Les plus vieux vont certainement se souvenir de cette chaîne de magasins tout à fait particulière qu'on retrouvait un peu partout au Québec. On connaît tous le modèle de magasin à rayons traditionnel; on se promène dans les différents départements où l'on a un accès direct à la marchandise. On prend ce dont on a besoin (ou que l'on croit avoir besoin) et puis on s'en va payer à la caisse. Il y a des avantages mais aussi des inconvénients comme des clients qui peuvent échapper de la marchandise et la briser tout comme le risque de vol à l'étalage.
Chez Distribution aux Consommateurs, surnommé DAC, ce n'était pas pareil. La surface chez DAC était divisée en deux parties: celle pour les clients qui représentait peut-être 20% et celle de l'entrepôt qui occupait le reste. En aucun temps ni sous aucune circonstance les clients n'avaient accès à la marchandise avant de l'avoir commandée.
Pub de 1987. Ouch!
Ça fonctionnait comme suit: les clients entraient dans le magasin où il y avait plusieurs tables hautes sur lesquelles se trouvaient des catalogues. Les gens feuilletaient ceux-ci en recherchant ce dont ils avaient besoin et c'était facile parce que les catalogues DAC étaient fichument bien divisés, clairs avec de bonnes explications. Quand les gens avaient trouvé ils prenaient un bon de commande sur lequel ils inscrivaient le numéro de l'item en question. Chaque article avait son propre numéro unique.
L'étape suivante était de se rendre au comptoir où une employée vérifiait dans le régistre si l'item était disponible ou non. S'il ne l'était pas l'employée pouvait vérifier si un magasin avoisinant l'avait en stock. La compagnie se faisait souvent fustiger pour ne jamais avoir les articles voulus en stock mais bien souvent il s'agissait d'articles très populaires alors ils partaient vite.
Si l'item était disponible alors l'employée déposait le bon de commande dans un petit panier situé à l'arrière où il y avait une ouverture dans le mur et qui donnait sur l'entrepôt. C'est là que se trouvaient ceux que l'on appelait les «pickers», soit ceux qui allaient chercher la marchandise pour l'amener à l'avant mais dont les clients ne voyaient que les mains. L'entrepôt avait cet aura de mystère pour les clients qui se demandaient bien comment ça fonctionnait. Je vais donc en profiter aujourd'hui pour vous le révéler, tout simplement parce que votre humble serviteur a travaillé comme «picker» dans sa tendre jeunesse au DAC situé sur Jean-Talon près de Viau et dont le magasin portait le numéro 112.
Pub de 1985.
L'entrepôt était divisé en rangées longues et étroites. Les étagères, hautes d'une quinzaine de pieds en moyenne, n'étaient séparées quant à elle les que par quelques pieds. Les items se trouvant en bas étaient évidemment faciles à prendre mais c'était souvent une autre histoire pour ceux situés en haut complètement. Prendre l'escalier sur roues était une solution pratique mais dans les grosses périodes de pointe on pouvait pas se le permettre alors on grimpait comme des singes. Les bottes de sécurité étaient obligatoires, bien entendu. Grimper n'était pas dangereux si on faisait attention mais fallait tout de même faire gaffe. Ainsi, j'ai déjà été pris très haut dans une situation précaire avec un Hibachi (un petit BBQ en fonte relativement lourd) dans les mains avec un pied sur l'étagère de droite et l'autre sur celle de gauche alors que ma tête frôlait le plafond. Pour ne pas tomber en bas j'ai dû lâcher le Hibachi dans un fracas mémorable. Généralement les gros articles et ceux qui étaient lourds étaient placés près du sol alors que les autres se retrouvaient plus haut. Il y avait toutefois des exceptions causées souvent par des manques d'espace ou encore parce qu'il fallait respecter la numérotation. Le Hibachi en est un bon exemple, heureusement ce n'était pas trop fréquent.
Retrouver les items était facile et rapide parce que la classification, utilisant des lettres et des chiffres, était absolument géniale. Personnellement je n'ai mis que très peu de temps à maîtriser le concept et en moins de deux je pouvais aller chercher à peu près n'importe quoi n'importe où en très peu de temps. C'était devenu une seconde nature.
Quand il n'y avait pas de périodes de pointe alors on se promenait dans les allées à s'assurer que les articles étaient bien placées là où ils devaient être et aussi à mémoriser l'emplacement de ceux-ci. Ça aidait beaucoup lorsqu'arrivait un camion de 45 pieds bien plein puisque l'on pouvait placer rapidement les choses là où elles devaient être. Cependant, rien de pire qu'une telle livraison qui arrivait durant un période de pointe. Évidemment on faisait attention pour ne rien endommager mais savoir attraper un ballon de football s'était avéré vachement pratique.
