Vers
la fin du siècle dernier a eu lieu à Montréal, dans le quartier
Griffintown, l'un des meurtres les plus sordides de son
histoire: l'assassinat sauvage de Mary Gallagher. Cette histoire
dont le procès a été largement médiatisé dans les journaux de
l'époque a acquis au fil des années un statut quasi légendaire. Je
ne m'attarderai point ici à ces prétendues apparitions spectrales
de la défunte qui, je le crois bien, appartiennent davantage au
folklore qu'à la réalité, et c'est cette réalité que je
compte explorer ici. Toutefois, je tiens à avertir tous et
chacun que les détails de ce crime pourraient certainement en
rendre plus d'un mal à l'aise. La discrétion du lecteur est
donc ici fortement avisée.
Alors,
qu’en est-il donc de cette histoire?
Nous
sommes le vendredi 27 juin de l'année 1879 dans le quartier
Griffintown, au 242 de la rue Williams près de la rue Murray.
Helen Troy est une veuve qui habite, avec son fils John âgé de
13 ans, au rez-de-chaussée d’une maison en délabre et loue le
deuxième étage à un couple; Susan Kennedy et Jacob Myers
(mais donc le véritable nom de famille est Mears). Les deux
appartements partagent la même porte d'entrée ainsi que la
même adresse.
Il
est quelque peu passé midi en ce vendredi lorsqu’Helen Troy entend
du vacarme en haut. Ce n'est pas la première fois que ça se
produit car Susan Kennedy qui habite là est réputée pour
prendre un coup solide et d'avoir durant ces moments tout un
caractère. Mais cette fois il y a quelque chose de
différent, surtout lorsqu'un bruit sourd survient, quelque
chose vient de tomber sur le plancher avec une telle force que
le plâtre du plafond se brise à deux endroits différents. Ce
n'est pas le bruit que ferait un meuble ou de la vaisselle mais
bien celui d'un corps qui tombe. Puis, pendant une dizaine de minutes
se fait entendre le bruit caractéristique de quelqu'un qui fend
du bois. Pour Helen Troy s'en est de trop. Elle quitte sa maison pour
aller directement au poste de police situé non loin au square
Chaboillez où elle raconte le tout.
Le
constable Neal McKinnon effectue sa patrouille à pied lorsqu'il
aperçoit un attroupement devant le 242 William. La rumeur court
dans tout Griffintown qu'un meurtre venait d'y avoir lieu. Pour
McKinnon pas question d'entrer là-dedans tout seul et il s'enjoint
deux autres policiers soit les constables Reilly et Bélanger.
Ils arrivent devant la maison, se fraient un chemin au travers
les curieux et montent à l'étage afin de savoir ce qui s'est
réellement passé. Ce qui les attend n'est rien de moins qu'une
vision d'horreur à glacer le sang même des plus endurcis. Là,
sur le plancher de la cuisine tout près du poêle, git le corps
décapité d'une femme presque nue et dont la tête, déposée
dans un sceau tout près, semble les regarder directement de ses
yeux encore ouverts. Au sol, une mare de sang s'étend sur
presque toute la largeur de la cuisine qui faisait presque 16
pieds. La victime est initialement identifiée sous le nom de
Kate Conway mais on établira par la suite qu'il s'agit bel et
bien de Mary Gallagher. L'insoutenable scène est telle que les
policiers doivent combattre un épouvantable sentiment de
nausée. Dans la pièce d'en avant, étendue sur le lit ils
trouvent Susan Kennedy, celle qui loue le misérable deux pièces
avec son mari Meyers. Kennedy porte plusieurs couches de
vêtements qui sont tous maculés de sang. Elle est visiblement sous
l'effet de la boisson et les policiers tentent, non sans difficultés,
de la réveiller. Sommée d’expliquer ce qui s’est passé
celle-ci dément formellement être responsable du meurtre et
accuse plutôt un certain capitaine qui aurait quitté les lieux
depuis un bout. On procède néanmoins à l’arrestation de
Kennedy et on l'emmène au poste de police situé sur la rue Young.
On procède également à l'arrestation de Michael Flanagan,
lequel s'était trouvé sur les lieux ainsi que du mari de Susan
Kennedy, Jacob Meyers. La nouvelle du meurtre fit l'effet d'une bombe
dans les journaux de Montréal et partout en ville on ne parla
que de cette affaire.
