De
par la rue Murray, il y a cette maison modeste d’ouvrier qui se
tient aujourd’hui là comme dans le temps, ce temps où tout était différent.
C’était avant l’automobile poussive et les camions tonitruants
alors que le facteur vous connaissait et s'arrêtait parfois pour piquer jasette, une minute peut-être plus.
La
maison ne faisait pas dans la fioriture. Avec ses linteaux en brique
elle était coiffée d’une corniche en bois ouvré qui servait à
lui donner un peu de cet air coquet et distingué. C'était là tout ce qu'elle pouvait se permettre. Un tout petit balcon, tout
juste assez grand pour y mettre la chaise berçante, donnait sur la rue. Il faisait
sûrement bon se dodeliner dessus après avoir trimé et sué toute la journée,
peut-être en fumant une pipe de terre cuite au son des sabots de
chevaux qui passaient et des moineaux, juste au-dessus, qui
logeaient là où ils le pouvaient.
Aujourd’hui
il n’y a plus d’ouvriers et presque plus de ces usines aux
cheminées cracheuses d’encre. Même le balcon est parti on ne sait
où et bien que vide, la vieille dame de brique se dresse encore là
comme au jour de sa naissance en se demandant bien ce qui va lui
arriver alors que le quartier change et mue peut-être un peu trop
vite à son goût.
Le
saviez-vous? Au début des années 60 le maire Drapeau s’est
arrangé pour faire changer le zonage de Griffintown pour le faisant
passer de résidentiel à industriel. Monsieur le maire n’appréciait
pas les vieilles choses et encore moins les vieilles dames de brique à corniches. Encore s’en est-il fallu de peu pour que toutes les
maisons du quartier y passent. Aujourd’hui elles ne sont plus
qu’une poignée ici et là pouvant raconter ces histoires du temps
jadis qu’on a un peu oublié.
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