Il
fut un temps, à une autre époque, où il se trouvait un peu partout
en ville, des médecins qui non seulement visitaient les patients
chez-eux mais qui les recevaient également dans leurs propres
cliniques, souvent aménagées à même leurs domiciles. C’est le
cas du docteur Étienne Lamoureux dont il est question aujourd’hui.
Après avoir gradué de la Faculté de médecine, peut-être McGill
ou encore celle de l’Université de Montréal, le docteur Lamoureux
a ouvert sa pratique en 1910 au 525 Frontenac, tout juste à la
limite ouest du faubourg Hochelaga et jouxtant, de ce fait, le
faubourg Ste-Marie. L’adresse, 525, donnait un peu nord de la rue
Forsyth, devenue la rue de Rouen par la suite. Il s’agit évidemment
de l’ancienne numérotation civique, laquelle a changé du tout au
tout lors de la grande révision faite par la ville de Montréal dans
les années 20 et 30.
À
cette époque le faubourg Hochelaga, au nord de Forsyth, n’étaient
encore qu’une grande étendue de lots et terrains vacants et les
rues comme Hochelaga et Sherbrooke appelaient encore à venir. Il
s’agissait d’anciennes terres agricoles, celles des familles
Aylwin, Léveillé, Delisle et Valois, entre autres et qui partaient
du fleuve pour monter jusqu’aux environs de la rue Nolan, actuelle
rue Rachel. Ces familles avaient délaissé l’agriculture et leurs
terres se sont par la suite retrouvées loties afin d’être
développées, ce qui n’avait pas manqué d’attirer quantité de
spéculateurs et investisseurs immobiliers. Mais nous ne sommes qu’au
début du vingtième siècle et le développement prendra plusieurs
dizaines d’années à se concrétiser.
En
attendant tout cela le docteur Lamoureux considère se relocaliser,
possiblement pour élargir sa clientèle et de ce fait réaménage
son bureau en 1912 dans la ville de Maisonneuve au 826 Ontario, selon
l’ancienne numérotation et qui a changé, plusieurs années plus
tard lors de l’annexion avec Montréal, pour le 3897. Il s’agit
d’un bâtiment construit en 1910 selon un modèle en vogue à cette époque pour une rue commerciale.
La
ville de Maisonneuve, fondée en 1883, semble alors avoir le vent
dans les voiles. Là aussi de grandes terres agricoles sont loties et
sur quantité d’entres elles on construit non seulement des maisons
mais aussi des usines diverses. On retrouve, entre autres, les
manufactures Watson, Foster & Co., McDermott Shoe, King Paper
Box, Johnson & Johnson, Poliquin & Gagnon, Dupont &
Frères, Air Liquide, James Muir & Co. ainsi que l’American
Can, pour n’en nommer que quelques unes. Pour le docteur Lamoureux
la forte présence ouvrière de Maisonneuve garantit une clientèle
pratiquement assurée car non seulement les blessures dans les
manufactures sont monnaie courante mais la démographie de
Maisonneuve est alors en pleine expansion. En ce début du 20è
siècle, malgré un taux de mortalité infantile relativement élevé,
les familles de dix enfants et plus ne sont pas rares. D’ailleurs,
lorsque Maisonneuve devient un quartier en bonne et due forme, la
population s’élève à 31 763 habitants. Le déménagement
sur la rue Ontario est donc un choix judicieux. Le docteur Lamoureux
n’est pas le seul médecin du coin, de loin s’en faut, mais sa
présence a certainement contribué non seulement à soigner quantité
de gens mais aussi à sauver la vie de quantité de bambins. Au fil
des ans, très certainement aidé de son épouse Angèle, le bon
docteur continue de s’occuper de la santé de ses patients.
Peut-être, lors de l’incendie du Laurier Palace en 1927, a-t-il
fait partie des médecins qui sont accourus sur place pour porter
secours aux enfants? Nul ne le sait. Ce que l’on sait par contre
c’est que le docteur Lamoureux a continué de pratiquer à son
domicile jusqu’en… 1973, année où il n’apparaît plus dans
les registres du Lovell. Du reste, son épouse Angèle n’apparaît
pas non plus. Cela ne veut pas pour autant dire que le docteur
Lamoureux est décédé pour autant. Peut-être a-t-il tout
simplement décidé de prendre sa retraite dans la campagne avec son
épouse et d’y couler là des jours paisibles, loin du tumulte
urbain? Peut-être est-il retourné dans son village natal et qu’il
a ultimement été enterré dans le cimetière local? Nul ne le sait.
Entretemps
Hochelaga-Maisonneuve a changé, ses usines ont largement fermé
leurs portes et la population s’est diversifiée et les soins de
santé sont maintenant assurés par des cliniques médicales. Tout ce
qu’il reste de la présence du docteur Lamoureux dans le quartier
est cette enseigne qui surplombe toujours la porte d’entrée de son
ancienne clinique. Peut-être que le propriétaire des lieux songera
t-il à la préserver? C’est certainement à espérer. Le docteur
Lamoureux n’a pas inventé de grands remèdes ou médicaments mais
il a été, pour plusieurs générations, une présence rassurante
pendant 63 ans, soit à son bureau ou encore lorsqu’il arrivait au
domicile de ses patients et qui devaient sûrement être bien
contents de le voir arriver. Lorsque le docteur Lamoureux a commencé sa profession
le premier vol plané des frères Wright ne datait que de quelques
années et lorsqu’il a cessé la pratique les missions Apollo
étaient choses du passé.
Coïncidence tout à fait particulière et parfaitement innatendue; l'ami photographe Alain Roberge m'a avoué avoir habité dans cette maison durant les années 90. Un intérieur magnifique qui comptait pas moins de onze pièces réparties sur deux étages et jointes par un magnifique escalier.
Le saviez-vous? Puisqu'il est question de médecine, toutes
les cellules qui vous composaient à votre naissance n’existent
plus depuis longtemps et chaque année 98% des atomes de votre corps sont remplacés.