C’était
à la fin d’un autre siècle que je n’ai pas connu mais qu’on
m’a raconté dans la pénombre du boudoir près la grande
bibliothèque. Il se trouvait dans le quartier qui m’a vu grandir,
de ces vieilles maisons où logeaient des familles nombreuses comme
les doigts des deux mains. Tout le monde travaillait, même les
enfants et l’école était un luxe que les mioches regardaient
comme ils admiraient les friandises dans les vitrines des magasins.
Le paternel travaillait à quinze cennes de l'heure alors que la
livre de beurre en coûtait dix-sept. De quoi manger son pain sec
alors c'est pour ça que tout le monde mettait la main à la pâte.
Il
fallait aussi loger tout ce beau monde-là. Les grands terrains,
comme le beurre, étaient un luxe. Aussi les bâtisseurs devaient profiter le plus possible des terrains qu'ils avaient à leur
disposition lorsqu'ils construisaient leurs belles maisons, parfois de brique et parfois de bonne pierre de taille. Du trottoir à la porte, il n'y avait que quelques pas à
franchir. Les belles grandes devantures gazonnées, on le savait,
c'était pour les riches comme les frères Dufresne, mais eux n'avaient
pas de ces magnifiques escaliers tantôt en bois, tantôt en fer
forgé, parfois droits comme des soldats et parfois se tortillant de
part et d’autre comme figés dans un beau pas de danse. N’allez
pas par monts et par vaux pour en voir de plus beaux parce que c’est
par ici qu’ils sont tous.
Saviez-vous
ça vous autres? À
l’époque médiévale là, ben y’avait plusieurs châteaux qui
étaient munis d’escaliers qui allaient dans le sens des aiguilles
d’une montre. Ça c’était pour déboussoler du monde pas fin qui
venait attaquer parce que la plupart du temps y tenaient les épées
dans la main droite. Pas commode pour bloquer un coup d’hache de
même quand quelqu’un est plus haut, on va juste vous dire ça.