dimanche 15 janvier 2012

L'église Sainte-Anne

Le milieu du 19è siècle amène son lot d'immigrants à Montréal, des Irlandais en majeure partie, qui s'installent dans un coin que l'on connaît sous le nom de Griffintown. Ils forment l'essentiel de la force ouvrière de ce secteur. Les maisons qu'ils habitent sont rudimentaires, construites en bois et réduites pour la plupart à leur plus simple expression. Elles sont souvent tassées les unes sur les autres et se retrouvent bien souvent à proximité d'une usine. La vie de quartier se passe sous la fumée des grosses cheminées industrielles avec en prime tout le boucan qui vient avec. 

Vue d'une partie de Griffintown à la fin du XIXè siècle. Au premier plan dans le centre on voit l'église Sainte-Anne, le canal Lachine juste derrière et plus loin le fleuve Saint-Laurent et le pont Victoria.

Mais faut pas se le cacher, Griffintown c'est un coin pauvre, très pauvre. Les maisons n'ont même pas de toilettes intérieures alors les gens doivent utiliser la fameuse bécosse (de l'anglais back house). Les égoûts? Pensez-y même pas. Sauf peut-être lors de l’inondation de 1886, dont je vous ai déjà parlé, et qui a fait se déborder toutes les bécosses qui ont transformé les rues en égout à ciel ouvert.

Les Irlandais, très catholiques, pouvaient toutefois compter sur le clergé de l'église Sainte-Anne pour les aider dans l'adversité. Le magnifique bâtiment fut construit tout près du canal Lachine en 1854 et faisait partie intégrante de la vie communautaire. L'église parvenait d'ailleurs à fournir des vêtements et de la nourriture à ceux dans le besoin.

L'église Sainte-Anne, alors le cœur du quartier.

L'intérieur de l'église. 

En 1963 le maire Jean Drapeau, qui avait en horreur les vieux quartiers, décida tout simplement de faire disparaître Griffintown. Évidemment il ne pouvait pas arriver avec une armée de bulldozers (quoiqu'il n'aurait pas détesté l'idée), alors il s'y est pris de façon beaucoup plus pernicieuse: il a commencé par changer le zonage de Griffintown, le faisant passer de résidentiel à industriel. Ce faisant, la construction de résidences était alors interdite advenant une démolition ou incendie d'un immeuble. Les écoles, faute d'enfants ferment. Peu à peu, des résidents ont entrepris de migrer vers d'autres quartiers mais malheureusement le quartier se saigne inexorablement de ses résidents. L'église Sainte-Anne n'a pas pu subvenir à ses besoins bien longtemps et en 1970 les bulldozers sont à pied d'oeuvre et l'église est tout simplement démolie, et le secteur est pratiquement mort, certainement à la grande joie du maire Drapeau. 

Le parc, vu du haut des airs. On voit très bien les fondations de l'ancienne église.

Que reste t-il de l'église Sainte-Anne aujourd'hui? Assez curieusement, plutôt que de bâtir des condos (malgré que le voisinage n'échappera pas à ce sort j'en suis certain) on a aménagé un espace vert qui porte le nom de parc Griffintown-St-Ann où l'on a laissé une bonne partie des fondations originales de l'église. Dans ces ruines on a installé des bancs de parc quelque peu orientés comme l'étaient les bancs d'église dans le temps. On peut y voir un bout d'escalier par-ci, des morceaux de pierre avec bas-reliefs par-là. Et bien entendu, une plaque près de ce qui fut l'entrée et qui explique un peu ce qui fut là dans le temps. Voici d'ailleurs quelques photos du parc et ses vestiges, prises en 2010.








Le saviez-vous? Le nom de Griffintown est dû à Mary Griffin, épouse de Robert Griffin, un savonnier et dont le partenaire Patrick Langan profite de l'absence de ce dernier pour vendre illégalement le fief à Mary, laquelle fait développer le secteur. 

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