Les jouets en fer-blanc ne datent pas d'hier. Ils sont apparus au début de le seconde moitié du 19è siècle en Allemagne et, une fois fabriqués avec ce matériau ils étaient peints à la main par des artisans. Pas besoin de dire que le succès a été instantané. Un peu plus tard on a installé dans certains de ces jouets des petits mécanismes qui permettaient alors des petits mouvements mécanisés quelconques qui faisaient la joie des enfants.
Un peu avant le 20è siècle on a élaboré une nouvelle technique permettant d'imprimer des motifs directement sur la tôle en utilisant le procédé lithographique dit «offset». Un fois les motifs imprimés sur les plaques, celles-ci étaient envoyés sous une presse qui leur donnait leur forme finale. Il ne restait plus qu'a assembler les composantes, à l'empaqueter et ils étaient prêt à partir pour les boutiques de jouets. L'Allemagne a été un très grand producteur de jouets en fer-blanc avec des compagnies solidement établies comme Bing, Fleischmann, Ghuntermann, Marklin et Lehmann, laquelle exportait plus de 90% de sa production.
Un des pays où étaient expédiées ces exportations était le Japon et l'arrivée massive de jouets allemands de grande qualité a motivé certaines compagnies japonaises, comme Meiji et Taisho, à emboîter le pas. Il a toutefois fallu un certain temps pour l'industrie japonaise parvienne à un rythme de production appréciable mais un fois la cadence atteinte, le Japon a carrément éclipsé l'industrie allemande et la liste de compagnies japonaises qui fabriquaient des jouets en fer-blanc s'est rapidement allongée. Les États-Unis n'étaient pas en reste puisque leur production de jouets en fer-blanc a décollé au moment où des mines en Illinois on alors fourni aux compagnies des quantités phénoménales de matière première. Les jouets américains n'ont toutefois pu connaître leur essor qu'après la Première guerre, alors que le sentiment anti-Allemand était très fort. La plus grosse et la plus populaire des compagnies américaines dans ce domaine était bien entendu Louis Marx & Co., compagnie importante sur laquelle je reviendrai un jour.
La Seconde guerre, comme on le sait, a temporairement mis un frein à toute cette industrie mais dès le conflit terminé le Japon a repris la production, offrant cette fois des catalogues extraordinairement variés qui comprenaient des camions, des trains, des fusées, des robots, des bateaux et bien d'autres. Ceux qui étaient destinés au marché américain portaient cependant la mention «Foreign» afin de rendre les relations commerciales plus aisées. L'inscription «Made in Japan» est arrivée plus tard. Au milieu des années 50 les jouets en fer-blanc japonais ont commencé à intégrer des petits circuits électroniques modestes qui permettaient de produire des sons et des jeux de lumières qui, on le devine, passionnaient les enfants. Quelques années plus tard près de 60% des jouets exportés par le Japon étaient en fer-blanc et dont voici quelques exemples.
Tout enfant ayant grandi dans les 50 et 60 a certainement eu en ses mains au moins un de ces jouets japonais. Aussi, ils n'étaient pas vraiment dispendieux et on pouvait les trouver à peu près partout. Ici à Montréal on pouvait compter sur les gros joueurs comme Simpson's, Zellers, La Baie, Eaton et autres mais aussi dans ces magasins de jouets de quartier comme le Bric à Brac sur la rue Ontario et qui existe encore. D'autres magasins, comme les fameux 5-10-15, ancêtres des magasins à $1, en tenaient toujours une bonne quantité en inventaire. Tenez, me voici durant les années 60, sur le balcon arrière et visiblement heureux de pouvoir m'amuser avec une voiture de police Cadillac motorisée avec gyrophares clignotants.
Les années 60 ont cependant marqué le glas de l'industrie japonaise des jouets en fer-blanc, motorisés ou non, en raison de l'arrivée massive des jouets en plastique, plus durables et surtout, beaucoup moins coûteux à produire, sujet dont il sera également question un jour. Par contre ce n'est pas parce que l'industrie japonaise du jouet en fer-blanc s'est tournée vers autre chose que le créneau est demeuré vide pour autant. En fait c'est la Chine qui s'est alors mise à produire des jouets en fer-blanc. Un autre sujet que je creuserai éventuellement.
Il y a de cela quelques années, au hasard d'une vente de garage découverte sur mon chemin, je suis tombé sur un petit bijou de jouet en fer blanc, en occurrence une magnifique locomotive motorisée de dimensions appréciables. Elle avait préalablement achetée aux États-Unis lors de la fermeture d'une vieille boutique de jouets et la locomotive faisait partie d'un lot demeuré invendu, c'est donc dire que la locomotive n'a pratiquement jamais été sortie de sa boîte, sinon très peu. Le monsieur a vu mon émerveillement et mon enthousiasme me la gentiment laissée pour quelques dollars seulement.
