dimanche 31 octobre 2010

ad quietem locus

Le 31 octobre c'est l'Halloween, fête parfaitement païenne s’il en est une. Une fête que n’aimait pas l’Église mais alors là pas du tout. Tous ces trucs de squelettes, sorcières et fantômes ça ne faisait pas, comme dire, très catholique. Le mot Halloween quant à lui est dérivé de «All Hallows Eve», la veillée de tous les saints ou si vous préférez, la Toussaint, fête religieuse dont l'origine remonterait au 5è siècle quoique dans ce temps-là elle était célébrée le dimanche après la Pentecôte.

Certains spécialistes considèrent que cette fête, où l’on honore la mémoire des morts et des saints (hallows) serait une «christianisation» du festival de la récolte Celte ayant possiblement des racines païennes. D’autres croient que les deux fêtes ont évolué de façon indépendante.

Appareil utilisé: Canon Powershot A60. 





Le saviez-vous? Il existe des compétitions où se mesurent les plus grosses citrouilles, certaines pouvant peser plus de 450 kilos. En 2010 le record était de 820 kilos. Ouf! De quoi faire toute une tarte!

Petit spécial de l'Halloween

Vous vous souvenez sûrement de ce jour, où, en creusant à la Pointe-à-Callières, on a retrouvé les vestiges du premier cimetière de Montréal, qui portait alors le nom de Ville-Marie. C'était là un tout petit cimetière de rien du tout, et pour cause puisque la population n'était pas très nombreuse à cette époque. Mais elle l'est devenue avec les années alors que Montréal s’est développée. Ce faisant, on a donc dû aménager des cimetières afin d’accommoder ladite population qui passait de vie à trépas. 
Prenons par exemple l'église Notre-Dame, dans le Vieux-Montréal. Cette dernière, qui attire bon an mal an un bon nombre de visiteurs par année, n’est pas la première église de ce nom situé à cet endroit. Il s’agit en fait de la deuxième qui était non seulement plus petite, mais dont l’emplacement était différent. C’est comme cela qu’entre 2004 et 2006 on a découvert un certain nombre de squelettes directement sous le parvis de la basilique Notre-Dame, ce même parvis foulé par quantité de visiteurs chaque jour.  


(Crédit photo: La Presse) 
Ce cimetière, vraisemblablement ouvert en 1683, a été élargi en 1734, démontrant d'ores et déjà le besoin grandissant d'espace. En 1795, l’on a décidé de ne plus inhumer les corps dans le cimetière et cela, pour des raisons de santé publique. Il a donc fallu trouver un autre terrain, plus grand celui-là et aussi à l'extérieur des limites de la ville. Et ce terrain, on l’a trouvé dans le Faubourg St-Antoine. Et voilà, s’est alors dit la Fabrique de l'église Notre-Dame, une bonne affaire de faite. 
Le problème, c’est que la Fabrique a malheureusement sous-estimé la rapidité à laquelle Montréal se développait et s'agrandissait à travers les nombreux faubourgs et bientôt le cimetière s’est retrouvé très coincé au milieu de plein d'habitations. On prétendra que les occupants du cimetière ne sont pas des voisins bien bruyants mais bons, ce n'est pas tout le monde qui veut avoir un cimetière dans sa cour arrière. Encore une fois, la Fabrique de l'église Notre-Dame a donc dû trouver un nouvel espace encore plus grand. Autre temps mêmes problèmes, dira-t-on.


La solution arrive sous la forme d’un don, celui du docteur Pierre Beaubien qui possède d’immenses terres sur la montagne. Et v’là ti-pas qu’on aménage le nouveau cimetière en 1854, celui que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de cimetière Notre-Dame-des-Neiges.
Quant au cimetière St-Antoine on songe à le vider, lotir le terrain et vendre les lots afin qu'ils puissent être développés. Mais on ne peut évidemment pas construire comme ça directement par-dessus un cimetière, ça n’a pas de sens. Alors on entreprend alors de le déménager. Et faut comprendre ici que lorsque l’on parle de déménager un cimetière ça veut dire que l'on ne s’occupe pas seulement des pierres tombales mais aussi ce qui se trouve en-dessous. Autrement dit, on sort les cercueils de terre, on les transporte dans la montagne où on les remet en terre.
Minute moumoutte, dit le docteur Phillip Carpenter qui dirige la Sanitary Association. Parmi les gens enterrés, fait-il remarquer, y’en a tout plein qui sont morts des suites du choléra. Et s'il se trouvait quelque chose que le docteur et son association craignaient comme la peste c'était une épidémie de choléra accessoirement déclenchée par l'exhumation de gens qui en étaient décédés. On arrête donc le sinistre déménagement et le cimetière est alors transformé en parc public, que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de square Dominion. C’est celui-là tout juste à côté de la cathédrale Marie-reine-du-Monde où trône d’ailleurs la statue de Macdonald. Donc, si vous travaillez dans le secteur et qu'il vous arrive d'y aller pour luncher sur l'heure du dîner alors sachez que vous lunchez essentiellement dans un cimetière puisqu'il y a encore plein de gens font dodo pas trop loin sous vos pieds.
Vous connaissez le parc des Vétérans? C'est un charmant petit parc situé sur la rue Papineau près de l'entrée du pont Jacques-Cartier et bordé par la rue Lafontaine. Eh bien il s'agit encore ici non pas de un mais de deux cimetières protestants, l'un civil et l'autre militaire qui ont utilisés entre 1816 et 1869. Il s’agit d’un autre cimetière que l’on a déménagé partiellement, cette fois au cimetière de Pointe-Claire. Mais ici comme au square Dominion le déménagement n’a été que partiel et un inventaire archéologique tout récent a permis de découvrir une quantité appréciable de restes humains sous le parc. D'ailleurs, l'un de ces occupants ne serait autre que le patriote Charles Hindelang qui a été pendu en 1839 à la prison du Pied-du-Courant. On ne peut savoir à quel endroit cependant. 

Il s'en trouve d'autres aussi, forcément. Montréal n'ayant pas toujours la vile que l'on connaît. Bien avant, il s'y trouvait de nombreux petits villages agricoles, et quand les gens décédaient, ils étaient généralement enterrés dans leur localité. Avec les annexions, et l'agrandissement urbain, on a fini par en oublier et parfois, ce sont des travaux de voirie ou de construction qui mettent au jour un ancien cimetière. C'est le cas de celui qui se trouvait là où se trouve aujourd'hui le complexe Guy-Favreau. Et n'oublions pas que c'est aussi de cette façon que l'on a remis au jour, durant la construction du pont Victoria, les restes des victimes Irlandaises du typhus. 