La
scène du crime fut visitée en soirée par le chef de la police de
Montréal Hercule Paradis accompagné du détective Cullen et
ils trouvèrent sur place une hache pleine de sang sur laquelle se
trouvent encore des morceaux de cheveux. Aussi invraisemblable que
cela puisse paraître le corps est toujours sur place et on peut
(mais préférablement pas) s'imaginer l'odeur épouvantable qui
doit régner car, faut-il le rappeler, nous sommes en plein été. Le
corps de Mary, ainsi que sa tête et sa main, sont laissés sur
place jusqu'au lendemain où un coroner viendra procéder aux
observations d’usage.
Ce
coroner est James John Guérin, un jeune homme fraîchement diplômé
de la Faculté de Médecine de l'Université McGill. Il arrive le
samedi matin dès dix heures et procède sur place à l'autopsie
du corps de Mary. Une fois l'examen du corps terminé il est emporté
au cimetière Notre-Dame-des-Neiges où il est vulgairement
enterré dans une fosse commune sans autre cérémonie et sans même
avoir été béni. Le prêtre qui s'était rendu à la maison sur la
rue William, un certain Patrick Quinlivan, avait refusé de
faire puisque Mary était, faut-il le rappeler, une prostituée. Le
procès avec jury débute le mardi 30 septembre au Palais de Justice
de Montréal. Il faut noter ici qu'il s'agit du bâtiment situé sur
le côté sud de la rue Notre-Dame tout juste à côté de
l'Hôtel-de-Ville. Agissant pour la Couronne, Me Bernard Devlin alors
que la défense de Kennedy est assuré par Me Donald McMaster et
Me James Greenshields. Présidant le tout, le juge Samuel
Cornwallis Monk.
Le juge Monk
(Crédit photo: Musée McCord)
Pour
la Couronne l'assassin il ne fait nul doute que l’assassin n’est
autre que l'accusée Susan Kennedy alors assise dans le box des
accusés. Les témoins sont questionnés et transquestionnés (terme
de l'époque connu aujourd'hui sous le nom de contre-interrogatoire)
par les avocats Devlin, McMaster et Greenshields. Le procès
prend fin le mercredi 1er octobre. Le jury ne parvient pas à
s'entendre sur le verdict mais y parvient plus tard et déclare
alors Susan Kennedy coupable du meurtre de Mary Gallagher. Le juge
Monk annonce alors à la condamnée qu'elle sera pendue jusqu'à
ce que mort s'en suive le 5 décembre. Le
vendredi 3 octobre, toujours sous la présidence du juge Monk mais
avec un nouveau jury, à lieu le procès de Michael Flanagan que
l'on finit par déclarer non-coupable et Flanagan sort donc du
Palais de Justice en homme libre. La peine de mort prononcée contre
Kennedy est subséquemment commuée en peine de prison et on la
transfère au pénitencier pour femmes de Kingston en Ontario. Elle y
décède le 27 juillet 1890, possiblement de la tuberculose.
Quant
à Michael Flanagan, qui avait été acquitté de toute participation
au meurtre de Gallagher, un destin presqu'irréel lui est
réservé. Le 5 décembre 1879, alors qu'il était affairé à
charger un bateau sur les abords du canal Lachine, il perd le
pied et se heurte la tête sur le bord du navire pour ensuite tomber
à l'eau où il se noie. Il est enterré le jour suivant au
cimetière Notre-Dame-des-Neiges.
Ce n'est pas la façon dont il est décédé qui frappe l'imagination mais bien la date, soit le 5 décembre 1879, celle à laquelle Susan Kennedy devait monter sur la potence pour y être pendue. Cet incident étrange fera dire à plusieurs personnes de l’époque que si Flannagan a échappé à la justice des hommes il n’a pas échappé à celle de Dieu. D’autres ont prétendu que c’est le fantôme de Mary Gallagher qui s’est rendu justice en punissant le véritable coupable, ce qui n'a pas manqué d'apporter à cette histoire une trame surnaturelle. D'ailleurs, nombreux seront ceux qui affirmeront sur leur honneur avoir aperçu, au coin de Murray et William, le fantôme de Mary cherchant sa tête.
L'emplacement de Flanagan au cimetière: Section N, Lot: 00764
Au
moment d'écrire ces lignes il s'est passé exactement 131 ans depuis
ce drame et encore aujourd'hui je crois qu'il y a certainement
lieu de se demander si le procès a permis de véritablement
faire toute la lumière sur cette ténébreuse affaire. Susan
Kennedy a répété durant le procès que le véritable meurtrier
était un capitaine de navire qu'elle avait laissé s'enfuir
parce qu'il était, disait-elle, un beau garçon. La première
personne à voir la scène du crime le 27 juin 1879 fut John, le
fils d'Helen Troy, la veuve qui habitait en bas et qui louait le
deuxième à Myers et Kennedy. Celui-ci dit qu'il avait vu deux
hommes; un étendu sur le lit près de Kennedy (possiblement
Flanagan) et un autre endormi sur la table de cuisine. Pourtant
John (possiblement à cause de son jeune âge) ne fut pas appelé
comme témoin et son témoignage aurait été certes important,
voire crucial.
