C’était
quelque part en 1980. J’étais assis devant le téléviseur, un
Électrohome, sur lequel était branché un magnétoscope, un
câblosélecteur Jerrold et une console de jeu Intellivision. Je
venais de me taper une bonne heure d’Astrosmash
lorsque j’ai décidé d’aller me balader sur les différentes
chaînes, du canal 2 en montant. Clic, clac, clic, clac… C’était
le bruit ça faisait lorsque l’on changeait de poste avec le
bidule. Et puis je suis arrivé comme ça sur PBS, un poste que j’ai
toujours aimé, pour y apercevoir Carl Sagan qui parlait de l’espace
et de ses mystères. Curieux, j’ai feuilleté le guide horaire pour
savoir qu’il s’agissait d’une série qui portait le nom de
Cosmos.
Accroché
que je suis resté. Parfaitement fasciné parce que racontait le
bonhomme qui parlait de l’espace et de l’Homme avec une logique
implacable qui reposait sur la pensée critique ainsi que
l’observation scientifique, le tout d’une voix posée et
articulée. Il me faisait penser à cet autre série documentaire,
aussi sur PBS, et qui portait sur l’anthropologie, animée par un
vieux professeur aux grosses lunettes mais dont j’ai oublié le
nom.
Un
an plus tard je me trouvais dans les dédales du 2020 Université,
pour ceux qui se souviennent de ce mini centre commercial du
centre-ville, dans une librairie où, tout à fait par hasard, je
suis tombé sur le livre Cosmos, dont la série télé était dérivée
(et vice-versa). Le bouquin, format poche, était tout à fait dans
mes moyens alors je n’ai pas hésité à me le procurer.
J’ai
tout de suite commencé à le lire dans le métro en retournant
chez-moi et j’ai été assez aspiré dans ma lecture que j’ai
complètement oublié de descendre à ma station. Le bouquin a été,
comme ça, mon compagnon pendant d’innombrables voyages eussent-ils
été encore en métro, en autobus, en marchant dans la rue ou
confortablement assis dans le salon, au parc ou dans un café,
apprenant tout un tas de choses sur Mars, Vénus, Jupiter, les trous
noirs, les lois de Newton, Galilée, Copernic, Brahé, Ératosthène,
Pythagore, les effondrements gravitationnels…
Au
fil des ans, et des lectures successives, le livre a commencé à
s’abîmer légèrement au début avec la couverture qui a déchiré
ici et là, puis, plus sérieusement, lorsque celle-ci a complètement
été arrachée et que les pages ont commencé à se décoller.
Quelques unes au début puis par grappes de dix ou vingt par la
suite. À chaque fois je tentais du mieux que je pouvais de réparer
les dommages. Encore tout récemment j’ai dû lui appliquer de
bonnes longueurs de ruban adhésif à maints endroits en plus de
remplacer, pour la énième fois, la page couverture, cette fois avec
des retailles d’enveloppe. De nombreuses pages ont de menues
déchirures dont les plus grosse ont été soigneusement «scotchées»,
quantité de coins sont écornés, signes d’arrêts de lecture quelconques et je ne compte plus les surlignages. Voici d’ailleurs
de quoi la bête a l’air aujourd’hui après 32 ans de loyaux
services (et sévices):
Intéressant la petite coquille dans la page de gauche.
De
certains me diront qu’il serait temps que je m’en débarrasse, au
recyclage bien sûr, mais voyez-vous, je ne peux pas. D’abord parce
qu’un livre, à mon sens, ça ne jette pas, même au recyclage,
quand même bien il ne soit plus d’actualité. Et puis je dois
confesser que j’ai un attachement particulier avec ce bouquin-là.
Je sais toutefois pertinemment bien qu’à continuer à le
trimballer partout il va réellement finir par se détériorer, très
bientôt à ce que je peux prédire, au point où les réparations en
feront davantage un bricolage grotesque de papier collant qu’un
livre. Déjà qu’il ressemble à un Frankenstein littéraire. C’est
pourquoi je me suis résigné à l’envoyer prendre une retraite
bien méritée dans ma bibliothèque sans pour autant me priver de
son contenu. Comment?
Ta-daaam!
En
m’étant tout simplement procuré une nouvelle copie paperback,
en anglais cette fois (la version française étant parfaitement
introuvable). À peine acheté que j’ai déjà commencé à le
trimballer lui aussi, même qu'il commence à avoir quelques légères traces d'usure et chose certaine, dans un autre trente ans, il
aura vraisemblablement l’air de son prédécesseur, peut-être même pire. Y’a de ces
livres, comme ça, dont on ne se lasse pratiquement jamais.
Addenda :
La série Cosmos était
accompagnée d’une trame sonore largement signé par le compositeur
grec Evangelos
Odysseas Papathanassiou, mieux connu sous le nom de Vangelis, et dont
je me suis procuré la version en cassette, que j’ai encore.
Le saviez-vous? Les plaques qui se trouvent sur les sondes Pioneer 10 et 11 ont été conçues par Carl Sagan et Frank Drake (oui, celui de l'équation du même nom) alors que les illustrations de l'homme et de la femme nus a été réalisée par l'épouse de Sagan à l'époque,
Linda Salzman Sagan.