Aujourd'hui, je vous propose une photo d'époque, tirée tout droit des archives familiales. Il s'agit de la maison que ma famille a occupée de 1945 jusqu'en 1975. Sise au coin des rues Hochelaga et Aylwin, cette maison a prit plus d'un an a être construite en raison des restrictions imposées par l'effort de guerre sur plusieurs matériaux, dont ceux de construction. Cette maison, comme d'autres qui poussaient aux alentours, a été bâtie sur un lot vierge. Il s'en trouvait d'ailleurs un bon nombre surtout au nord de la rue de Rouen. Le lotissement était classique; très peu d'espace à l'avant et cour arrière donnant sur la ruelle. Notre maison, étant sur un coin, donnait donc tant sur la ruelle que sur la rue Aylwin.
C'était une maison solide avec fondation en béton, agencement agréable de pierres aux formes irrégulières pour le rez-de-chaussé et brique commune pour le premier étage. Le rez-de-chaussé comportait 6 1/2 pièces ainsi qu'un sous-sol (communément appelée «la cave») où se trouvait, entre autres, la fameuse chambre à fournaise. À l'origine celle-ci fonctionnait au charbon et la chambre à charbon, adjacente, servait justement à l'entreposage de ce combustible. Cette pièce a conservé le vocable de «chambre à charbon» même après que la fournaise, durant les années 60 de mon enfance, ait été convertie pour utiliser de l'huile. La fournaise alimentait cinq calorifères en fonte répartis dans la maison et chose certaine, on ne grelottait nulle part même durant les plus froids moments de l'hiver. Le calorifère de la cuisine comportait un détail amusant; il se trouvait dans sa partie supérieure un petit robinet et mon grand-oncle Henri s'en servait parfois pour remplir sa tasse d'eau bien chaude pour ensuite y tremper son thé. La cave comportait également un plancher bétonné avec un drain. L'intérieur de la maison était bien divisé et il n'y avait aucun espace perdu. Les murs étaient en plâtre appliqué sur lattes de bois avec motifs décoratifs. Les portes étaient en bois verni avec moulures appliquées et munies de belles poignées en verre. Celles menant au salon, quant à elles, étaient serties de carreaux de vitre finement biseautés. Au premier étage il se trouvait deux appartements comptant 3 1/2 pièces chacun. Aujourd'hui le mur mitoyen a été abattu et les deux logements forment un loft.
En 2007 je suis retourné à cette maison et le propriétaire m'a alors gentiment, et bien gracieusement, offert de revisiter l'intérieur. Cela a certainement été un brin étrange. Les dimensions, bien entendu, me semblaient plus étroites, résultat de ma vision d'enfance où j'étais haut comme trois pommes et où tout me semblait bien grand. Mais c'est surtout la dimension humaine qui est venue me labourer; le souvenir de gens aujourd'hui disparus; mes grands-parents et mon grand-oncle. Petit pincement au cœur.
En outre, j'ai été agréablement surpris de constater que malgré quelques rénovations, peu de choses avaient changé. Les portes et leurs poignées de verre et les portes aux carreaux de vitre biseautés étaient toujours là, aussi belles qu'autrefois. Au sous-sol même le papier peint posé au milieu des années 50 était toujours là. Certaines choses toutefois avaient dues être changées, comme la vieille fournaise à l'huile, remplacée par quelque chose de plus contemporain, plus efficace et aussi plus économique. Au salon le propriétaire a profité de ma présence pour résoudre une énigme; sur le mur, m'a-t-il dit, se trouvent trois interrupteurs. Nous savons ce que les deux premiers font mais pas le troisième. À quoi sert-il? Il espérait bien que je lui donne une réponse car il était bien curieux de savoir. Il ne m'a suffit que d'un coup d'œil rapide au salon. Sur le mur, lui ai-je dit en pointant de la main, se trouvaient deux luminaires dont les fils étaient encastrés. Un jour on a décidé de les enlever, de boucher les trous et peinturer. Approximativement ici et là, si vous percez le mur, vous aller fort probablement trouver les fils qui s'y trouvent encore.
Dehors, en terminant la visite, le propriétaire et moi avons marché sur le trottoir longeant la maison et où se trouve une ceinture d'arbustes qui va de la rue Aylwin jusqu'à l'entrée sur Hochelaga. Là, au coin, se trouve un bout où les arbustes ne poussent pas. Il se trouve là une explication amusante. Pour une raison qu'il est pratiquement impossible à expliquer, quantité de véhicules sont venus percuter le coin de la maison au fil des ans. Le dernier dont je me souvienne, en 1974, était un camion de Coca-Cola. À chaque fois que les arbustes semblaient vouloir repousser, pouf! un autre véhicule arrivait pour cogner le coin. Puis, probablement parce la Nature a compris que c'était parfaitement inutile, plus rien n'a poussé à cet endroit précis. La cour arrière a subi quelques modifications afin d'aménager un espace de stationnement. Le propriétaire m'a avoué qu'en faisant des travaux de réaménagement dans la cour il a trouvé, en creusant, un bon petit lot de voitures Matchbox qu'il n'a évidemment pas conservé.
À peu de choses près, le secteur n'a que bien peu changé. La bonne vieille taverne Morelli est toujours en face, tout comme la buanderie, tout juste à côté. Sur le coin opposé de notre maison, le commerce de variétés Raymond (l'ancien commerce de monsieur Chénier dont je vous ai parlé ici) existe toujours quoiqu'il s'agisse aujourd'hui d'un dépanneur dont le propriétaire a évidemment changé. En face, où se trouvait la station-service Fina, il y a une pharmacie et une clinique médicale. Plus loin à l'est, Dominion Automobiles a été remplacé par l'édicule sud de la station Joliette, que j'ai vu construire. Quant à l'édicule nord c'était Dupuis Marine, où l'on vendait des bateaux. D'autres commerces aussi ont disparu, comme le cordonnier au coin de Joliette et Hochelaga.
Le saviez-vous? Le nom Hochelaga provient d'une bourgade iroquoienne (aucun lien avec les Iroquois) située près du mont Royal et que Jacques Cartier avait visité en octobre 1535. Encore aujourd'hui il n'y a pas de consensus quant à la localisation exacte de ce village puisqu'il a été abandonné vers 1600. Une plaque commémorative a toutefois été placée à gauche de l'entrée principale de l'université McGill.
Comme une agréable nostalgie me rappelant que notre environnement de l'époque fut imprégné de ce "QUI" nous étions vraiment....jouez dehors, courir, construire avec peu, bricoler plein de trucs, etc. Aujourd'hui c'est le ce "QUE" nous sommes qui devient la norme, le standard d'être, et ce dans une société qui ne valorise que l'instant d'un clic, d'un cliché. Nos jouets sont devenus i-quelque chose, Inta...., Face..... et on a délaissé la musique, le petit microscope de chambre, le dessin, l'écriture au profit d'une pseudo technologie, le tout Made in China....ça coûte moins et ça paye moins.
RépondreEffacerEnfin continuez à entretenir votre belle mémoire car elle m'a permis de me poser et de me remémorer moi aussi cette agréable nostalgie de mon enfance et comme quoi hein !