Le saviez-vous? En 1847 un chirurgien a réalisé une amputation tellement rapidement qu’il a aussi accidentellement amputé les doigts de son assistant. Les deux sont subséquemment morts du sepsis et une personne qui assistait à l’opération est morte du choc que cela lui a causé. Ce faisant, il s’agit de la seule procédure chirurgicale dont le taux de mortalité a été de 300%.

samedi 30 octobre 2010

Spécial Halloween: Le jeu Haunted Mansion

Aussi loin que je puisse me rappeler j'ai toujours eu un gros faible pour l'Halloween ainsi que les maisons hantées. Les trucs phosphorescents dans le noir, les maisons hantées de parcs d'attractions, le Moulin de la sorcière à La Ronde, les effets sonores sur disques, Frankenstein, les chauves-souris à suspendre en caoutchouc, les squelettes... Dans mon entourage on se désolait parfaitement de voir ma fascination pour ces trucs d'épouvante. Moi, je trouvais tout cela bien rigolo et ça m’amusait sans bon sens. Heureusement il ne manquait pas de matériel en ce sens destiné aux enfants. Et justement, parmi ces petites merveilles que j'ai conservés avec le temps se trouve le jeu de la maison hantée de Disney fabriqué par Lakeside et basé sur le manège à Disney World. Pour les besoins de cet article je l'ai donc ressorti afin de le photographier dans tous ces détails et ce faisant, pleins de merveilleux souvenirs me sont revenus en mémoire dont ce Noël de 1975 où je l'avais reçu en cadeau des mains de ma mère. C'est un jeu qui s'est vendu comme des petits pains chauds à l'époque et qui aujourd'hui est activement recherché tant par les collectionneurs que les nostalgiques. 

Voici de quoi la boîte avait l'air. Nom du jeu en vert-zombie, fantômes, chauves-souris, arbres squelettiques, manoir peu rassurant et enfants qui s'en donnent à cœur joie. Que voulez-vous de plus? 


Voici une vue d'ensemble du plateau de jeu, que j'ai photographié à la sauce fantomatique. Chaque joueur possédait un pion, essentiellement une pièce de plastique représentant un des fameux «Doombuggies», ces chariots dans lesquels les gens embarquent pour se ballader dans le Haunted Mansion de Disney. sur la photo on peut en voir justement un jaune. 

Le but du jeu était d'entrer par la porte de gauche et être le premier à sortir par celle de droite. Entre les deux, mille et un dangers et surprises. Ainsi, au lieu d'un plateau conventionnel, le jeu se déroule sur une boîte sur laquelle figure un parcours incertain et résolument mystérieux. Et, contrairement aux autres jeux où l'on fait généralement le tour du plateau en repassant toujours au même endroit (comme Monopoly) celui du Haunted Mansion est ponctué d'engrenages sur lesquels on doit passer. Ces engrenages que l'on doit faire tourner selon le hasard des dés et du jeu, font que le chemin peut changer subitement et nous envoyer là où l'on veut ou bien dans de bien sinistres endroits.


Voici d'ailleurs un gros plan de quelques uns de ces engrenages. Comme on peut le voir, tomber sur une dalle d'extrémité qui sont inscrites du mot «Spin» signifie que l'on doit faire tourner l'engrenage selon les instructions. Arriver au milieu nous envoie à la Crypte, où l'on perd un tour (en plus de se retrouver à l'autre bout du plateau de jeu). 


Ah, voici un autre endroit où il ne fallait pas se retrouver; le fameux donjon. Heureusement ces deux fantômes semblent bien amusants. Comme on le voit ici tout comme sur la vue d'ensemble, il se trouve aussi un panneau vertical qui sert non seulement à créer une ambiance avec plein d'illustrations mais aussi à une autre fonction que je vais vous expliquer plus loin. 

Une des illustrations qui orne le panneau vertical est la fameuse mariée, un des personnages les plus énigmatiques du manoir mais qui n'a ici aucun rôle dans le jeu. Elle est représentée ici tel que dans le manège, soit au grenier. De son vrai nom Constance Hatchaway, elle tient une chandelle dans une main et un bouquet dans l'autre. Son époux serait le fameux «Hatbox Ghost». 

La pince en plastique noir que l'on voit à gauche sert à faire tenir un des personnages en carton tirés du manège ainsi qu'à servir de prise pour faire tourner les engrenages. On peut voir aussi une autre des surprises sur lesquels les joueurs peuvent arriver. La barrière fermée nous empêche de passer et nous force à faire demi-tour. 

Le «Ghoul's Graveyard» est un autre de ces endroits où l'on perd automatiquement un tour. C'est donc tout à son avantage de ne pas arriver dessus. Encore ici il s'agit d'un endroit que vous allez retrouver sur le site de Disney près de la maison, soit le fameux cimetière qui n'en est pas un vrai, évidemment. 

Vous voulez perdre un autre tour? Alors arrivez à cet endroit. Le «Ghost Host Vestibule» est un endroit bien réel du Haunted Mansion de Disney et le Ghost Host est cette voix qui vous parle dès l'entrée ainsi que tout au long du parcours et c'est le comédien Paul Frees qui lui prête sa voix. Dans la fameuse pièce qui s'étire vers le haut, on peut apercevoir le «Ghost Host» en question, lequel s'est malheureusement enlevé la vie. On peut voir aussi deux bustes qui, dans le manège, font partie d'un quintet qui comprend Rollo Rumkin, Uncle Theodore, Cousin Algernon, Ned Nub et Phineas P. Pock. Ces derniers chantent allègrement «Grim Grinning Ghosts» pour votre bon plaisir. 

Arriver dans la pièce de Madame Leota vous donne droit à un tour extra. Madame Leota est un personnage qui vous attend dans le manège. Sa tête flotte dans une sorte de boule de crystal et elle est, ironiquement, l'esprit d'une médium. Située sur une table au milieu d'une pièce, Madame Leota y va de toutes sortes d'incantations pour faire se manifester d'autres esprits. Son visage est celui de Leota Toombs (d'où le nom) et sa voix est celle d'Eleonor Audley. Voici la vraie Madame Leota:


Lorsque je parlais plus haut de personnages en carton à faire tenir sur les pinces, eh bien en voilà un, le «Caretaker» ou encore le «Groundskeeper». Ce personnage, aussi tiré du manège, est ce pauvre diable qui, accompagné de son chien tout aussi trouillard, doit veiller au bon entretien du cimetière adjacent au manoir. Je l'ai photographié ici avec un effet «dramatique» afin de mieux constater tout l'effroi qui saisi le bougre et son cabot. Le voici tel qu'il apparaît sur les lieux:

Ici, l'effroi est encore plus palpable. Qu'est-ce que le personnage vient tout juste de voir? Un fantôme se balader d'entre les pierres tombales? Mais pourquoi tient-il cette pelle? Se pourrait-il qu'il soit en réalité un pilleur de tombe qui vient de se faire surprendre par un fantôme vexé de voir quelqu'un s'en prendre à ses dernières possessions mortelles? sur le disque de Disney «Chilling, Thrilling Sounds of the Haunted House», la face A contient une séquence où, justement, un pilleur de tombe se fait prendre la main dans le cercueil par... quelque chose, et il s'enfuit à toutes jambes. 

