samedi 20 juin 2015

1974

1974. L'été de mes huit ans. À cette époque j'habitais le quartier Hochelaga, à un jet de pierre de la station de métro Joliette, laquelle n'était pas encore construite. Ce qui allait éventuellement devenir l'édicule sud de la station était un petit concessionnaire de voitures usagées, alors qu'au nord, c'était des bateaux qu'on y vendait. 

La cour arrière de la maison avait quelque chose de rare dans le coin: du gazon. Beaucoup de gazon. Et c'est ce qui faisait que ma cour était pas mal notre quartier général, à mes amis et moi. J'me souviens bien d'eux; Alain qui restait un peu plus bas sur la rue, Patrick, qui lui habitait juste de biais, de l'autre côté de la rue. Et entre les deux, y'avait Simon. Notre réservoir d'imagination pour jouer était toujours plein à ras bord. 

Une boite de frigo vide trouvée dans la ruelle devenait une capsule spatiale pour voyager dans l'espace. Le dessous du balcon devenait une maison hantée, où l'on collait au mur différents dessins d'épouvante que l'on avait rayonné. C'était aussi les très sérieuses sessions d'échanges de petites voitures, où l'on négociait avec tout le sérieux des joueurs de poker. Et des fois, on jouait aux cow-boys dans la ruelle avec d'autres enfants, dont certains que l'on ne voyait que pour la première fois. On s'élançait, revolvers à la main et avec une bonne provision de pétards, et on inventait toutes sortes d'histoires de hold-up, de vol de diligence, jouée par une barouette. S'ennuyer? On ne connaissait pas ça.

Mon revolver à pétards du temps, que j'ai conservé. Il a encore bonne gueule, vous trouvez pas?

Hochelaga c'était un quartier ouvrier, pas nécessairement pauvre, mais pas riche non plus. Plusieurs cours arrière n'avaient même pas une petite bande de gazon. Les espaces restreints servaient de stationnements pour les voitures. Au-dessus, les cordes à linge. Nombreuses. C'est de là que les mères de familles, en bigoudis toujours, s'échangeaient les derniers potins du quartier. C'était le réseau social du temps. Sur l'heure du midi, ou environ, on les entendait appeler leur marmaille respective pour le dîner. Viens t-en, j't'ai faite des sandwichs au baloney avec des chips au ketchup! 

Également nombreux, les hangars de tôle qui, dans leur crochitude, ressemblaient souvent à des courtepointes de fer blanc et de tôle rouillée, où s'entremêlaient des affiches métalliques d'épiceries, glanées dans les ordures, et que les gens clouaient pour remplir un trou. Et ces épiceries, justement, où l'on entrait par la porte arrière, les bras chargés de bouteilles vides que l'on avait trouvées ici et là. Avec un peu de chance, ça nous donnait quinze, où même vingt cennes de bonbons. De quoi toffer pendant un bout. 

C'te monde-là, c'est le décor d'arrière-plan de mon enfance. J'ai toujours trouvé dommage de ne pas avoir de photos de ce temps-là, dans la cour, dans la ruelle avec mes amis. Heureusement, il se trouve un p'tit bout de film réalisé en 1974 par l'ONF: "Paow, paow, té mort!". C'te p'tit bijou de film été tourné à quelques rues de chez-moi, et je pourrais jurer y avoir reconnu quelques visages. Quand je vous racontais plus haut nos jeux de cow-boys, eh ben avec ce film, vous y êtes! Donc, si vous voulez avoir un p'tit aperçu des été de mon enfance, c'est ici!

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