Alors
qui était cet homme endormi sur la table de cuisine? Était-ce ce
capitaine de navire dont Kennedy parlait? Aurait-il lui-même
tué Mary? D'un côté le coroner Guérin affirma que les coups
de hache manqués ne faisaient aucun doute que la victime avait
été tuée par une femme car aucun homme n'aurait pu faire cela
de façon aussi malhabile. Guérin ajouta que Gallagher avait
été rendue inconsciente à la suite d'un coup très solide au
visage. En effet, dit-il, les os du nez étaient non seulement
cassés mais complètement écrabouillés dans le crâne. Kennedy
n'aurait pu y parvenir sans aide. Quant au chef de police Hercule
Paradis, qui avait lui-même visité la scène du crime le 27 juin
dans la soirée et interrogé Kennedy, a affirmé que Gallagher était
une femme physiquement forte et qu'il aurait été impossible pour
Kennedy de tuer Gallagher toute seule.
Comme
on peut le voir, on se rend compte qu'il demeure dans cette
affaire bien des questions en suspens. A-t-on condamné la
mauvaise personne? Aurait-on dû forcer Kennedy à dévoiler
l'identité de ce fameux capitaine dont elle ne cessait d'en
imputer le crime? Est-ce que Flanagan était aussi innocent dans
cette histoire qu'il le prétendait? Car, faut-il l'avouer, la
Cour ne put se baser que sur le témoignage de Flanagan. Est-ce
que l'étude des empreintes digitales (technique qui n'existait
pas en 1879) aurait permis d'en savoir davantage sur
l'assassin?
Maintenant
qu'en est-il de l'endroit où le crime eu lieu?
Mary
Gallagher fut assassinée, tel que l'on a pu le voir, au 242 de la
rue William, près de Murray. Son emplacement peut varier d'un
article à l'autre. Selon certains, la maison était tout juste
au coin sud-ouest de l'intersection Williams et Murray. Toutefois,
une consultation dans l'Atlas des rues de Montréal nous apprend que
le 242 William n'était pas au coin de Murray mais se trouvait
plutôt à être la deuxième maison à l'est en partant de
Murray.
De
plus, le plan du deuxième étage de la maison, réalisé et produit
en Cour par l'architecte George Glackmeyer démontre qu'il y
avait deux fenêtres à l'avant et deux à l'arrière mais
aucune sur le côté.
Qu'en
est-il donc aujourd'hui? Il n'y a plus de maison et l'endroit
est aujourd'hui un stationnement. Mais en regardant attentivement on
peut se rendre compte que les fondations originales sont toujours
visibles sous l'asphalte du terrain. Sur place, on ne peut que
constater que l'endroit où vivait Kennedy était très petit,
surtout en imaginant la division séparant la chambre de la cuisine.
Comment diable Flanagan n'a rien aperçu en sortant est assez
surprenant en soi.
L'emplacement approximatif du lieu du meurtre vu des airs.
L'emplacement approximatif, encore une fois, mais vu du trottoir. Les fondations sont visibles. Ajoutez dans cet emplacement l'escalier, la chambre et la cuisine et vous avez une idée de la grandeur relativement restreinte de l'appartement.
Mon passage à l'émission Dossiers Mystère à Canal D où je fus interviewé pour l'épisode sur Mary Gallagher.
Mon intervention à la fin de l'épisode où je me trouve sur l'emplacement de la maison où Mary fut assassinée. J'en profite pour parler de la présence des fondations de la maison ainsi que des changements que Griffintown a connu au fil des ans.
Je serais néanmoins très curieux de savoir quelle serait l'issue d'un tel procès s'il aurait eu lieu aujourd'hui mais une chose est certaine, je crois que cette histoire restera toujours nébuleuse et que bien des questions demeureront sans réponses. Aussi, pour ceux que celà pourrait intéresser, voici une transcription que j'ai faite du procès à partir des articles de La Minerve.
Première nouvelle de l'assassinat de Mary Gallagher (qui fut faussement identifiée au début comme étant Kate Conway) tel que décrit dans La Minerve, édition du 28 juin 1979.