Voici les fameux «Hitchhiking Ghosts», enfin, deux des trois car ils sont toujours tous les trois ensembles. Ici l'on peut voir Ezra le squelette ainsi que Gus le prisonnier. Avec Phineas le voyageur, ces trois compères apparaissent durant le trajet dans le Haunted Mansion et cherchent évidemment à se faire prendre à bord de votre Doombuggy. La célèbre photographe Annie Leibovitz les a d'ailleurs immortalisés dans une campagne de promotion de Disney. Ils sont respectivement interprétés par Jack Black, Will Ferrell ainsi que Jason Segel. 

Sur le carton du jeu on ne voit que deux fantômes. Le troisième se trouve tout juste à la sortie où, avec son pouce de «pousseux» il vous indique le chemin de la victoire. Dans le jeu, si vous êtes miraculeusement près de la fin, il faut lancer les dés et obtenir un nombre égal à celui d'espace qui vous sépare de la dernière dalle. 

Voilà Phineas en question, tenant toujours sa fidèle valise. La dernière dalle est celle qui se trouve marquée en rouge du mot `«EXIT». Mais attention, tout n'est pas gagné car il se trouve encore un piège à déjouer. Le panneau vertical, comme je le disais plus haut et outre l'effet décoratif, sert d'ancrage au sinistre corbeau. 

Selon que l'on joue de malchance, le corbeau, tenu par un bâton de plastique, peut pivoter vers le bas et bloquer la sortie du jeu et à ce moment aucun joueur ne peut gagner à moins que celui-ci, sous un coup de chance, ne soit renvoyé plus haut. 

Les illustrations sont parfaitement dans le ton et s’apparentent parfaitement avec le livre-disque et autres publications de Disney sur le sujet. Mais y’a aussi quelques ratés. Le plateau de jeu est essentiellement une boîte de carton sur le dessus de laquelle ont été disposés les moyeux de plastique qui servent à faire tourner les engrenages. Malheureusement, avec le temps, le dessus de la boîte avait tendance à s’enfoncer au milieu, rendant le mouvement des engrenages difficiles voire impossible. Ah, mais les instructions sont pourtant claires; lorsque l’on ne se sert pas du jeu faut le ranger à la verticale. Sauf que c’était écrit seulement en anglais et moi, à neuf ans, je ne savais pas alors forcément mon jeu s'est retrouvé avec le milieu quelque peu renfoncé. Voici d'ailleurs à quoi ressemblait le jeu une fois qu'il était entièrement assemblé grâce à une modélisation en 3D: 




Le saviez-vous? Selon certaines sources il semble qu'au fil des ans que plusieurs personnes fortement passionnées du manège auraient formulé le dernier souhait d'avoir leurs cendres dispersées dans le Haunted Mansion de Disney World, ce qui aurait obligé Disney à avoir un aspirateur spécial HEPA sur les lieux. Les fantômes du Mansion seraient-ils vrais?

mardi 26 octobre 2010

semitae

J'ai beau être allé des dizaines de fois au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à chaque fois que je m'y rends je m'arrange toujours pour y faire deux choses; me perdre et découvrir des parties que je n’ai jamais vues. Cela s’explique par le fait que les dédales y sont nombreux et que je suis aussi un brin curieux. Mais ne croyez pas que je me plains, bien au contraire! Cela me donne l’occasion de faire de belles découvertes.

Cette journée-là non seulement je me suis encore égaré, à mon grand bonheur, mais je me suis aussi fait surprendre par la pluie, qui n’était d’ailleurs pas au programme météo. Je me suis abrité dans l'entrée d'un très vieux mausolée en attendant que ça passe et en ai profité, sitôt après, pour prendre quelques clichés, dont celui d'aujourd'hui.

Appareil utilisé: Canon Rebel XT.




Le saviez-vous? Dans la religion chrétienne la mort est définie comme étant un sommeil. Or, le mot cimetière provient du latin coemeterium, lui-même issu du mot grec koimêtêrion (κοιμητήριον) lequel veut dire : lieu pour dormir.

dimanche 24 octobre 2010

La légende de Mary Gallagher

Vers la fin du siècle dernier a eu lieu à Montréal, dans le quartier Griffintown, l'un des meurtres les plus sordides de son histoire: l'assassinat sauvage de Mary Gallagher. Cette histoire dont le procès a été largement médiatisé dans les journaux de l'époque a acquis au fil des années un statut quasi légendaire. Je ne m'attarderai point ici à ces prétendues apparitions spectrales de la défunte qui, je le crois bien, appartiennent davantage au folklore qu'à la réalité, et c'est cette réalité que je compte explorer ici. Toutefois, je tiens à avertir tous et chacun que les détails de ce crime pourraient certainement en rendre plus d'un mal à l'aise. La discrétion du lecteur est donc ici fortement avisée.

Alors, qu’en est-il donc de cette histoire?

Nous sommes le vendredi 27 juin de l'année 1879 dans le quartier Griffintown, au 242 de la rue Williams près de la rue Murray. Helen Troy est une veuve qui habite, avec son fils John âgé de 13 ans, au rez-de-chaussée d’une maison en délabre et loue le deuxième étage à un couple; Susan Kennedy et Jacob Myers (mais donc le véritable nom de famille est Mears). Les deux appartements partagent la même porte d'entrée ainsi que la même adresse.

Il est quelque peu passé midi en ce vendredi lorsqu’Helen Troy entend du vacarme en haut. Ce n'est pas la première fois que ça se produit car Susan Kennedy qui habite là est réputée pour prendre un coup solide et d'avoir durant ces moments tout un caractère. Mais cette fois il y a quelque chose de différent, surtout lorsqu'un bruit sourd survient, quelque chose vient de tomber sur le plancher avec une telle force que le plâtre du plafond se brise à deux endroits différents. Ce n'est pas le bruit que ferait un meuble ou de la vaisselle mais bien celui d'un corps qui tombe. Puis, pendant une dizaine de minutes se fait entendre le bruit caractéristique de quelqu'un qui fend du bois. Pour Helen Troy s'en est de trop. Elle quitte sa maison pour aller directement au poste de police situé non loin au square Chaboillez où elle raconte le tout. 

