Intéressante
image d’époque que celle-là. Nous voilà pif-poil dans le
stationnement du centre d’achats Van Horne, qui existe toujours, et qui est situé sur l’avenue du
même nom. William Van Horne est cet énergétique américain de l’Illinois
qui fut embauché en 1882 par le Canadien Pacifique à titre de
directeur général et dont la tâche fut de voir à la construction
du chemin de fer transcontinental.
De
retour à la photo. Donc, nous sommes dans le stationnement du centre
d’achats Van Horne mais en quelle année? Ah, ben ça c’est une
question intéressante. Y’a tout un tas de petits détails qui
peuvent nous aider. Bien sûr les commerces fournissent quelques
indices mais souvent ils avaient pignon sur rue pendant quelques
années et c’est le cas de ceux qui sont là. Tenez, tout juste à
gauche on retrouve Duskes Hardware pour tous vos besoins en
ferronnerie et outils. Tout juste à côté c’est le magasin de
chaussures Lewis & Sons jouxté du nettoyeur Paul Services.
Ensuite c’est une succursale de la Banque Royale. C’était
évidemment l’époque bien avant l’arrivée des guichets
automatiques alors pour dépenser votre argent fallait penser à en
retirer suffisamment au guichet, et bien sûr, posséder un compte à
cette banque. Pour les p’tits n’enfants la boutique The Play Pen
est là pour eux avec tout un assortiment de jeux et de jouets. Les
chaussures Bata suivent ainsi que Heft’s où l’on vend des
vêtements pour hommes. Pour les dames c’est le magasin suivant,
Reitman’s. C’est bien beau amuser les enfants mais faut les
habiller alors c’est chez Scheffer’s Kiddies Shop qu’il faut
aller. Vous avez un p’tit creux? Pourquoi ne pas vous arrêter au
déli Brown’s Derby pour un bon sandwich à la viande fumée? Et
pour tous vos besoins en tabagie United Cigar Stores est là tout
juste à côté. Et le dernier et non le moindre, complètement au
fond, c’est le magasin à rayons Woolworth.
D’accord,
tout ça est bien beau mais nous ne savons toujours pas en quelle
année nous sommes. Continuons de regarder la photo. Tout juste à
l’avant on peut voir une voiture s’avancer. Il s’agit d’un
Dodge Coronet 1958 quatre portes. Alors nous serions donc en 1958?
Pas
si vite.
Il
se trouve d’autres voitures. Voyons voir. À gauche ça ressemble à
un Plymouth 1956 alors que la décapotable derrière fait penser à
un Oldsmobile 98 de 1958 suivi d’un Chevrolet Bel Air 1960 et d’un
Chevrolet 210 4 portes 1955. À droite y’a un Volkswagen Beetle
mais bon, peu importe l’année les Beetle n’ont à peu près pas
changé. Alors, c’est en 1960 ou 1962? Il
se trouve un autre indice pour définir l’année : la plaque
d’immatriculation. À l’époque les voitures du Québec se
devaient d’en avoir une à l’avant.
Qui plus est, fallait changer de plaques à chaque année. Donc, si
on regarde la photo, on peut voir que la plaque comporte des
caractères clairs sur fond foncé. Les plaques de 1958 et 1961
avaient des caractères noirs sur fond blanc, ce qui élimine ces
deux années. Pour l’année 1959 les caractères étaient noirs sur
fond jaune, donc ce n’est pas celle-là non plus. 1960? Ah, voilà
une possibilité puisque les plaques de 1960 avaient des caractères
jaunes sur fond bleu. Mais un instant; celle de 1962 était similaire
mais avec des caractères blancs sur fond foncé. La réponse se
trouve peut-être dans la luminosité de la plaque. Le soleil, à
l’ouest, éclaire bien le Dodge incluant la plaque
d’immatriculation. Voyons de quoi ont l’air les plaques de 1960
et 1962 en noir et blanc comparées à la plaque du Dodge :
La
plaque de 1960, comme on peut le voir, est beaucoup plus similaire à
celle du Dodge. De plus, comme on ne voit sur la photo aucune voiture
1961 ou 1962, l’échantillonnage n’est pas élevé mais tout de
même, je serais néanmoins porté à dire que nous sommes en 1960,
durant l’été (les gens portent des chemises à manches courtes à
l’arrière) vers l’heure du souper, comme en
témoigne l’ombrage de la voiture.
Alors
si nous sommes durant l’été de 1960 que se passe-t-il? Au
printemps on espérait que Montréal puisse être choisie comme
ville-hôte pour l’Exposition Internationale et Universelle de 1967
mais c’est Moscou qui est sélectionnée, ce qui coïncide
incidemment avec le 50è anniversaire de la Révolution bolchévique
de 1917. Les amateurs de hockey peuvent au moins se réjouir puisque
cette année encore les Canadiens de Montréal ont gagné le fameuse
coupe Stanley, la 12è de leur histoire. On se prépare toutefois à
la retraite du grand Maurice Richard.
Depuis
le 22 juillet les Québécois ont un nouveau gouvernement, Libéral
celui-là, et dirigé par Jean Lesage. L’ancien journaliste René
Lévesque se voit offrir le portfolio du ministère des Travaux
publics et Ressources hydrauliques. Pendant ce temps, Jean-Paul
Desbiens met la dernière touche à son manuscrit intitulé
Insolences d’un frère Untel. De certains disent que le livre en
devenir risque de créer pas mal de remous, surtout en ce qui
concerne l’éducation.
Le
saviez-vous? À Moscou on était bien content d’avoir pu obtenir
l’Exposition Internationale et Universelle de 1967 mais le plaisir
fut de courte durée puisque la ville se désista au printemps de
1962. Montréal présenta de nouveau sa candidature et cette fois la ville fut choisie le 13 novembre 1962. Pas le temps de chômer puisqu’il
ne restait à ce moment-là qu’à peine cinq ans pour choisir une équipe de direction, tout
concevoir, publiciser et construire. Et en passant, cet article est mon 700è.