* * *
Au No. 242, rue Williams, de cette ville, habite un nommé Jacob Myers, dont la femme avait pour compagne Suzanne Kennedy, agée de 30 ans environ, d'origine américaine. D'une stature colossale et adonnée à la boisson, Susanne Kennedy passait une partie de la journée en société de la femme Myers.
Vers dix heures, ce matin, les voisins entendirent une discussion suivie de la chute d'un corps et des coups frappés sourdement. Dans la soirée les voisins intrigués de ne point voir sortir les deux amies, eurent l'idée d'entrer dans la demeure et ils se trouvèrent en face d'un spectacle horrible. Kate Conway alias McCormick, épouse de Jacob Myers, était étendue sur la plancher, baignant dans son sang.
Spectacle horrible: le cadavre était décapité et la tête ainsi qu'un des poignets gisaient à quelques pas dans une cuvette.
La police immédiatement avertie par M. Hartford, se transporta sur les lieux et opéra à l'arrestation de Suzanne Kennedy qui, en arrivant à la station de police de la rue Young, fut fouillée on constata qu'elle portait sur elle un grand nombre de vêtements, dont la plupart étaient tachés de sang.
Les détectives firent, pendant ce temps, des perquisitions dans la chambre de la victime et apperçurent les traces d'une lutte. Ils trouvèrent enfoui dans un coffre l'instrument qui avait servi à commettre l'assassinat. C'est une petite hache ordinaire, que nous avons vu et qui était toute couverte de sang. Des débris de chair ainsi que des cheveux y adhéraient encore.
Quand on est venu pour s'emparer de la prisonnière, elle était couchée ivre mais elle avait cepandant essayé de laver le sang qui innondait le plancher. Lorsque rendu à la station on a voulu la fouiller, comme nous l'avons dit précédemment, elle se défendit avec vigueur et c'est avec beaucoup de peine que l'on y réussit.
Suzanne Kennedy est une femme de grande taille, fortement constituée, et de plus, très brutale. L'appartement où s'est commis le crime ne portait plus de trace de la lutte, qui n'a pas dû être bien longue car la victime était âgée de 60 ans et bien affaiblie. Le cadavre avait sur la figure des traces de coups et un des bras brisé en deux endroits.
On prétend dans le voisinage que Kate Conway et Suzanne Kennedy étaient adonnées à la boisson et qu'elles avaient coutume de se quereller souvent.
Ce matin, à 8 heures, doit avoir lieu l'enquête, et nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette terrible affaire. Nous ne voudrions pas oublier de mentionner dans ce rapport la courtoisie avec laquelle le chef de la police M. Paradis nous a accueilli, ce matin, à 3 heures, quand nous avons eu connaissance de ce crime et que nous sommes rendus à la station de la rue Young. Le détective Cullen ainsi que les hommes de police voudront bien agréer nos
remerciements pour la manière dont ils se sont mis à notre disposition afin de nous donner tous les renseignements possibles.
Mardi 30 septembre 1879, le procès continue.
Présidence de l'Hon. Juge Monk, MM Archambault, C.R., et Devlin, C.R., représentent la Couronne. Suzanne Kennedy est amenée à la barre pour répondre à l'accusation de meurtre.
La déposition du constable McKinnon se résume à ceci: Il fait la description de la découverte du corps de la victime et dit qu'il a trouvé la prisonnière [Susan Kennedy] soit ivre ou endormie dans la chambre sur le devant de l'habitation. J'ai réveillé la prisonnière, dit-il, et je lui ai demandé qui avait tué la femme; elle me dit que c'était l'homme qui était venu avec elle le matin et qu'elle désirait lui donner une chance de s'échapper vu que c'était un joli garçon. Après l'arrestation de Flanagan, elle déclara que ce n'était pas lui qui avait commis le crime, mais que c'était un autre homme qui était entré. Elle portait beaucoup d'habits sur elle et tous étaient saturés de sang. L'agent de police Cullen avait fait déshabiller la prisonnière. Quand elle fut menée à la station, elle était dans un état de surexcitation nerveuse par suite de la boisson.