Le constable Neal McKinnon effectue sa patrouille à pied lorsqu'il aperçoit un attroupement devant le 242 William. La rumeur court dans tout Griffintown qu'un meurtre venait d'y avoir lieu. Pour McKinnon pas question d'entrer là-dedans tout seul et il s'enjoint deux autres policiers soit les constables Reilly et Bélanger. Ils arrivent devant la maison, se fraient un chemin au travers les curieux et montent à l'étage afin de savoir ce qui s'est réellement passé. Ce qui les attend n'est rien de moins qu'une vision d'horreur à glacer le sang même des plus endurcis. Là, sur le plancher de la cuisine tout près du poêle, git le corps décapité d'une femme presque nue et dont la tête, déposée dans un sceau tout près, semble les regarder directement de ses yeux encore ouverts. Au sol, une mare de sang s'étend sur presque toute la largeur de la cuisine qui faisait presque 16 pieds. La victime est initialement identifiée sous le nom de Kate Conway mais on établira par la suite qu'il s'agit bel et bien de Mary Gallagher. L'insoutenable scène est telle que les policiers doivent combattre un épouvantable sentiment de nausée. Dans la pièce d'en avant, étendue sur le lit ils trouvent Susan Kennedy, celle qui loue le misérable deux pièces avec son mari Meyers. Kennedy porte plusieurs couches de vêtements qui sont tous maculés de sang. Elle est visiblement sous l'effet de la boisson et les policiers tentent, non sans difficultés, de la réveiller. Sommée d’expliquer ce qui s’est passé celle-ci dément formellement être responsable du meurtre et accuse plutôt un certain capitaine qui aurait quitté les lieux depuis un bout. On procède néanmoins à l’arrestation de Kennedy et on l'emmène au poste de police situé sur la rue Young. On procède également à l'arrestation de Michael Flanagan, lequel s'était trouvé sur les lieux ainsi que du mari de Susan Kennedy, Jacob Meyers. La nouvelle du meurtre fit l'effet d'une bombe dans les journaux de Montréal et partout en ville on ne parla que de cette affaire.

La scène du crime fut visitée en soirée par le chef de la police de Montréal Hercule Paradis accompagné du détective Cullen et ils trouvèrent sur place une hache pleine de sang sur laquelle se trouvent encore des morceaux de cheveux. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître le corps est toujours sur place et on peut (mais préférablement pas) s'imaginer l'odeur épouvantable qui doit régner car, faut-il le rappeler, nous sommes en plein été. Le corps de Mary, ainsi que sa tête et sa main, sont laissés sur place jusqu'au lendemain où un coroner viendra procéder aux observations d’usage.

Ce coroner est James John Guérin, un jeune homme fraîchement diplômé de la Faculté de Médecine de l'Université McGill. Il arrive le samedi matin dès dix heures et procède sur place à l'autopsie du corps de Mary. Une fois l'examen du corps terminé il est emporté au cimetière Notre-Dame-des-Neiges où il est vulgairement enterré dans une fosse commune sans autre cérémonie et sans même avoir été béni. Le prêtre qui s'était rendu à la maison sur la rue William, un certain Patrick Quinlivan, avait refusé de faire puisque Mary était, faut-il le rappeler, une prostituée. Le procès avec jury débute le mardi 30 septembre au Palais de Justice de Montréal. Il faut noter ici qu'il s'agit du bâtiment situé sur le côté sud de la rue Notre-Dame tout juste à côté de l'Hôtel-de-Ville. Agissant pour la Couronne, Me Bernard Devlin alors que la défense de Kennedy est assuré par Me Donald McMaster et Me James Greenshields. Présidant le tout, le juge Samuel Cornwallis Monk. 
Le juge Monk
(Crédit photo: Musée McCord)

Pour la Couronne l'assassin il ne fait nul doute que l’assassin n’est autre que l'accusée Susan Kennedy alors assise dans le box des accusés. Les témoins sont questionnés et transquestionnés (terme de l'époque connu aujourd'hui sous le nom de contre-interrogatoire) par les avocats Devlin, McMaster et Greenshields. Le procès prend fin le mercredi 1er octobre. Le jury ne parvient pas à s'entendre sur le verdict mais y parvient plus tard et déclare alors Susan Kennedy coupable du meurtre de Mary Gallagher. Le juge Monk annonce alors à la condamnée qu'elle sera pendue jusqu'à ce que mort s'en suive le 5 décembre. Le vendredi 3 octobre, toujours sous la présidence du juge Monk mais avec un nouveau jury, à lieu le procès de Michael Flanagan que l'on finit par déclarer non-coupable et Flanagan sort donc du Palais de Justice en homme libre. La peine de mort prononcée contre Kennedy est subséquemment commuée en peine de prison et on la transfère au pénitencier pour femmes de Kingston en Ontario. Elle y décède le 27 juillet 1890, possiblement de la tuberculose.

Quant à Michael Flanagan, qui avait été acquitté de toute participation au meurtre de Gallagher, un destin presqu'irréel lui est réservé. Le 5 décembre 1879, alors qu'il était affairé à charger un bateau sur les abords du canal Lachine, il perd le pied et se heurte la tête sur le bord du navire pour ensuite tomber à l'eau où il se noie. Il est enterré le jour suivant au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. 


Ce n'est pas la façon dont il est décédé qui frappe l'imagination mais bien la date, soit le 5 décembre 1879, celle à laquelle Susan Kennedy devait monter sur la potence pour y être pendue. Cet incident étrange fera dire à plusieurs personnes de l’époque que si Flannagan a échappé à la justice des hommes il n’a pas échappé à celle de Dieu. D’autres ont prétendu que c’est le fantôme de Mary Gallagher qui s’est rendu justice en punissant le véritable coupable, ce qui n'a pas manqué d'apporter à cette histoire une trame surnaturelle. D'ailleurs, nombreux seront ceux qui affirmeront sur leur honneur avoir aperçu, au coin de Murray et William, le fantôme de Mary cherchant sa tête.
L'emplacement de Flanagan au cimetière: Section N, Lot: 00764

Au moment d'écrire ces lignes il s'est passé exactement 131 ans depuis ce drame et encore aujourd'hui je crois qu'il y a certainement lieu de se demander si le procès a permis de véritablement faire toute la lumière sur cette ténébreuse affaire. Susan Kennedy a répété durant le procès que le véritable meurtrier était un capitaine de navire qu'elle avait laissé s'enfuir parce qu'il était, disait-elle, un beau garçon. La première personne à voir la scène du crime le 27 juin 1879 fut John, le fils d'Helen Troy, la veuve qui habitait en bas et qui louait le deuxième à Myers et Kennedy. Celui-ci dit qu'il avait vu deux hommes; un étendu sur le lit près de Kennedy (possiblement Flanagan) et un autre endormi sur la table de cuisine. Pourtant John (possiblement à cause de son jeune âge) ne fut pas appelé comme témoin et son témoignage aurait été certes important, voire crucial.

