(Photo: Collection personnelle de cartes postales)
Voici le Planétarium Dow que l'on peut voir sur cette carte postale issue de ma collection et comme on pouvait s'en procurer dans la boutique du Planétarium. Il s'agit vraisemblablement d'une photographie prise en 1966 ou 1967 car la statue de Copernic ne se trouve pas à son emplacement. Comme on le sait, la statue va être installée sur le site d'Expo 67 et ce n'est qu'après l'événement, soit en 1968, qu'elle va se retrouver face au Planétarium. Le cadran solaire équatorial quant à lui, est bien visible.
La brasserie Dow se trouve derrière et ce qu'il convient d'appeler "l'affaire Dow" (dont je vous ai parlé ici) et qui se déroule au moment où la photographie est prise. De l'autre côté de la rue on peut voir une autre brasserie: O'Keefe, aujourd'hui le bâtiment principal de l'École de technologie supérieure. Quoique pas exactement facile à voir, l'entrée principale de la brasserie O'Keefe est surmontée d'un indicateur de température et qui affiche ici 56 degrés. C'est en Fahrenheit, bien entendu. En Celsius ça nous donne un frisquet 13 degrés. Pas exactement chaud, surtout que cette photo semble avoir été prise en tout début d'après-midi. De l'autre côté de la rue il y a la gare du Canadien National construite en 1950 et qui a remplacé celle détruite dans un terrible incendie en 1948. Ce n'est pas une gare pour voyageurs mais bien pour la marchandise seulement. Et, fait amusant, on note parmi les voitures stationnées devant le Planétarium, une Volkswagen ainsi qu'une Mini Cooper.
Un bâtiment unique.
Le Planétarium Dow a fait partie du paysage montréalais pendant 45 ans, soit de 1966 à 2011 et plusieurs pensent, à tort, qu'il s'agit là d'une autre manifestation des grandes ambitions de Jean Drapeau alors que ce n'est absolument pas le cas. Doter Montréal d'un bâtiment consacré à la science astronomique était l'idée du docteur Pierre Gendron, un véritable passionné d'astronomie et aussi doyen fondateur de la Faculté des sciences de l'Université d'Ottawa. Mais bon, on a beau avoir de bien belles et grandes idées, un Planétarium, ça ne se construit pas comme ça.
Aux grandes ambitions, aux grands moyens.
Maintenant regardez la photo en haut et regardez derrière le Planétarium. Le bâtiment où l'on voit l'inscription "BRASSERIE DE MONTRÉAL - MONTREAL BREWERY" (avec le logo Black Label au milieu) est la fameuse Brasserie Dow. Il s'adonne que le docteur Gendron en était le président du conseil d'administration de la brasserie Dow. Fort de sa position et aidé de son enthousiasme, il a convaincu Dow de financer en totalité la construction d'un planétarium de calibre international lequel serait construit sur un partie du square Chaboillez tout juste en face de la brasserie.
Un planétarium moderne.
La réalisation des plans a été confiée au bureau d'architectes David-Barott-Boulva, lesquels ont pondu un bâtiment très élégant et directement inspiré de l'astronomie avec un toit rappelant la planète Saturne et ses anneaux. Avec sa brique beige et ses fenêtres verticales, le bâtiment offrait une apparence non seulement moderne mais aussi avec un style épuré. L'entrée du Planétarium se trouvait face à une courte rue qui joignait les rues Peel et de la Cathédrale.
Un intérieur tout aussi moderne et une étrange bestiole mécanique.
À l'intérieur se trouvait un corridor circulaire qui ceinturait la salle de spectacle. Ce corridor, qui semblait sortir d'un décor qui aurait très bien pu apparaître dans 2001 Odyssée de l'espace ou dans Cosmos: 1999, était sombre, muni d'un tapis et tapissé d'éléments didactiques rétro-éclairés car le corridor servait aussi d'exposition permanente où les grands thèmes de l'astronomie étaient expliqués. Au centre se trouvait la fameuse salle de spectacle avec un plafond en dome fait d'aluminium perforé et avec, en son centre, l'élément qui ne manquait jamais d'impressionner les visiteurs: là, monté sur un monticule, une étrange contraption fabriquée par Zeiss; c'était le planétaire.
Le planétaire Zeiss avec ses nombreux projecteurs mobiles. Derrière, on peut apercevoir une partie du dôme, lequel servait d'écran de projection. Il était surnommé "l'iglou".
Le planétaire Zeiss était en réalité un appareil contenant une centaine de projecteurs qui permettaient l'affichage sur le dôme d'images différentes. Les deux boules situées aux extrémités tournaient sur elles mêmes et l'appareil entier pouvait se pencher d'un côté comme de l'autre. Cette grande versatilité offrait l'occasion de présenter des spectacles uniques avec de multiples effets. Des hauts-parleurs disséminés dans la salle diffusaient une sonorité à 360 degrés alors qu'un astronome, installé derrière un pupitre aux commandes complexes, narrait le spectacle tout en voyant au bon déroulement des projections du planétaire qui accompagnait les explications.
Chronique d'une mort annoncée.
Le Planétarium, on le savait bien, avait visiblement besoin de grandes rénovations et on ne parlait pas ici de simplement peinturer les murs. Il suffisait de simplement passer devant pour s'en rendre compte. Aussi, le vénérable planétaire, malgré sa grande complexité, affichait son âge. Le modèle Mark II qu'il était faisait figure d'antiquité face aux instruments modernes lesquels sont beaucoup plus performants en plus d'occuper moins d'espace. Après avoir reçu plus de six millions de visiteurs et offert au-delà de 250 spectacles uniques en 58,000 représentations, on a un jour décidé, en 2011, d'amener la Planétarium derrière la grange et de l'achever. Il a depuis été remplacé par le Planétarium Rio Tinto Alcan, situé près du Biodôme. Quant au Planétarium Dow, il a été acquis par l'École de technologie supérieure, permettant ainsi de sauver l'immeuble d'une destruction dont on aurait bien pu se passer. Au moins on peut se soulager du fait qu'on ne l'a pas détruit pour y ériger, encore, des condos style clapier à lapins aux noms parfaitement soporifiques.
Le saviez-vous? entre 1923 et 2011, la compagnie allemande Zeiss a conçu et fabriqué plus de 631 projecteurs.