Les monstres à coller de la collection Aurora dans les années 60 et 70 étaient majoritairement fabriqués sous licence. En ce qui concerne Frankenstein, Dracula, le Loup-Garou et la Momie, et bien que ce soient des personnages issus du domaine publique, les représentations qu’en faisaient Aurora avaient été conceptualisées par les studios Universal avec leurs films classiques avec Karloff, Lugosi et Chaney jr., et celles-ci étaient protégées par des droitsd'auteur. Quant à Godzilla et King Ghidorah ils étaient la propriété de Toho, donc aussi fabriqués avec pleine autorisation. L'autre truc c'est que pour tous ces personnages on connaissait bien les histoires à l'exception de deux modèles bien précis: la sorcière ainsi que le prisonnier oublié (dont je vous ai parlé dans cet article-ci et également dans celui-là), ce dernier ayant été le modèle le plus populaires de la collection et celui qui est le plus prisé des collectionneurs aujourd'hui. Même les autres monstres s'amusaient à assembler le modèle.
Mais toujours est-il que l’on ne savait absolument rien de ce prisonnier en question. Qui était-il? Depuis quand est-il là et surtout, comment s’est-il retrouvé dans une telle position? À cet égard, Aurora a donc voulu donner au personnage un peu de substance et on a confié à Robert Rosen la tâche d’imaginer l’histoire de l’infortuné squelette et à Tony William Sune le soin d’illustrer tout ça. Le récit a donc été publié vers la fin des années 60 en collaboration avec le magazine Creepy quoique je soupçonne possiblement aussi une parution dans Famous Monsters of Filmland.
Ce que l’on découvre c’est que le destin du prisonnier oublié découle d’une rivalité entre deux nobles italiens du moyen-âge qui se disputent le même territoire. Chacun exploite les habitants en les taxant à outrance mais ils en viennent à se rendre compte assez rapidement que ceux-ci, déjà pauvres, ne peuvent payer deux nobles. Ces derniers vont donc comploter pour s’éliminer l’un et l’autre. L’un des deux se retrouvera enchaîné au cachot et l’autre ne connaîtra pas de sort plus enviable.
L’histoire est tout de même assez courte et ces nobles qui taxent à outrance les habitants n’est pas sans rappeler ces fameux fermiers généraux de la France du 18è siècle et qui étaient décrits comme «…les sangsues du peuple, une peste qui infecte le royaume, une vermine qui dévore la nation.»1
Personnellement j’aurais préféré une histoire qui nous aurait rendu le prisonnier sympathique à son sort plutôt que d’en faire les restes d’un sinistre félon. On aurait ainsi pu s’inspirer, par exemple, de la légende du fantôme du château de Duntrune. Plusieurs années plus tard, la compagnie Polar Lights, ayant acquis les moules (et les droits) d’Aurora, a fabriqué une sorte de suite au prisonnier oublié de Castel Mare : le fantôme de Castel Mare, un modèle intéressant pas pire du tout.
Quoiqu'elles aient réellement existé au moyen-âge, les véritables oubliettes ne sont en réalité que bien peu nombreuses. Un certain nombre d'entre elles ont souvent été confondues avec des caves profondes. Ce que les archéologues ont aussi constaté c'est que plusieurs étaient en réalité des latrines, parfois des celliers ou des endroits pour conserver au frais de la nourriture.
1 Jean Kappel, « Les fermiers généraux », Nouvelle Revue d'Histoire, n°75 de novembre-décembre 2014, p. 51-53
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