Alors qui était cet homme endormi sur la table de cuisine? Était-ce ce capitaine de navire dont Kennedy parlait? Aurait-il lui-même tué Mary? D'un côté le coroner Guérin affirma que les coups de hache manqués ne faisaient aucun doute que la victime avait été tuée par une femme car aucun homme n'aurait pu faire cela de façon aussi malhabile. Guérin ajouta que Gallagher avait été rendue inconsciente à la suite d'un coup très solide au visage. En effet, dit-il, les os du nez étaient non seulement cassés mais complètement écrabouillés dans le crâne. Kennedy n'aurait pu y parvenir sans aide. Quant au chef de police Hercule Paradis, qui avait lui-même visité la scène du crime le 27 juin dans la soirée et interrogé Kennedy, a affirmé que Gallagher était une femme physiquement forte et qu'il aurait été impossible pour Kennedy de tuer Gallagher toute seule. 
Comme on peut le voir, on se rend compte qu'il demeure dans cette affaire bien des questions en suspens. A-t-on condamné la mauvaise personne? Aurait-on dû forcer Kennedy à dévoiler l'identité de ce fameux capitaine dont elle ne cessait d'en imputer le crime? Est-ce que Flanagan était aussi innocent dans cette histoire qu'il le prétendait? Car, faut-il l'avouer, la Cour ne put se baser que sur le témoignage de Flanagan. Est-ce que l'étude des empreintes digitales (technique qui n'existait pas en 1879) aurait permis d'en savoir davantage sur l'assassin? 

Maintenant qu'en est-il de l'endroit où le crime eu lieu?

Mary Gallagher fut assassinée, tel que l'on a pu le voir, au 242 de la rue William, près de Murray. Son emplacement peut varier d'un article à l'autre. Selon certains, la maison était tout juste au coin sud-ouest de l'intersection Williams et Murray. Toutefois, une consultation dans l'Atlas des rues de Montréal nous apprend que le 242 William n'était pas au coin de Murray mais se trouvait plutôt à être la deuxième maison à l'est en partant de Murray.


De plus, le plan du deuxième étage de la maison, réalisé et produit en Cour par l'architecte George Glackmeyer démontre qu'il y avait deux fenêtres à l'avant et deux à l'arrière mais aucune sur le côté.

Qu'en est-il donc aujourd'hui? Il n'y a plus de maison et l'endroit est aujourd'hui un stationnement. Mais en regardant attentivement on peut se rendre compte que les fondations originales sont toujours visibles sous l'asphalte du terrain. Sur place, on ne peut que constater que l'endroit où vivait Kennedy était très petit, surtout en imaginant la division séparant la chambre de la cuisine. Comment diable Flanagan n'a rien aperçu en sortant est assez surprenant en soi.
L'emplacement approximatif du lieu du meurtre vu des airs.

L'emplacement approximatif, encore une fois, mais vu du trottoir. Les fondations sont visibles. Ajoutez dans cet emplacement l'escalier, la chambre et la cuisine et vous avez une idée de la grandeur relativement restreinte de l'appartement.


Mon passage à l'émission Dossiers Mystère à Canal D où je fus interviewé pour l'épisode sur Mary Gallagher.


Mon intervention à la fin de l'épisode où je me trouve sur l'emplacement de la maison où Mary fut assassinée. J'en profite pour parler de la présence des fondations de la maison ainsi que des changements que Griffintown a connu au fil des ans.

Je serais néanmoins très curieux de savoir quelle serait l'issue d'un tel procès s'il aurait eu lieu aujourd'hui mais une chose est certaine, je crois que cette histoire restera toujours nébuleuse et que bien des questions demeureront sans réponses. Aussi, pour ceux que celà pourrait intéresser, voici une transcription que j'ai faite du procès à partir des articles de La Minerve.


Première nouvelle de l'assassinat de Mary Gallagher (qui fut faussement identifiée au début comme étant Kate Conway) tel que décrit dans La Minerve, édition du 28 juin 1979.



*          *          *

Au No. 242, rue Williams, de cette ville, habite un nommé Jacob Myers, dont la femme avait pour compagne Suzanne Kennedy, agée de 30 ans environ, d'origine américaine. D'une stature colossale et adonnée à la boisson, Susanne Kennedy passait une partie de la journée en société de la femme Myers.

Vers dix heures, ce matin, les voisins entendirent une discussion suivie de la chute d'un corps et des coups frappés sourdement. Dans la soirée les voisins intrigués de ne point voir sortir les deux amies, eurent l'idée d'entrer dans la demeure et ils se trouvèrent en face d'un spectacle horrible. Kate Conway alias McCormick, épouse de Jacob Myers, était étendue sur la plancher, baignant dans son sang.

Spectacle horrible: le cadavre était décapité et la tête ainsi qu'un des poignets gisaient à quelques pas dans une cuvette.

La police immédiatement avertie par M. Hartford, se transporta sur les lieux et opéra à l'arrestation de Suzanne Kennedy qui, en arrivant à la station de police de la rue Young, fut fouillée on constata qu'elle portait sur elle un grand nombre de vêtements, dont la plupart étaient tachés de sang.

Les détectives firent, pendant ce temps, des perquisitions dans la chambre de la victime et apperçurent les traces d'une lutte. Ils trouvèrent enfoui dans un coffre l'instrument qui avait servi à commettre l'assassinat. C'est une petite hache ordinaire, que nous avons vu et qui était toute couverte de sang. Des débris de chair ainsi que des cheveux y adhéraient encore.

Quand on est venu pour s'emparer de la prisonnière, elle était couchée ivre mais elle avait cepandant essayé de laver le sang qui innondait le plancher. Lorsque rendu à la station on a voulu la fouiller, comme nous l'avons dit précédemment, elle se défendit avec vigueur et c'est avec beaucoup de peine que l'on y réussit.

Suzanne Kennedy est une femme de grande taille, fortement constituée, et de plus, très brutale. L'appartement où s'est commis le crime ne portait plus de trace de la lutte, qui n'a pas dû être bien longue car la victime était âgée de 60 ans et bien affaiblie. Le cadavre avait sur la figure des traces de coups et un des bras brisé en deux endroits.

