mardi 7 janvier 2014

Le bon docteur Lamoureux



Il fut un temps, à une autre époque, où il se trouvait un peu partout en ville, des médecins qui non seulement visitaient les patients chez-eux mais qui les recevaient également dans leurs propres cliniques, souvent aménagées à même leurs domiciles. C’est le cas du docteur Étienne Lamoureux dont il est question aujourd’hui. Après avoir gradué de la Faculté de médecine, peut-être McGill ou encore celle de l’Université de Montréal, le docteur Lamoureux a ouvert sa pratique en 1910 au 525 Frontenac, tout juste à la limite ouest du faubourg Hochelaga et jouxtant, de ce fait, le faubourg Ste-Marie. L’adresse, 525, donnait un peu nord de la rue Forsyth, devenue la rue de Rouen par la suite. Il s’agit évidemment de l’ancienne numérotation civique, laquelle a changé du tout au tout lors de la grande révision faite par la ville de Montréal dans les années 20 et 30.

À cette époque le faubourg Hochelaga, au nord de Forsyth, n’étaient encore qu’une grande étendue de lots et terrains vacants et les rues comme Hochelaga et Sherbrooke appelaient encore à venir. Il s’agissait d’anciennes terres agricoles, celles des familles Aylwin, Léveillé, Delisle et Valois, entre autres et qui partaient du fleuve pour monter jusqu’aux environs de la rue Nolan, actuelle rue Rachel. Ces familles avaient délaissé l’agriculture et leurs terres se sont par la suite retrouvées loties afin d’être développées, ce qui n’avait pas manqué d’attirer quantité de spéculateurs et investisseurs immobiliers. Mais nous ne sommes qu’au début du vingtième siècle et le développement prendra plusieurs dizaines d’années à se concrétiser.

En attendant tout cela le docteur Lamoureux considère se relocaliser, possiblement pour élargir sa clientèle et de ce fait réaménage son bureau en 1912 dans la ville de Maisonneuve au 826 Ontario, selon l’ancienne numérotation et qui a changé, plusieurs années plus tard lors de l’annexion avec Montréal, pour le 3897. Il s’agit d’un bâtiment  construit en 1910 selon un modèle en vogue à cette époque pour une rue commerciale.

La ville de Maisonneuve, fondée en 1883, semble alors avoir le vent dans les voiles. Là aussi de grandes terres agricoles sont loties et sur quantité d’entres elles on construit non seulement des maisons mais aussi des usines diverses. On retrouve, entre autres, les manufactures Watson, Foster & Co., McDermott Shoe, King Paper Box, Johnson & Johnson, Poliquin & Gagnon, Dupont & Frères, Air Liquide, James Muir & Co. ainsi que l’American Can, pour n’en nommer que quelques unes. Pour le docteur Lamoureux la forte présence ouvrière de Maisonneuve garantit une clientèle pratiquement assurée car non seulement les blessures dans les manufactures sont monnaie courante mais la démographie de Maisonneuve est alors en pleine expansion. En ce début du 20è siècle, malgré un taux de mortalité infantile relativement élevé, les familles de dix enfants et plus ne sont pas rares. D’ailleurs, lorsque Maisonneuve devient un quartier en bonne et due forme, la population s’élève à 31 763 habitants. Le déménagement sur la rue Ontario est donc un choix judicieux. Le docteur Lamoureux n’est pas le seul médecin du coin, de loin s’en faut, mais sa présence a certainement contribué non seulement à soigner quantité de gens mais aussi à sauver la vie de quantité de bambins. Au fil des ans, très certainement aidé de son épouse Angèle, le bon docteur continue de s’occuper de la santé de ses patients. Peut-être, lors de l’incendie du Laurier Palace en 1927, a-t-il fait partie des médecins qui sont accourus sur place pour porter secours aux enfants? Nul ne le sait. Ce que l’on sait par contre c’est que le docteur Lamoureux a continué de pratiquer à son domicile jusqu’en… 1973, année où il n’apparaît plus dans les registres du Lovell. Du reste, son épouse Angèle n’apparaît pas non plus. Cela ne veut pas pour autant dire que le docteur Lamoureux est décédé pour autant. Peut-être a-t-il tout simplement décidé de prendre sa retraite dans la campagne avec son épouse et d’y couler là des jours paisibles, loin du tumulte urbain? Peut-être est-il retourné dans son village natal et qu’il a ultimement été enterré dans le cimetière local? Nul ne le sait.

Entretemps Hochelaga-Maisonneuve a changé, ses usines ont largement fermé leurs portes et la population s’est diversifiée et les soins de santé sont maintenant assurés par des cliniques médicales. Tout ce qu’il reste de la présence du docteur Lamoureux dans le quartier est cette enseigne qui surplombe toujours la porte d’entrée de son ancienne clinique. Peut-être que le propriétaire des lieux songera t-il à la préserver? C’est certainement à espérer. Le docteur Lamoureux n’a pas inventé de grands remèdes ou médicaments mais il a été, pour plusieurs générations, une présence rassurante pendant 63 ans, soit à son bureau ou encore lorsqu’il arrivait au domicile de ses patients et qui devaient sûrement être bien contents de le voir arriver. Lorsque le docteur Lamoureux a commencé sa profession le premier vol plané des frères Wright ne datait que de quelques années et lorsqu’il a cessé la pratique les missions Apollo étaient choses du passé. 

Coïncidence tout à fait particulière et parfaitement innatendue; l'ami photographe Alain Roberge m'a avoué avoir habité dans cette maison durant les années 90. Un intérieur magnifique qui comptait pas moins de onze pièces réparties sur deux étages et jointes par un magnifique escalier. 




Le saviez-vous? Puisqu'il est question de médecine, toutes les cellules qui vous composaient à votre naissance n’existent plus depuis longtemps et chaque année 98% des atomes de votre corps sont remplacés.

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