C'était bien inévitable, la rentrée scolaire tant redoutée s'amenait lentement, telle une créature impitoyable comme on en voit parfois dans les films d'horreurs. On tâchait de ne pas y penser mais le blues de la rentrée faisait aller ses longues et sinistres tentacules bien avant le début de septembre. Au début du mois d'août, plutôt, alors que l'on recevait à la maison la grotesque liste des effets scolaires à acheter avant ladite rentrée. Ce n'était, au demeurant, qu'une simple enveloppe de papier qui tombait dans notre boîte aux lettres mais le bruit qu'elle faisait s'apparentait davantage au glas lugubre d'un clocher qui annonce les funérailles des vacances d'été. Et pourtant, de ces vacances, il nous en restait encore une solide moitié à profiter de.
Vers la moitié du mois d'août, alors que l'on tentait de faire se disperser les brumes étouffantes de la rentrée en maximisant le plus possible nos journées, on se rendait à la papeterie du quartier pour y cueillir tout le matériel requis. Inévitablement on y rencontrait d'autres gamins, aussi accompagnés de leurs parents. On en connaissait certains, d'autres pas, mais on partageait tous cette moue déconfite qui trahissait notre réelle impuissance et surtout, notre grand désarroi. On ne se parlait pas, un échange de regards suffisait et en somme, résumait tout ce que l'on avait besoin de se dire. Une fois les babioles pesées, payées et emballées, on quittait, l'air encore plus penaud qu'au moment où nous étions entré. Le seul élément positif était que la liste en question ne faisait que les trois-quarts d'une page, et non soixante-quinze comme aujourd'hui. Ah non, je plaisante, mais quand même.
Vers la moitié du mois d'août, alors que l'on tentait de faire se disperser les brumes étouffantes de la rentrée en maximisant le plus possible nos journées, on se rendait à la papeterie du quartier pour y cueillir tout le matériel requis. Inévitablement on y rencontrait d'autres gamins, aussi accompagnés de leurs parents. On en connaissait certains, d'autres pas, mais on partageait tous cette moue déconfite qui trahissait notre réelle impuissance et surtout, notre grand désarroi. On ne se parlait pas, un échange de regards suffisait et en somme, résumait tout ce que l'on avait besoin de se dire. Une fois les babioles pesées, payées et emballées, on quittait, l'air encore plus penaud qu'au moment où nous étions entré. Le seul élément positif était que la liste en question ne faisait que les trois-quarts d'une page, et non soixante-quinze comme aujourd'hui. Ah non, je plaisante, mais quand même.
Voici quelques uns des cahiers d'exercice typiques du temps où j'étais écolier. Les fameux cahiers Canada avec, en couverture, des scènes bien typiques.
L'intérieur d'un cahier avec ses lignes et interlignes conçues spécialement pour la gente du primaire.
Et le verso qui comprenait les tables de mathématiques auxquelles on ne pouvait échapper. Plusieurs vont certainement se rappeler passer de longs moments à mémoriser ces foutues tables.
Mais ce n'était pas terminé, que non! Encore fallait-il magasiner de nouveau, cette fois pour des vêtements, car nous avions, pour la plupart, outre-grandi nos fripailles de l'année précédente. Ah, peut-être pas de beaucoup, mais il était nettement plus confortable de grandir dans du linge un peu trop grand que d'avoir continuellement l'air de quelqu'un dont le sous-sol est inondé en permanence.
Pour les manuels scolaires, ça dépendait de l'institution que l'on fréquentait. Dans certains cas il fallait aller acheter les livres, un exercice tout aussi démoralisant, sinon plus, qu'aller acheter les effets scolaires. C'était surtout parce que l'on avait déjà un aperçu des fariboles que les professeurs s'activeraient avec un acharnement dévoué à nous enfouir profondément dans le crâne durant les prochains mois. Ces livres-là, comme ils nous «appartenaient», on pouvait gribouiller dedans (rien de plus jouissif que de fignoler des soucoupes volantes détruire des problèmes de mathématique avec des rayons lasers) et, bien entendu, les conserver à la fin de l'année.
Dans d'autres cas, les livres se trouvaient déjà à l'école dans des armoires et les élèves se les passaient d'année en année. À la fin complètement se trouvait un Ex Libris où l'on inscrivait notre nom et l'année scolaire en cours et l'on pouvait du même coup voir tous les pauvres ilotes qui avaient ramé dans la galère au son du tambour avant nous. Signe de la désuétude, certains manuels dataient des années 50, comme le fameux manuel de mathématiques Beaudry, où les livres d'histoires pondus par les Frères des écoles chrétiennes à la même époque. C'est tout dire.
Voici le livre de lecture que j'ai eu en deuxième année et ce, même si c'était à l'usage des élèves de cinquième.
Je n'étais pas encore né lorsque ce livre a été publié et distribué dans les écoles. Notez, avec amusement peut-être, que le matériel scolaire destiné aux élèves devait être dûment approuvé par le Comité Catholique du Conseil de l'Instruction Publique, une sorte de création hybride de gouvernance dont la tâche consistait à superviser et contrôler jusqu'à un certain point la partie catholique du système public d'éducation québécois. En 1960 il ne restait plus que trois ans avant que ce comité ne soit aboli pour être remplacé en 1964 par le Sinistère... pardon, le Ministère de l'Éducation du Québec.
Toujours en deuxième année, mon livre de sciences, écrit par le très excellent Fernand Séguin. Çui-là, je l'aimais bien parce que Séguin était un vulgarisateur très habile.