On prétend dans le voisinage que Kate Conway et Suzanne Kennedy étaient adonnées à la boisson et qu'elles avaient coutume de se quereller souvent.

Ce matin, à 8 heures, doit avoir lieu l'enquête, et nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette terrible affaire. Nous ne voudrions pas oublier de mentionner dans ce rapport la courtoisie avec laquelle le chef de la police M. Paradis nous a accueilli, ce matin, à 3 heures, quand nous avons eu connaissance de ce crime et que nous sommes rendus à la station de la rue Young. Le détective Cullen ainsi que les hommes de police voudront bien agréer nos
remerciements pour la manière dont ils se sont mis à notre disposition afin de nous donner tous les renseignements possibles.

Mardi 30 septembre 1879, le procès continue. 

Présidence de l'Hon. Juge Monk, MM Archambault, C.R., et Devlin, C.R., représentent la Couronne. Suzanne Kennedy est amenée à la barre pour répondre à l'accusation de meurtre.

La déposition du constable McKinnon se résume à ceci: Il fait la description de la découverte du corps de la victime et dit qu'il a trouvé la prisonnière [Susan Kennedy] soit ivre ou endormie dans la chambre sur le devant de l'habitation. J'ai réveillé la prisonnière, dit-il, et je lui ai demandé qui avait tué la femme; elle me dit que c'était l'homme qui était venu avec elle le matin et qu'elle désirait lui donner une chance de s'échapper vu que c'était un joli garçon. Après l'arrestation de Flanagan, elle déclara que ce n'était pas lui qui avait commis le crime, mais que c'était un autre homme qui était entré. Elle portait beaucoup d'habits sur elle et tous étaient saturés de sang. L'agent de police Cullen avait fait déshabiller la prisonnière. Quand elle fut menée à la station, elle était dans un état de surexcitation nerveuse par suite de la boisson.

Transquestionné (aujourd'hui on dirait plutôt contre-interrogé) par M. Greenshields: Le témoin dit que Susan Kennedy lui conta une histoire quand il l'arrêta et ensuite une autre différente à la station. Le détective Cullen rapporte ce qui suit qui lui a été dit par la prisonnière:

L'homme qui avait tué Mary Gallagher était celui qui l'accompagnait à sa rentrée le matin. Cet homme avait fourni l'argent pour acheter deux bouteilles de whiskey. La prisonnière avant de sortir pour acheter la seconde bouteille de whiskey, lui avait demandé de l'argent pour acheter des pommes. Il lui en donna. La femme Kennedy dit que tout ce qu'elle savait de l'individu venu le matin, c'est qu'il avait un couteau à manche blanc. Il (le policier Cullen) trouva une hache pleine de sang dans un coffre dans la chambre à coucher. La défunte n'avait pas beaucoup d'habits sur elle, mais rendu à la station, Cullen trouva que la prisonnière en avait trop. Il fut obligé de se faire assister par deux hommes pour la déshabiller, ses habits étaient pleins de sang.

Les hardes [vêtements] sont ici produits et identifiés par le déposant. Elle dit au détective qu'elle avait essuyé le sang de peur qu'il ne traverse le plafond. Il y avait du sang sur le mur et dans le lit de la chambre à coucher. Il y avait aussi quatre incisions dans le plancher à l'endroit où la tête avait été coupée.

Le docteur Guérin, ici présent, dit en réponse à un juré, que la tête avait toutes les apparences d'avoir été tranchée par une personne maladroite. La déposition de Catherine MacCarthy, femme de John Driscoll, se résume dans son identification des habits de la victime. Elle a reconnu tous les vêtements qui lui ont été présentés pour les avoir vus sur Mary Gallagher. Tous ces vêtements on été trouvés sur Suzanne Kennedy. Le témoin était l'amie intime de l'accusée. Elle ajouta que le chapeau porté en Cour par la prisonnière appartenait à la défunte. Cette dernière phrase provoqua un démenti formel de la part de l'accusée.

Suite du procès rendu le jeudi 2 octobre 1879:

Après les plaidoyers, Son Honneur le juge Monk commence sa charge aux petits jurés. L'Honorable Juge dit qu'il est à peu près assuré que les jurés ont déjà plus ou moins formé leur opinion, car tous les faits de la cause leur ont été soumis par l'avocat de la Couronne avec une rare habileté et d'une autre côté, l'avocat de la défense qui était reconnu comme possédant de grands talents et beaucoup de science du droit criminel n'avait rien négligé pour faire valoir tout ce qui pouvait être favorable à sa cliente.

Les jurés, comme le juge sur le Banc, doivent mettre de côté tout ce qu'ils ont pu avoir entendu dire et oublier toute impression venant du dehors et ne s'occuper que de la preuve telle que présentée par l'un ou l'autre côté.

Les jurés ont d'abord à se demander si un crime a été commis. Mary Gallagher a t-elle été mise à mort à Montréal, dans une certaine maison de la rue williams, le 27 juin dernier?

Une enquête du coroner a eu lieu et un verdict de coupable de meutre (sic) a été rendu contre la prisonnière; un nommé Flanagan et le nommé Jacob Myers. Le mari de la défunte a été entendu comme témoin et a reconnu et identifié le cadavre comme étant delui de son épouse.

La preuve du corpus dilecti est donc complète et il est certain qu'un crime a été commis. Le témoignage des médecins viennent encore ajouter à celà et il n'y saurait y avoir de doutes sur ce point.

Un meurtre a été commis et l'état du cadavre démontre que l'on s'est rendu coupable de la plus grande férocité. On pourrait maintenant se demander ce que c'est qu'un meurtre? Mais le savant juge ne croit pas devoir entrer dans les détails d'une longue définition et croit que les jurés savent à qui s'en tenir sur ce point.

La défense a soumis aux jurés qu'ils pourraient choisir entre les trois verdicts et qu'il keur était libre de rendre un verdict de coupable d'homicide involontaire ou bien encore qu'ils pourraient se former l'opinion que l'accusée ne jouissant pas de ses facultés mentales et qu'alors ils pourraient la déclarer: non coupable.

La défense a aussi prétendu qu'il n'avait pas été prouvé qu'il avait jamais existé de haine entre la prisonnière et la défunte. Celà est vrai et nous n'avons rien de tout celà jusqu'au moment où la prisonnnière a prononcé cette terrible phrase: "Il y a longtemps que je cherchais une vengeance et je l'ai enfin obtenu." Cette phrase a été prononcée sous des circonstances très compromettantes pour la prisonnière.

Le juge passe en revue les différents témoignages.