Transquestionné (aujourd'hui on dirait plutôt contre-interrogé) par M. Greenshields: Le témoin dit que Susan Kennedy lui conta une histoire quand il l'arrêta et ensuite une autre différente à la station. Le détective Cullen rapporte ce qui suit qui lui a été dit par la prisonnière:
L'homme qui avait tué Mary Gallagher était celui qui l'accompagnait à sa rentrée le matin. Cet homme avait fourni l'argent pour acheter deux bouteilles de whiskey. La prisonnière avant de sortir pour acheter la seconde bouteille de whiskey, lui avait demandé de l'argent pour acheter des pommes. Il lui en donna. La femme Kennedy dit que tout ce qu'elle savait de l'individu venu le matin, c'est qu'il avait un couteau à manche blanc. Il (le policier Cullen) trouva une hache pleine de sang dans un coffre dans la chambre à coucher. La défunte n'avait pas beaucoup d'habits sur elle, mais rendu à la station, Cullen trouva que la prisonnière en avait trop. Il fut obligé de se faire assister par deux hommes pour la déshabiller, ses habits étaient pleins de sang.
Les hardes [vêtements] sont ici produits et identifiés par le déposant. Elle dit au détective qu'elle avait essuyé le sang de peur qu'il ne traverse le plafond. Il y avait du sang sur le mur et dans le lit de la chambre à coucher. Il y avait aussi quatre incisions dans le plancher à l'endroit où la tête avait été coupée.
Le docteur Guérin, ici présent, dit en réponse à un juré, que la tête avait toutes les apparences d'avoir été tranchée par une personne maladroite. La déposition de Catherine MacCarthy, femme de John Driscoll, se résume dans son identification des habits de la victime. Elle a reconnu tous les vêtements qui lui ont été présentés pour les avoir vus sur Mary Gallagher. Tous ces vêtements on été trouvés sur Suzanne Kennedy. Le témoin était l'amie intime de l'accusée. Elle ajouta que le chapeau porté en Cour par la prisonnière appartenait à la défunte. Cette dernière phrase provoqua un démenti formel de la part de l'accusée.
Suite du procès rendu le jeudi 2 octobre 1879:
Après les plaidoyers, Son Honneur le juge Monk commence sa charge aux petits jurés. L'Honorable Juge dit qu'il est à peu près assuré que les jurés ont déjà plus ou moins formé leur opinion, car tous les faits de la cause leur ont été soumis par l'avocat de la Couronne avec une rare habileté et d'une autre côté, l'avocat de la défense qui était reconnu comme possédant de grands talents et beaucoup de science du droit criminel n'avait rien négligé pour faire valoir tout ce qui pouvait être favorable à sa cliente.
Les jurés, comme le juge sur le Banc, doivent mettre de côté tout ce qu'ils ont pu avoir entendu dire et oublier toute impression venant du dehors et ne s'occuper que de la preuve telle que présentée par l'un ou l'autre côté.
Les jurés ont d'abord à se demander si un crime a été commis. Mary Gallagher a t-elle été mise à mort à Montréal, dans une certaine maison de la rue williams, le 27 juin dernier?
Une enquête du coroner a eu lieu et un verdict de coupable de meutre (sic) a été rendu contre la prisonnière; un nommé Flanagan et le nommé Jacob Myers. Le mari de la défunte a été entendu comme témoin et a reconnu et identifié le cadavre comme étant delui de son épouse.
La preuve du corpus dilecti est donc complète et il est certain qu'un crime a été commis. Le témoignage des médecins viennent encore ajouter à celà et il n'y saurait y avoir de doutes sur ce point.
Un meurtre a été commis et l'état du cadavre démontre que l'on s'est rendu coupable de la plus grande férocité. On pourrait maintenant se demander ce que c'est qu'un meurtre? Mais le savant juge ne croit pas devoir entrer dans les détails d'une longue définition et croit que les jurés savent à qui s'en tenir sur ce point.
La défense a soumis aux jurés qu'ils pourraient choisir entre les trois verdicts et qu'il keur était libre de rendre un verdict de coupable d'homicide involontaire ou bien encore qu'ils pourraient se former l'opinion que l'accusée ne jouissant pas de ses facultés mentales et qu'alors ils pourraient la déclarer: non coupable.
La défense a aussi prétendu qu'il n'avait pas été prouvé qu'il avait jamais existé de haine entre la prisonnière et la défunte. Celà est vrai et nous n'avons rien de tout celà jusqu'au moment où la prisonnnière a prononcé cette terrible phrase: "Il y a longtemps que je cherchais une vengeance et je l'ai enfin obtenu." Cette phrase a été prononcée sous des circonstances très compromettantes pour la prisonnière.
Le juge passe en revue les différents témoignages.