Les Éditions du Renouveau Pédagogique qui ont édité ce livre, ont fait une très grosse erreur en utilisant des petites voitures Dinky afin d'illustrer certaines explications. Ça ne prenait que ça pour je m'évade et me mette à m'imaginer jouer avec ces voitures.
Mon livre de grammaire de sixième et dont les illustrations à l'intérieur ont été torchées par un chimpanzé en boisson.
Et le clou dans le cercueil pour certains, il y avait l'achat du sac d'école, tout simplement parce que j'avais joyeusement oblitéré celui de l'année précédente. J'avais toujours professé un goût pour le sac à dos classique en cuir brun, parce que c'était vachement plus facile, et pratique, à transporter, surtout lorsqu'il était rempli de livres. Plutôt, on m'avait acheté le sac, également en cuir brun, qui ressemblait à une vieille valise et que l'on ne pouvait transporter qu'à la main.
Sitôt ces funestes obligations remplies, on pouvait respirer (un peu) pour les quelques semaines à venir tout en ne pouvant se soustraire à l'inévitable guillotine dont la lame s'abattrait sur nous plus rapidement que l'on ne le croyait.
Certains, plutôt extra-terrestres, aimaient la rentrée et tout son ténébreux décorum. Ils jubilaient même. L'extase qu'ils ressentaient avec l'achat des fournitures et des vêtements, n'avait d'égale que la première journée d'école proprement dite. Pour eux, la rentrée n'était rien de moins que le Jour J, l'ultime débarquement qui les délivrait de la vacuité des vacances d'été où l'absence de structure académique rigide les rendait dingues. Peu d'espoir pour ceux-là. Pour les autres, dont moi, la rentrée scolaire était telle que l'a si bien illustré Bill Waterson dans sa série Calvin & Hobbes:
Au jour fatidique il se trouvait un paradoxe assez singulier. Durant les vacances d'été je me levais toujours à l'aube et j'étais dehors au moment où mes amis en avaient pour quelques heures à ronfler encore. Mais au matin de la rentrée, j'étais une plaque de tôle, et mon lit un immense électroaimant. Déjeuner alors que le soleil se levait était une tâche qui s'apparentait maintenant à une corvée alors que durant les vacances il s'agissait d'un plaisir renouvelé. Fallait que je mette mes beaux pantalons, et mes nouveaux souliers en cuir qui, justement, faisaient couic-couic en marchant. Puis le chandail et finalement le veston, qui complétait parfaitement mon uniforme de prisonnier. Dans la rue le spectacle des enfants qui allaient vers l'école tentant de fuir la morosité en pensant aux amis qu'ils reverraient, détonnait foncièrement avec la veille, où le quartier était encore animé de gamins et gamines qui pédalaient et s'amusaient au parc en culottes courtes.
Un autre paradoxe était la température. Le jour avant la rentrée on se baladait à vélo avec un beau 22 ou 23 degrés et dès le lendemain, pouf! Ça chutait automatiquement de 10 degrés. Je ne sais pas pourquoi, c'était comme ça.
Au jour fatidique il se trouvait un paradoxe assez singulier. Durant les vacances d'été je me levais toujours à l'aube et j'étais dehors au moment où mes amis en avaient pour quelques heures à ronfler encore. Mais au matin de la rentrée, j'étais une plaque de tôle, et mon lit un immense électroaimant. Déjeuner alors que le soleil se levait était une tâche qui s'apparentait maintenant à une corvée alors que durant les vacances il s'agissait d'un plaisir renouvelé. Fallait que je mette mes beaux pantalons, et mes nouveaux souliers en cuir qui, justement, faisaient couic-couic en marchant. Puis le chandail et finalement le veston, qui complétait parfaitement mon uniforme de prisonnier. Dans la rue le spectacle des enfants qui allaient vers l'école tentant de fuir la morosité en pensant aux amis qu'ils reverraient, détonnait foncièrement avec la veille, où le quartier était encore animé de gamins et gamines qui pédalaient et s'amusaient au parc en culottes courtes.
Un autre paradoxe était la température. Le jour avant la rentrée on se baladait à vélo avec un beau 22 ou 23 degrés et dès le lendemain, pouf! Ça chutait automatiquement de 10 degrés. Je ne sais pas pourquoi, c'était comme ça.
Revoir les anciens camarades dans la cour d'école était une joie, bien entendu, mais de courte durée. On se racontait nos vacances, les endroits visités et tout, mais cette joyeuse civilité prenait justement fin lorsque l'institutrice s'amenait pour faire sonner la cloche qu'elle tenait à la main. Et du coup le bétail que nous étions se mettait en branle afin de se disposer en rang de deux, des plus petits aux plus grands. On entrait ensuite à l'intérieur où, dans la classe, on se choisissait un pupitre, à moins qu'il ne nous ait été préalablement réservé. Le siège dur donnait la mesure de l'année à venir en terme de confort, chose dont l'institutrice ne se souciait guère dans son trône de fer bien rembourré.
Maintenant ouvrez votre manuel de mathématiques à la page douze.
Le saviez-vous? La grande majorité des écoles japonaises n'ont pas d'employés d'entretien. Le nettoyage est assuré par l'ensemble des élèves, une pratique prenant racine dans la tradition bouddhiste où la propreté est associée à la moralité.
Le saviez-vous? La grande majorité des écoles japonaises n'ont pas d'employés d'entretien. Le nettoyage est assuré par l'ensemble des élèves, une pratique prenant racine dans la tradition bouddhiste où la propreté est associée à la moralité.