Un témoin a vu, vers les sept heures du matin, la défunte arriver chez la prisonnière en compagnie de Flanagan. Mais il n'y a pas de preuve que Flanagan fût encore là entre 11 heures et demie et midi et demie. Ce même témoin a vu plus tard la prisonnière et la défunte, mais elle n'a pas vu Flanagan. Dans le courant de l'avant-midi, la prisonnière s'est mise à sa fenêtre et insultant les passants, la défunte est venue pour la retirer de la fenêtre et la prisonnière lui a alors dit: "Si tu ne me laisse pas tranquille, je te casserai la tête avec une hache." Une heure après, la femme à laquelle ces paroles étaient adressées, était trouvée morte et son cadavre portait les traces de blessures qui avaient dû être fait avec une hache!

Puis, la femme qui demeurait au-dessous de chez la prisonnière a entendu du bruit; nul doute que ce bruit ne fut occasionné par la chute du cadavre de la défunte. Outre ce bruit d'une chute, on a aussi entendu un bruit qui pouvait être causé par une personne se servant d'une hache, et immédiatement après la prisonnière dit: "Il y a longtemps que je voulais une vengeance et je l'ai eue."

En sorte que les jurés ont la preuve que la prisonnière a fait la menace de de servir d'une hache, que l'on a entendu le bruit d'une chute sur le plancher, que des coups de hache ont été donnés et que la prisonnière a dit que sa vengeance était satisfaite.

Une autre personne était-elle présente avec la défunte et la prisonnière?

C'est ce que nous ne savons pas, et jusqu'a présent il n'existe rien qui  démontre que Flanagan fut alors présent.

Mais supposons même que Flanagan fut alors présent et qu'il faille croire l'accusée, elle exonore complètement Flanagan. Puis, plus tard elle dit qu'il y était, qu'il a commis le crime, mais qu'elle lui a donné l'occasion de se sauver parce qu'il était un joli jeune homme. Plus tard encore, elle dit que c'était un autre homme qui est venu dans la maison et qui a commis le crime.

Si la prisonnière a fait certaines admissions, elles doivent être prises en entier, et si elle a juré faussement lorsqu'elle a donné une déposition sous serment, ces faux témoignages peuvent établir une forte présomption contre elle.

Le savant juge parle longuement du sang qui se trouvait sur le plancher, sur  la hache et sur les hardes de l'accusée et en conclut que c'est une preuve très forte contre la prisonnière. Il est bien vrai qu'on peut se demander avec la défense, quel a pu être le motif de ce meurtre. Dans certaines circonstances il est plus satisfaisant lorsqu'on peut établir le motif du crime, mais celà n'est ni une obligation, ni une nécéssité. Mais dans le cas présent, la prisonnière a elle-même dit qu'elle cherchait une vengeance.

L'honorable juge émet l'opinion qu'il n'a pas été établi d'une manière satisfaisante que l'accusé n'était pas "compos mentis". Il se peut que l'accusée ne jouisse pas d'une intelligence bien brillante, mais il n'a pas été prouvé qu'elle n'avait pas l'usage de ses facultés mentales.

Le juge répudie la prétention que l'ivresse peut excuser le crime et maintient que dans certains cas l'état d'ivresse peut-être une aggravation de l'offense.

Il termine en recommandant aux jurés de donner à l'accusée le bénéfice de tout doute raisonnable et exprime l'assurance que les jurés rendront un verdict suivant la preuve et suivant leur conscience. Puis les jurés se retirent à quatre heures vingt minutes.

La prisonnière a écouté la charge du juge avec un air de parfaite indifférence.

Le jury entre en cour à six heures et déclare Susan Kennedy coupable de meurtre.

La cour s'ajourne à demain matin, à dix heures. Une foule nombreuse emcombrait la salle d'audience.

Suite du procès au Palais de Justice le vendredi 3 octobre 1879 (publié le samedi 4 octobre dans la Minerve).

Présidence de l'Hon. Juge Monk. MM Archambault, C.R., et Devlin, C.R., représentent la Couronne. Son Honneur prend le fauteuil à 10:10 hrs.

Michael Flanagan subit son procès sous l'accusation d'avoir tué Mary Gallagher le 27 juin dernier. MM Coyle et McGibbon défendent le prisonnier.

M. Devlin explique au jury les différentes circonstances relatives au crime, circonstances déjà connues de nos lecteurs, et accuse le prisonnier d'être, sinon le principal assassin, du moins le complice de Susan Kennedy.

Le coroner Jones étant assermenté, dit avoir fait l'enquête sur le corps de Mary Gallagher. La police vint le prévenir du crime vers les 8 heures le 28 au matin. Il se rendit aussitôt à la maison portant le numéro 242 rue William. En arrivant au second étage, il aperçu le cadavre d'une femme gisant sur le plancher. Dans un seau (sic) plaçé près du corps se trouvait la tête et une des mains de la défunte. Le témoin assermenta aussitôt un jury pour faire l'enquête.

Le détective Murphy était arrivé quelques minutes avant lui. L'enquête se termine par un verdict accusant la femme Kennedy, son mari Meyers, et le prisonnier à la barre [Flanagan] d'avoir tué la défunte Gallagher. Il y avait des taches de sang sur le lit où s'était couché le prisonnier.

George Glackmeyer, architecte, montre au jury un plan du second étage de la maison où eut lieu le meurtre.

Le Dr. Guérin dit avoir fait l'examen post-mortem du corps de Mary Gallagher, le 28 juin dernier. Le matin de ce jour le coroner vint le chercher à sa résidence vers les dix heures et demie du matin. Il se rendit à la résidence portant le numéro 242 rue William. En arrivant au secon étage, il vit le cadavre de la victime étendu sur le plancher de la cuisine. La tête et une main de la défunte étaient placées dans un seau près du cadavre. Le plancher était couvert de sang. On remarquait aussi des traces de sanglantes sur la muraille. Sur la demande du coroner le témoin commença l'examen du cadavre. La figure portait plusieurs blessures horribles et qui avaient évidemment été infligées avec une hache. Le corps portait aussi plusieurs blessures et meurtrissures. La défunte semblait avoir été une personne très vigoureuse. Lorsque le témoin fut mandé, il était évident que la mort de Mary Gallagher remontait à plusieurs heures. La mort a dû être causée par l'épuisement amené par la perte de sang. Deux des blessures étaient mortelles.

Le grand connétable Bissonnette produit alors en cour la hache trouvée près du cadavre de la défunte. Cette hache est couverte de sang et de cheveux.

