Durant
les années 70 il pouvait arriver encore de rencontrer ces romans de
poche, souvent issus d’une autre époque et qui n’avaient pas
encore trouvé preneur. Des histoires de crimes, de mœurs ou
d’intrigue qui n’étaient pas exactement de la catégorie
Pullitzer avec des récits étaient souvent mal bâclés et
généralement peu inspirés. Par contre, les couvertures étaient de
véritables petits chef-d’œuvres en soi où elles étaient
illustrées comme s’il s’agissait de films avec des slogans
accrocheurs et des filles plus ou moins habillées. C’était
vendeur. Aujourd’hui ces livres sont prisés des collectionneurs et
peuvent aller chercher de bons prix.
Un
des artistes ayant laissé sa marque pour ces fameuses couvertures
est Mitchell Hooks, né à Détroit en 1923. Hooks dessinait tout le
temps et il était, selon son oncle, un artiste autodidacte qui était
très bon et l’a ainsi encouragé à poursuivre cette voie. C’est
comme ça qu’il s’est retrouvé au CAS Technical High School de
Détroit, une école créée spécialement pour ceux qui n’avaient
aucun espoir d’entrer un jour dans un collège. Hooks n’a eu que
d’excellents souvenirs de cet endroit, «…rempli d’illustrateurs
professionnels, de designers et plein d’autres bonnes personnes qui
nous ont tout appris ce qu’on avait à savoir du métier.»
Hooks
a gradué puis s’est retrouvé chez General Motors. La Seconde
guerre faisait alors rage et les priorités du constructeur
automobile étaient alors réorientées vers l’approvisionnement
des forces armées en équipement. On lui confia la tâche de prendre
des «blueprints» et de les convertir en trois dimensions, un
travail important mais qu’il a vite appris à détester. Ainsi,
lorsqu’il s’est lui-même retrouvé dans l’armée il s’est
bien gardé de dévoiler ses habilités artistiques, de peur qu’on
lui confie de nouveau ce genre de boulot. Comme il préférait se
faire tirer dessus plutôt de bizouner sur des plans il fut expédié
en Europe en 1944 dans un régiment d’infanterie et fit partie des
forces d’occupation en Allemagne après la fin de la guerre, après
quoi il a tenté sa chance à New York comme illustrateur. Il a
commencé à produire des couvertures de roman alors qu’il s’est
un jour présenté chez l’éditeur Signet Books avec un exemple de
son travail et ils ont aimé.
Un
truc que Hooks a découvert assez rapidement c’est que les éditeurs
de ces bouquins exigeaient toujours que les illustrations comportent
des demoiselles légèrement vêtues et parfois même complètement
nues. C’est du sexisme crasse, évidemment, mais c’était un
impératif auquel non seulement Hooks a dû se plier mais tous les
autres artistes également.
Le
style de Hooks fut, pendant une bonne période, assez linéaire,
empruntant un stylisme tirant que l’impressionnisme, parfois mêlé
avec des éléments «sketchés» ou résolument simplistes mais dont
l’ensemble me qui me plaît bien, est toujours très efficace. Plus
tard, alors que les goûts éditoriaux ont changé, Hooks s’est
orienté vers un réalisme quasi-photographique. En plus de produire
des couvertures pour des éditeurs comme Avon, Bantam, Dell Books,
Fawcett Publications et autres, Hooks a aussi produit quantité
d’illustrations pour des magazines comme Cosmopolitan, Reader’s
Digest, Saturday Evening Post, Redbook et autres. On lui doit aussi
l’affiche de James Bond Dr. No. En 1999 Mitchell Hooks a été
intronisé dans la Society
of Illustrators et nous a
quitté en mars 2013 à l’âge vénérable de 89 ans. Quoiqu’il
en soit, voici une sélection de quelques unes (ho hum) des couvertures qu’il
a réalisées. Vous pouvez cliquez sur chacune des images pour qu'elle s'agrandisse en plus grand format.
Le
saviez-vous? Avant que les artistes s’organisent en tant que
Graphic Artists Guild, les œuvres qu’ils produisaient ne leurs
étaient jamais retournées. Aussi, ceux-ci ne rencontraient jamais
les auteurs des livres dont ils produisaient les couvertures et
n’avaient souvent qu’une très vague idée de l’histoire. Les
éléments des couvertures apparaissaient selon ce que le directeur
artistique désirait et le design final était conçu par un graphiste.