grand, cheveux noirs et peau basanée. Si, dans le jardin de Gethsémani les Romains n'ont pu le différencier de ces disciples, tous Juifs eux aussi, alors c'est qu'il devait se conformer à l'apparence typique. Nous pouvons donc parvenir à savoir un tant soit peu à quoi ressemblait Jésus non pas en se cherchant une description dans la Bible mais bien par déduction anthropologique.

    Pluche

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  3. En ce qui concerne le physique de Jésus, la Bible nous informe qu'il est le descendant de David... peut-être a-t-il hérité de sa frêle anatomie???

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  4. Eh bien voyez-vous, voilà une autre chose que l'on ne mentionne pas; son physique. Mais s'il mesurait un peu plus de cinq pieds, tout en sachant que l'obésité n'était pas fréquente dans ce temps-là, on serait porté à déduire qu'il devait effectivement être de constitution frêle. Cepandant, n'oublions pas qu'il était charpentier, et ce faisant, devait être malgré tout, un solide gaillard.

    Pluche

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  5. Merci pour ces précisions.
    Juste un petit commentaire sur votre texte dans le paragraphe juste au-dessus la 2e photo (5e ligne).
    On devrait lire ... Si Jésus ''avait été''

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    1. Merci pour la correction, que j'effectue à l'instant. :)

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