Un témoin a vu, vers les sept heures du matin, la défunte arriver chez la prisonnière en compagnie de Flanagan. Mais il n'y a pas de preuve que Flanagan fût encore là entre 11 heures et demie et midi et demie. Ce même témoin a vu plus tard la prisonnière et la défunte, mais elle n'a pas vu Flanagan. Dans le courant de l'avant-midi, la prisonnière s'est mise à sa fenêtre et insultant les passants, la défunte est venue pour la retirer de la fenêtre et la prisonnière lui a alors dit: "Si tu ne me laisse pas tranquille, je te casserai la tête avec une hache." Une heure après, la femme à laquelle ces paroles étaient adressées, était trouvée morte et son cadavre portait les traces de blessures qui avaient dû être fait avec une hache!
Puis, la femme qui demeurait au-dessous de chez la prisonnière a entendu du bruit; nul doute que ce bruit ne fut occasionné par la chute du cadavre de la défunte. Outre ce bruit d'une chute, on a aussi entendu un bruit qui pouvait être causé par une personne se servant d'une hache, et immédiatement après la prisonnière dit: "Il y a longtemps que je voulais une vengeance et je l'ai eue."
En sorte que les jurés ont la preuve que la prisonnière a fait la menace de de servir d'une hache, que l'on a entendu le bruit d'une chute sur le plancher, que des coups de hache ont été donnés et que la prisonnière a dit que sa vengeance était satisfaite.
Une autre personne était-elle présente avec la défunte et la prisonnière?
C'est ce que nous ne savons pas, et jusqu'a présent il n'existe rien qui démontre que Flanagan fut alors présent.
Mais supposons même que Flanagan fut alors présent et qu'il faille croire l'accusée, elle exonore complètement Flanagan. Puis, plus tard elle dit qu'il y était, qu'il a commis le crime, mais qu'elle lui a donné l'occasion de se sauver parce qu'il était un joli jeune homme. Plus tard encore, elle dit que c'était un autre homme qui est venu dans la maison et qui a commis le crime.
Si la prisonnière a fait certaines admissions, elles doivent être prises en entier, et si elle a juré faussement lorsqu'elle a donné une déposition sous serment, ces faux témoignages peuvent établir une forte présomption contre elle.
Le savant juge parle longuement du sang qui se trouvait sur le plancher, sur la hache et sur les hardes de l'accusée et en conclut que c'est une preuve très forte contre la prisonnière. Il est bien vrai qu'on peut se demander avec la défense, quel a pu être le motif de ce meurtre. Dans certaines circonstances il est plus satisfaisant lorsqu'on peut établir le motif du crime, mais celà n'est ni une obligation, ni une nécéssité. Mais dans le cas présent, la prisonnière a elle-même dit qu'elle cherchait une vengeance.
L'honorable juge émet l'opinion qu'il n'a pas été établi d'une manière satisfaisante que l'accusé n'était pas "compos mentis". Il se peut que l'accusée ne jouisse pas d'une intelligence bien brillante, mais il n'a pas été prouvé qu'elle n'avait pas l'usage de ses facultés mentales.
Le juge répudie la prétention que l'ivresse peut excuser le crime et maintient que dans certains cas l'état d'ivresse peut-être une aggravation de l'offense.
Il termine en recommandant aux jurés de donner à l'accusée le bénéfice de tout doute raisonnable et exprime l'assurance que les jurés rendront un verdict suivant la preuve et suivant leur conscience. Puis les jurés se retirent à quatre heures vingt minutes.
La prisonnière a écouté la charge du juge avec un air de parfaite indifférence.
Le jury entre en cour à six heures et déclare Susan Kennedy coupable de meurtre.
La cour s'ajourne à demain matin, à dix heures. Une foule nombreuse emcombrait la salle d'audience.
Suite du procès au Palais de Justice le vendredi 3 octobre 1879 (publié le samedi 4 octobre dans la Minerve).
Présidence de l'Hon. Juge Monk. MM Archambault, C.R., et Devlin, C.R., représentent la Couronne. Son Honneur prend le fauteuil à 10:10 hrs.
Michael Flanagan subit son procès sous l'accusation d'avoir tué Mary Gallagher le 27 juin dernier. MM Coyle et McGibbon défendent le prisonnier.
M. Devlin explique au jury les différentes circonstances relatives au crime, circonstances déjà connues de nos lecteurs, et accuse le prisonnier d'être, sinon le principal assassin, du moins le complice de Susan Kennedy.
