Lorsque
j’étais galopin, que ce soit au parc Belmont, à La Ronde, sur le
Boardwalk d’Atlantic City ou encore sur Clifton Hill à Niagara
Fall,
un détour dans les manèges hantés, qu’elles soient visitées
dans un charriot ou à pied, étaient pour moi toujours de mise. Je
dirai même plus: obligatoire. Ces attractions exerçaient sur moi
une fascination certaine qui n’était pas sans inquiéter un
tantinet mon entourage qui se demandait bien ce que je pouvais bien
trouver d’intéressant dans les monstres, squelettes, spectres et
autres apparitions ectoplasmiques. En fait, c’était surtout
l’aspect purement théâtral à la sauce Disney qui me faisait me
bidonner tel un larron en foire.
Dans
toutes ces maisons, manoirs, antres et donjons de tous acabits il se
trouvait tout un fourbi de trucs amusants qui allaient de ces
bestioles bricolées et peinturlurées de couleurs fluorescentes aux
décorations parfois rudimentaires en passant par des mises en scène
lugubres judicieusement éclairées dont je me délectais. L’ensemble
était aussi généralement enrobé d’effets sonores et
accompagnements musicaux tout à fait dans le ton et il m’arrivait
souvent de souhaiter retrouver ceux-ci sur un disque. Ainsi, que je
me disais, je pourrais jouer dans ma chambre et transformer celle-ci,
le temps de l’écoute, en pièce hantée. Et c’est ainsi que j’ai
entrepris de collectionner les disques d’épouvante.
En
1964 le Manoir Hanté à Disneyland était bel et bien complété
mais virtuellement vide à l’intérieur car on s’affairait, entre
autres choses à préparer les attractions qui allaient être
présentées au New York
World’s Fair. On patinait
aussi un peu sur l’histoire qui allait enrober cette fameuse maison
hantée mais histoire de rappeler au gens qu’elle ouvrirait dans un
avenir rapproché, Disneyland Records a lancé Chilling,
Thrilling Sounds of the Haunted House
la même année et lequel reposait sur un concept fort simple. D’un
côté (Face A) on retrouvait des histoires d’épouvante narrées
par Laura Olsher et saupoudrées d’effets sonores provenant de la
collection Disney, laquelle avait été constituée tout au long des
années lors de la production de films et de dessins animés tels
Lonesome Ghosts
réalisé en 1936. Sur l’autre côté du disque (Face B) les sons
tels chats, tonnerre, craquements et autres se retrouvaient
enregistrés séparément, de sorte que l’on pouvait à loisir les
utiliser comme bon nous semblait afin de cuisiner de merveilleuses
petites ambiances hantées au gré de notre fantaisie. La première version du disque fut celle avec la pochette blanche, suivie en 1973 par la pochette orange.
Le design de la pochette, comme on peut le voir sur l’image, était graphiquement
assez simple mais tout de même efficace. On y trouvait un manoir
lugubre dont une seule fenêtre à l’étage supérieur était
éclairée d’une source mystérieuse, un arbre mort aux branches
s’étendant au-delà de l’image, de nombreuses pierres tombales
dispersées ici et là au travers de grandes herbes et éclairées
par un éclair foudroyant. Il s’agissait d’une œuvre de
l’artiste Paul Wenzel et dont l’original de 37 pouces par 39 fut
vendu aux enchères en 2001 pour la somme de $3,000. Une troisième édition vit le jour, parfaitement identique aux deux précédentes au niveau du design et du contenu sauf pour l'addition d'un guide du parfait party
d’Halloween imprimé sur les deux côtés de l’enveloppe de papier contenant le
disque.
Personnellement
je n’ai pas eu ces disques. Ce n’est que bien des années plus
tard, grâce à la magie des brocantes que j’ai pu les obtenir. En
fait, le premier disque qui a constitué le début de ma collection
est la troisième disque portant le titre de Thrilling,
Chilling Sounds of the Haunted House de
Disney. Lancé
en 1979 il se voulait davantage une nouvelle édition comprenant de
nouveaux effets sonores ainsi que des histoires dénuées de
narration et racontées par le simple biais des sons et de la musique
ce qui explique la présence du mot «NEW» apparaissant en haut à
gauche. Ceci amenait à imaginer et visualiser ce qui se passait
plutôt que se le faire raconter. On pouvait entendre les créatures
de la nuit, la maison hantée, le donjon, les sorcières, une
rencontre imprévue dans le brouillard, le pilleur de tombe ainsi que
le laboratoire du scientifique fou. Chaque écoute pouvait mener à
des interprétations différentes.
La
pochette, également signée Paul Wenzel, est aussi complètement
différente. La maison de style manoir avait été remplacée par une
autre tirant davantage sur le victorien mais Wenzel conserva tout de
même la fenêtre éclairée à l’étage en prenant soin d’y
rajouter une silhouette inquiétante. L’arbre mort était de retour
mais cette fois agrémenté d’un corbeau. Se sont rajouté le chat
qui feule sur une pierre tombale et un cimetière dont un locataire
semble vouloir s’échapper. Mais on peut se demander, quelle
sorte de propriétaire peut un bien agrémenter son parterre d’un
cimetière? Un nain de jardin à la rigueur, un pneu de tracteur
peinturé pour décorer le talus ça peut aller, mais un cimetière??
Ah, et il n’oublions pas
l’indispensable éclair.
Le
recto quant à lui n’était pas en reste pour autant; arbre tout
aussi mort, étranges filaments pendouillant aux branches, hibou,
chauves-souris peu rassurantes et ce type, tout en bas, qui creuse
une tombe. Fossoyeur ou pilleur de tombe? Peut-être vaudrait-il
mieux ne pas le savoir. On y retrouvait aussi des citations de Poe,
Dracula, Sherlock Holmes, Shakespeare ainsi que du docteur
Frankenstein.
De
certains disent que la version 1964 est supérieure à celle de 1979
alors que d’autres pensent le contraire. Les avis sont partagés et
je crois que la nostalgie y joue pour beaucoup. Les deux versions
sont tout de même d’excellente qualité et constituent
d’excellentes sources d’ambiance à la sauce Halloween.
Le
saviez-vous? Selon David Keonig, un ancien employé de Disney qui a
écrit Mouse Tales,
il est un jour arrivé dans le Manoir Hanté une famille qui demanda
un peu de temps extra durant le tour afin de tenir une très courte
cérémonie à la mémoire d’un petit garçon de sept ans qui
aimait particulièrement le Manoir. La permission fut accordée sauf
que la coute cérémonie comportait une autre partie, cachée
celle-là puisqu’il s’agissait de la dispersion au sol des
cendres du petit garçon. Les employés s’en sont rendu compte et
le manège fut arrêté le temps qu’on puisse nettoyer le tout,
avec autre chose qu’un aspirateur, on préfère assumer. Par la
suite plusieurs employés ont prétendu avoir aperçu le fantôme
d’un petit garçon, errant dans le manoir.