En revenant chez-moi j'ai évidemment admiré cette magnifique prise et je n'ai pas pu m'empêcher d'y insérer trois piles "D" pour ensuite faire glisser le bouton de mise en marche. Quelle n'a pas été ma surprise de constater que la locomotive fonctionnait parfaitement. elle avançait, reculais et tournait de façon aléatoire tout en faisant un bruit de sifflet. quant au mécanicien il se dandinait de gauche à droite comme pour voir où il allait et la chaudière s'allumait d'un rouge vif.
Regardons-y de plus près.
Comme on peut le constater, les couleurs appliquées sur le métal sont encore bien vives.
Les roues ne tournent évidemment pas, elles ne font figure que de décoration. L'agencement des roues imprimées, soit deux roues de guidage avant, huit roues motrices ainsi que quatre roues porteuses arrières nous indique qu'il s'agit d'une locomotive de type «Berkshire», une locomotive au design ingénieux qui a connu un très bon succès sur les rails. Google Images en donne de très bons exemples. Toutefois, on a opté de peinturer la locomotive de couleurs vives et éclatantes, ce qui n'est pas sans rappeler, par exemple, la fameuse locomotive à vapeur «Daylight». On aperçoit toutefois, en-dessous, les deux roues qui sont montées sur un pivot et qui permet à la locomotive de tourner dans un sens comme dans l'autre. Elles servent également de roues motrices pour faire avancer.
On note des détails intéressants comme les rampes de chaque côté. Sur les vraies locomotives ces rampes permettaient au mécanicien et autres de pouvoir s’agripper lorsqu'il devait monter sur la locomotive. Le devant de la bouilloire comprend également une belle reproduction imprimée des nombreux écrous ainsi que des gonds qui permettaient d'ouvrir le devant de la bouilloire. Ce qui n'est évidemment pas le cas sur ce jouet.
Ah, et voici le mécanicien de la locomotive bien penché pour voir où il s'en va. En réalité, le mécanicien était celui qui opèrait la locomotive et sa place était à droite. À gauche se trouvait le chauffeur, soit celui qui faisait «chauffer» la chaudière soit avec du charbon ou de l'huile lourde dite «bunker». Le trme «chauffeur» est toutefois demeuré pour identifier ceux qui conduisent des autobus et des camions. Ici toutefois notre mécano semble assez compétent et expérimenté pour tout faire toute seul. Faut dire aussi qu'il n'a pas à se promener sur les rails ni à obéir aux nombreuses restrictions ferroviaires. Un salon ou une chambre d'enfant c'est beaucoup plus simple. Et plus sécuritaire aussi.
Modern Toys aurait pu se contenter d'une simple cheminée imprimée mais on a opté d'en faire une plus vraie. Sur une locomotive à vapeur c'est de cette cheminée que s'échappent les gaz de combustion provenant de la chaudière ainsi que la vapeur expulsée des piston, cette dernière produit un effect de succion qui aide à aspirer les gaz de combustion en question. On l'a ici peinte d'un beau rouge attrayant.
Comme mentionné plus haut, voici la chaude lueur de la chaudière. Lorsque le jouet est en fonction la lumière à l'intérieur clignote afin de véritablement donner l'impression d'un feu qui brûle.
Ce que l' on voit ici sont les tuyaux qui sont connectés à un réservoir de sable. Ces tuyaux descendent vers le bas et s'arrêtent devant les roues motrices. Si les rails sont mouillées ou enneigées ou que la locomotive nécessite une traction supplémentaire, le mécanicien activait un levier qui faisait jaillir du sable devant les roues motrices, aidant ainsi ces dernières à mieux saisir les rails et à moins glisser. La véritable locomotive Berkshire possédait généralement six de ces tuyaux de chaque côté.
Et voici la boîte originale où la locomotive est bien reproduite, incluant le mécanicien qui se penche. C'est au coin inférieur droit qu'apparaît le logo du fabricant soit Modern Toys. sur le côté, qu'on ne voit pas ici, se trouve l'étiquette de prix; $4.97. Voici d'ailleurs un petit vidéo que j'ai tourné et où on voit la locomotive en action. faut excuser le mouvement un peu lent, les piles que j'ai insérées approchent l'âge de la retraite.
Le saviez-vous? Aujourd'hui si la Chine continue toujours de produire des jouets en fer-blanc et de les vendre à prix raisonnable, ceux fabriqués au Japon durant les années 50 et 60 sont ceux que les collectionneurs pourchassent avec beaucoup d'énergie et, selon la condition, certains items peuvent commander des prix assez surprenant, allant de quelques dizaines pour ceux ayant du «vécu» à plusieurs centaines et parfois plus pour les modèles rares encore intacts dans leurs boîtes.