Le témoin dit qu'on lui présenta cet instrument lorsqu'il commença son examen. Il est d'opinion que le ou les assassins s'en servirent pour commettre le crime. Il y avait à peu près quinze blessures sur la tête et le corps de la victime. Le crâne était fracturé à plusieurs endroits. Les témoins ne firent pas l'analyse de l'estomac de la victime. Le témoin  ne peut dire si les assassins se servirent d'autres instruments que la hachette pour tuer la victime.  

Transquestionné par le juge. Le témoin croit que la victime n'avait pas encore rendu le dernier soupir lorsqu'on commença à séparer la tête du tronc.

Transquestionné par M. Coyle. Le témoin croit que la défunte a vécu près d'une demie-heure après avoir reçu les terribles blessures que l'on remarquait sur le crâne; seulement du moment qu'elle les reçut elle dut perdre connaissance.

Ellen Burke, veuve de John Troy, étant assermenté, dépose comme suit: Je demeurais sur la rue William, dans le cours du mois de juin dernier. Vers les six heures et demie, le matin du 27 juin, j'entendis frapper à la porte d'entrée; j'ouvris la fenêtre de ma chambre à coucher et je vis la défunte accompagnée d'un homme dont je ne pus voir les traits. Je refusai de leur ouvrir et Mary Gallagher passa alors par la cour située en arrière de la maison et quelques minutes après je vis qu'on leur ouvrait.

Tous deux montèrent ensuite à l'étage supérieur. Je ne vis entrer aucune autre personne dans la maison durant la journée. Dans le cours de l'avant-midi, la prisonnière [Susan Kennedy] se mit à la fenêtre et elle invita à haute voix les personnes qui passaient à l'aller visiter (sic).

Vers midi et quart, j'entendis un grand bruit, comme aurait la chute d'un corps lourd sur le plancher du second étage. La violence de cette chute, fut, telle qu'un morceau de plafond tomba. Durant une dizaine de minutes, j'entendis ensuite quelqu'un qui semblait fendre du bois.

La prisonnière semblait alors tranquille, car on ne l'entendait plus crier ainsi qu'elle le faisait quelques minutes auparavant. Vers les deux heures de l'après-midi, je vis la prisonnière se pencher à la fenêtre située en arrière de la maison et je l'entendis dire "je cherchais à me venger et j'ai enfin réussi." Elle paraissait être alors sous l'effet de la boisson. Je ne revis ensuite la prisonnière qu'après les quatre heures du soir. Elle descendit alors pour aller remplir d'eau un seau qu'elle portait à la main.

Vers les neuf heures du soir, quelques petits garçons qui s'amusaient à jouer dans la cour, se mirent à dire qu'il y avait un cadavre dont la tête avait été coupée sur le plancher de la cuisine de la prisonnière. Je ne fis d'abord guère attention, car je crus qu'ils plaisantaient. Peu après, mon petit garçon vint me dire qu'il était monté chez la prisonnière et que le plancher était couvert de sang. Je montai alors avec une des voisines et j'appercu le corps d'une femme complètement nu étendu sur la plancher de la cuisine. Je remarquai alors que la tête de la victime était dans un seau. J'avertis M. Harper qui alla chercher la police. La prisonnière semblait alors tranquille. Peu après, la police arriva et constata le crime.

Transquestionnée par M. Coyle. Je sais que la prisonnière ne buvait beaucoup, mais je n'ai jamais entendu dire qu'elle était atteinte d'aliénation mentale.

La prisonnière ne sortit pas de la maison durant la journée, du moins à ma connaissance. Plusieurs familles demeuraient dans les autres parties de la maison.

La cour s'ajourne ensuite à deux heures.

A la séance de l'après-midi plusieurs autres témoignages furent entendus et Son Honneur le juge fit une charge très forte contre l'accusé. Le jury fut ensuite enfermé et à 7 heures le juge prit son siège mais, les jurés ne s'accordant pas, il fallut attendre. Enfin à 9 heures ils se déclarèrent d'accord et rendirent un verdict de "non-coupable" à l'accusation de meurtre.

M. Coyle, l'avocat de la défense demanda à Son Honneur la mise en liberté du prisonnier, mais entendu qu'il y a d'autres accusations portées contre lui, la demande ne fut pas accordée. Son procès doit continuer à dix heures ce matin (cet article de journal rapportant les faits du vendredi 3, le procès de dix heures ici mentionné à lieu le samedi 4).

Dans son édition du lundi 6 octobre 1879 la Minerve rapporte la conclusion et le jugement de cette cause qui se sont déroulés le samedi 4)

Présidence de l'Hon. Juge Monk. MM. Archambault, C.R., et Devlin, C.R., représentent la Couronne.

Sentence de mort!

M. Devlin se lève et demande qu'en conformité aux termes de la loi, la sentence soit prononcée contre Susan Kennedy, trouvée coupable du crime de meurtre.

La prisonnière parait à la barre. Sa contenance est assurée, et elle dit à deux reprises en levant la main droite, qu'elle n'est pas coupable. Elle ajoute aussi que c'est le troisième individu, autrement dit, le capitaine qui tua la femme Gallagher. Elle tente encore une fois de persuader la cour que Flanagan est innocent de l'accusation portée contre lui. Elle murmure aussi quelqu'autres paroles inintelligibles.

Son Honneur s'adresse en ces termes à la prisonnière: -Susan Kennedy, après un long procès, vous avez été trouvée coupable par un jury consciencieux et respectable d'avoir tué l'infortunée Suzan Gallagher (sic). Votre crime a été des plus audacieux.

Vous avez tué votre semblable sans avoir seulement donné à cette pauvre malheureuse le temps de se préparer à paraître devant son Dieu, sans même lui donner le temps de murmurer une dernière prière. Le jury, tout en reconnaissant votre culpabilité, vous a recommandée à la clémence de la Cour.

Il est de mon devoir de vous dire en ce moment, que vous ne pouvez vous attendre à aucune pitié de la part des hommes. C'est pourquoi vous devrez vous adresser à dieu afin d'obtenir votre pardon par votre repentir. Ne vous fiez pas à de vaines espérances, la religion seule peut maintenant vous venir en aide. Efforcez-vous donc pendant le court séjour que vous avez à passer sur cette terre, de mériter, par votre repentir, le pardon du juge Éternel.

La sentence de la Cour, est que vous soyez transférée de cette Cour à la prison commune du district de Montréal et de là au lieu de l'exécution pour y être pendue par le cou jusqu'a ce que mort s'en suive, le 5 décembre prochain, et que Dieu ait pitié de votre âme.

En entendant la terrible sentence, la prisonnière pâlit légèrement, puis s'écria «Je ne suis pas coupable, et Flanagan est pareillement innocent.»





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