Le coroner Jones étant assermenté, dit avoir fait l'enquête sur le corps de Mary Gallagher. La police vint le prévenir du crime vers les 8 heures le 28 au matin. Il se rendit aussitôt à la maison portant le numéro 242 rue William. En arrivant au second étage, il aperçu le cadavre d'une femme gisant sur le plancher. Dans un seau (sic) plaçé près du corps se trouvait la tête et une des mains de la défunte. Le témoin assermenta aussitôt un jury pour faire l'enquête.
Le détective Murphy était arrivé quelques minutes avant lui. L'enquête se termine par un verdict accusant la femme Kennedy, son mari Meyers, et le prisonnier à la barre [Flanagan] d'avoir tué la défunte Gallagher. Il y avait des taches de sang sur le lit où s'était couché le prisonnier.
George Glackmeyer, architecte, montre au jury un plan du second étage de la maison où eut lieu le meurtre.
Le Dr. Guérin dit avoir fait l'examen post-mortem du corps de Mary Gallagher, le 28 juin dernier. Le matin de ce jour le coroner vint le chercher à sa résidence vers les dix heures et demie du matin. Il se rendit à la résidence portant le numéro 242 rue William. En arrivant au secon étage, il vit le cadavre de la victime étendu sur le plancher de la cuisine. La tête et une main de la défunte étaient placées dans un seau près du cadavre. Le plancher était couvert de sang. On remarquait aussi des traces de sanglantes sur la muraille. Sur la demande du coroner le témoin commença l'examen du cadavre. La figure portait plusieurs blessures horribles et qui avaient évidemment été infligées avec une hache. Le corps portait aussi plusieurs blessures et meurtrissures. La défunte semblait avoir été une personne très vigoureuse. Lorsque le témoin fut mandé, il était évident que la mort de Mary Gallagher remontait à plusieurs heures. La mort a dû être causée par l'épuisement amené par la perte de sang. Deux des blessures étaient mortelles.
Le grand connétable Bissonnette produit alors en cour la hache trouvée près du cadavre de la défunte. Cette hache est couverte de sang et de cheveux.
Le témoin dit qu'on lui présenta cet instrument lorsqu'il commença son examen. Il est d'opinion que le ou les assassins s'en servirent pour commettre le crime. Il y avait à peu près quinze blessures sur la tête et le corps de la victime. Le crâne était fracturé à plusieurs endroits. Les témoins ne firent pas l'analyse de l'estomac de la victime. Le témoin ne peut dire si les assassins se servirent d'autres instruments que la hachette pour tuer la victime.
Transquestionné par le juge. Le témoin croit que la victime n'avait pas encore rendu le dernier soupir lorsqu'on commença à séparer la tête du tronc.
Transquestionné par M. Coyle. Le témoin croit que la défunte a vécu près d'une demie-heure après avoir reçu les terribles blessures que l'on remarquait sur le crâne; seulement du moment qu'elle les reçut elle dut perdre connaissance.
Ellen Burke, veuve de John Troy, étant assermenté, dépose comme suit: Je demeurais sur la rue William, dans le cours du mois de juin dernier. Vers les six heures et demie, le matin du 27 juin, j'entendis frapper à la porte d'entrée; j'ouvris la fenêtre de ma chambre à coucher et je vis la défunte accompagnée d'un homme dont je ne pus voir les traits. Je refusai de leur ouvrir et Mary Gallagher passa alors par la cour située en arrière de la maison et quelques minutes après je vis qu'on leur ouvrait.
Tous deux montèrent ensuite à l'étage supérieur. Je ne vis entrer aucune autre personne dans la maison durant la journée. Dans le cours de l'avant-midi, la prisonnière [Susan Kennedy] se mit à la fenêtre et elle invita à haute voix les personnes qui passaient à l'aller visiter (sic).
Vers midi et quart, j'entendis un grand bruit, comme aurait la chute d'un corps lourd sur le plancher du second étage. La violence de cette chute, fut, telle qu'un morceau de plafond tomba. Durant une dizaine de minutes, j'entendis ensuite quelqu'un qui semblait fendre du bois.
La prisonnière semblait alors tranquille, car on ne l'entendait plus crier ainsi qu'elle le faisait quelques minutes auparavant. Vers les deux heures de l'après-midi, je vis la prisonnière se pencher à la fenêtre située en arrière de la maison et je l'entendis dire "je cherchais à me venger et j'ai enfin réussi." Elle paraissait être alors sous l'effet de la boisson. Je ne revis ensuite la prisonnière qu'après les quatre heures du soir. Elle descendit alors pour aller remplir d'eau un seau qu'elle portait à la main.