Les périodes de pointe à l'arrière, dont je parle un peu plus haut, étaient assez rocambolesques et bien entendu complètement invisibles des clients. Ceux-ci voulaient parfois tellement d'articles qu'ils remplissaient jusqu'à trois bordereaux (sur lesquels on pouvait inscrire quatre articles) et on ne pouvait remettre au comptoir qu'une commande complète, ce qui prenait évidemment du temps puisque l'on courait aux quatre coins de l'entrepôt. Avec un peu de chance les articles demandés étaient petits mais à d'autres moments il n'y avait que du gros stock; aspirateur, jeu de hockey sur table... Bref, être «picker» pouvait être exigeant mais je peux vous assurer qu'on ne s'ennuyait jamais une seconde.
Une fois les articles ramassés et déposés à l'avant les employées les prenaient pour les emporter au comptoir afin que les clients puissent les évaluer et dans certains cas vérifier s'il n'y avait pas de morceaux cassés ou manquants. S'ils étaient satisfaits ils payaient et emportaient.
C'est dommage que cette chaîne ait fermé, parce que je l'aimais bien moi ce magasin, et pas seulement parce que j'y ai travaillé pendant que j'étais étudiant mais aussi parce que lorsque j'étais gamin il n'y avait pas de plus grand plaisir à l'approche des fêtes que de recevoir le volumineux catalogue DAC pour le feuilleter encore et encore. D'ailleurs, dans le film 1981 de Ricardo Trogi, le jeune (qui joue le rôle de Trogi à l'âge de 11 ans) trippe carrément sur ledit catalogue.
Le saviez-vous? Le premier magasin Consumers Distributing est ouvert en 1957 à Toronto mais ce n'est qu'en 1971 que le premier est inauguré au Québec. À son apogée, l'entreprise exploitait 219 points de vente au Canada et 153 aux États-Unis.
J'ai le catalogue 1981 de DAC (entre autres) et c'est pas le même que dans le film (mais bon, ça passe pareil). :) J'aimerais bien scanner les catalogues que je possède, mais c'est pratiquement impossible de le faire sans scrapper la reliure. Vu que je n'ai pas d'exemplaire en double, je n'ai pas encore figuré la meilleure solution possible (à part de scanner comme un moine en essayant de casser la reliure le moins possible).
RépondreEffacerJ'avoue que c'est très délicat. J'ai le même problème avec un catalogue Eaton 1924 de grand format que je ne peux évidemment pas numériser à cause de sa fragilité. Avant il existait des numérisateurs à la main avec lesquels on pouvait balayer des pages mais je ne crois pas que ces modèles soient encore fabriqués...
EffacerPluche
Il y a encore des scanners à main en vente.Une recherche rapide sur internet permet d'en trouver plusieurs,comme sur ce site:
Effacerhttp://www.tigerdirect.ca/applications/category/category_slc.asp?CatId=295&name=Handheld
Normand
Je me souviens très bien du DAC de la Place Versailles,où c'était l'enfer à l'approche des Fêtes...et l'enfer de retourner un article après les Fêtes.Par contre,leurs prix étant plus bas qu'ailleurs,on acceptait cet inconvénient.
RépondreEffacerSavez-vous pourquoi la chaîne a fermé? Ont-ils fait faillite?
Normand
La chaîne a fait faillite en 1996. D'abord la récession ne leur avait pas fait de bien puis il y a eu l'arrivée de la chaîne Walmart au Canada. On peut aussi inclure dans tout ça la réputation qu'avait le magasin de ne jamais avoir les articles désirés en stock.
EffacerPluche
À Lévis il n'y avait pas autant de problèmes d'articles pas en stock et c'était pas trop long l'attente si tu achetais tes cadeaux à l'avance, mais aux fêtes il fallait attendre très longtemps. Que de souvenirs de regarder le catalogue. Vous pouvez consulter les sections électroniques des catalogues 1987 et 1996 ici http://www.cdarchive.ca/ (que les jeux SNES était dispendieux au Canada dans les années 90...). Aussi j'ai une facture de DAC dans le livret de NHL 94 sur Sega Genesis. Aujourd'hui ça fonctionnerait bien au Québec ce genre de magasin si les prix étaient compétitifs. Un peu plus cher que sur Ebay, mais au moins ce serait moins long pour attendre ton item et tu économiserais quand même.
RépondreEffacerMerci pour le lien. Quant au temps d'attente durant les Fêtes, il était malheureusement dû aux clients qui inscrivaient beaucoup trop d'articles sur leurs bons, ce qui faisait que l'on devait courir sans bon sens d'un bout à l'autre de l'entrepôt. J'avoue toutefois me demander pourquoi diable je n'ai pas conservé de catalogues de l'époque...
EffacerPluche
Je préfère la pub de RBO à l'original ...
RépondreEffacer