Vers les neuf heures du soir, quelques petits garçons qui s'amusaient à jouer dans la cour, se mirent à dire qu'il y avait un cadavre dont la tête avait été coupée sur le plancher de la cuisine de la prisonnière. Je ne fis d'abord guère attention, car je crus qu'ils plaisantaient. Peu après, mon petit garçon vint me dire qu'il était monté chez la prisonnière et que le plancher était couvert de sang. Je montai alors avec une des voisines et j'appercu le corps d'une femme complètement nu étendu sur la plancher de la cuisine. Je remarquai alors que la tête de la victime était dans un seau. J'avertis M. Harper qui alla chercher la police. La prisonnière semblait alors tranquille. Peu après, la police arriva et constata le crime.
Transquestionnée par M. Coyle. Je sais que la prisonnière ne buvait beaucoup, mais je n'ai jamais entendu dire qu'elle était atteinte d'aliénation mentale.
La prisonnière ne sortit pas de la maison durant la journée, du moins à ma connaissance. Plusieurs familles demeuraient dans les autres parties de la maison.
La cour s'ajourne ensuite à deux heures.
A la séance de l'après-midi plusieurs autres témoignages furent entendus et Son Honneur le juge fit une charge très forte contre l'accusé. Le jury fut ensuite enfermé et à 7 heures le juge prit son siège mais, les jurés ne s'accordant pas, il fallut attendre. Enfin à 9 heures ils se déclarèrent d'accord et rendirent un verdict de "non-coupable" à l'accusation de meurtre.
M. Coyle, l'avocat de la défense demanda à Son Honneur la mise en liberté du prisonnier, mais entendu qu'il y a d'autres accusations portées contre lui, la demande ne fut pas accordée. Son procès doit continuer à dix heures ce matin (cet article de journal rapportant les faits du vendredi 3, le procès de dix heures ici mentionné à lieu le samedi 4).
Dans son édition du lundi 6 octobre 1879 la Minerve rapporte la conclusion et le jugement de cette cause qui se sont déroulés le samedi 4)
Présidence de l'Hon. Juge Monk. MM. Archambault, C.R., et Devlin, C.R., représentent la Couronne.
Sentence de mort!
M. Devlin se lève et demande qu'en conformité aux termes de la loi, la sentence soit prononcée contre Susan Kennedy, trouvée coupable du crime de meurtre.
La prisonnière parait à la barre. Sa contenance est assurée, et elle dit à deux reprises en levant la main droite, qu'elle n'est pas coupable. Elle ajoute aussi que c'est le troisième individu, autrement dit, le capitaine qui tua la femme Gallagher. Elle tente encore une fois de persuader la cour que Flanagan est innocent de l'accusation portée contre lui. Elle murmure aussi quelqu'autres paroles inintelligibles.
Son Honneur s'adresse en ces termes à la prisonnière: -Susan Kennedy, après un long procès, vous avez été trouvée coupable par un jury consciencieux et respectable d'avoir tué l'infortunée Suzan Gallagher (sic). Votre crime a été des plus audacieux.
Vous avez tué votre semblable sans avoir seulement donné à cette pauvre malheureuse le temps de se préparer à paraître devant son Dieu, sans même lui donner le temps de murmurer une dernière prière. Le jury, tout en reconnaissant votre culpabilité, vous a recommandée à la clémence de la Cour.
Il est de mon devoir de vous dire en ce moment, que vous ne pouvez vous attendre à aucune pitié de la part des hommes. C'est pourquoi vous devrez vous adresser à dieu afin d'obtenir votre pardon par votre repentir. Ne vous fiez pas à de vaines espérances, la religion seule peut maintenant vous venir en aide. Efforcez-vous donc pendant le court séjour que vous avez à passer sur cette terre, de mériter, par votre repentir, le pardon du juge Éternel.
La sentence de la Cour, est que vous soyez transférée de cette Cour à la prison commune du district de Montréal et de là au lieu de l'exécution pour y être pendue par le cou jusqu'a ce que mort s'en suive, le 5 décembre prochain, et que Dieu ait pitié de votre âme.
En entendant la terrible sentence, la prisonnière pâlit légèrement, puis s'écria «Je ne suis pas coupable, et Flanagan est pareillement innocent.»
Le
saviez-vous? En 1963 le maire Jean Drapeau a décidé de changer le
zonage de Griffintown, le faisant passer de résidentiel à
commercial/industriel. Le but étant bien entendu de se débarrasser
de ce quartier qu’il considérait très laid et malfamé. Et puis,
fallait que tout soit beau pour l’Expo!