Nous voilà assis au
cinoche dans un de ces gros fauteuils muni d’un de ces supports
pour les barils de boissons gazeuses. Sur l’écran y’a ce dernier
gros blockbuster américain qui vous poivre les yeux et les oreilles
(mais pas le cerveau). Ça pétarade, ça pète, ça rugit et ça
détonne. Boum, crac! Des monstres se tapochent sur la tronche en se
lançant tout ce qui leur tombe sous la main; des voitures, des
camions, des trains, des avions, des buildings. Tiens-toi!
Même si ça décoiffe et
que ça impressionne nous ne sommes pas dupe parce qu’on sait très
bien que ce sont des images de synthèse
entièrement concoctées par des ordinateurs. La grande majorité des
films que nous voyons comportent en grande majorité de ces effets
spéciaux dont la quantité et la complexité peuvent varier selon le
genre et les besoins. Nous y sommes tellement habitués que nous ne
les voyons pratiquement plus. Au début ça impressionnait. Suffit de
penser au personnage du T-1000 dans Terminator 2, fait de
métal liquide, ou de l’extra-terrestre composé d’eau dans The
Abyss. Avec Jurassic Park la technologie numérique s’est
imposée et de ce fait, a pratiquement signé l’arrêt de mort des
techniques dites traditionnelles. C'est rapidement
devenu si avançé qu'il est possible de remplacer un acteur par un
personnage 3D avec une différence à peine notable.
Vous avez vu le péplum
Gladiator avec Russell Crowe? L'acteur britannique Oliver Reed y tenait le rôle de
Proximo et durant le tournage l’acteur est mort alors que la
photographie n’était pas terminée, Ridley Scott a donc dû faire
appel à la technologie numérique pour le remplacer dans les scènes
qu’il restait à tourner. Les gens n’ont pratiquement rien vu.Et c'était il y a plus de 10 ans.
Les catins numériques
animées par ordinateur c’est bien beau mais comme je le disais
plus haut, on le sait, on le voit que c’est de la synthèse. Comme
Yoda dans les prequels. Vous avez trouvé crédible le Yoda par
ordinateur? Je préfère largement la catin en caoutchouc manipulée
par Frank Oz.
Et tout ça, finalement,
pour en venir à mon sujet du jour. C’est de l’ami Jerry Scott
que j’ai appris la nouvelle. Ray Harryhausen, le génie des effets
spéciaux traditionnels est mort à l’âge de 92 ans.
(Crédit photo: Jerry Scott)
Harryhausen on le connaît
pour avoir animé quantité de monstres et bibittes diverses en
utilisant des petites marionnettes animées image par image et qui
étaient par la suite superposées à de vrais acteurs. Comme pour
les effets numériques, on savait que les bestioles contre lesquelles
se battait Sinbad ou Jason n’étaient pas vraies mais la technique
de Harryhausen fonctionnait tellement bien que ça nous foutait la
trouille à chaque fois et ce, même si on le savait parfaitement
bien.
Cependant, et bien qu’il
ait élevé la technique au rang d’art, le procédé d’image par
image n’a pas été inventé par Harryhausen. Faut tout de même
rendre à César ce qui revient à… O’Brien. Willis O’Brien. Il
s’agit du type qui a conçu les effets du film
King Kong
(RKO Radio Pictures) en 1933. O'Brien avait largement fait usage d'un
gorille miniature avec une armature articulée et qui permettait avec
la technique d'image par image et de jeux de caméra de donner
l'illusion que King Kong était bien réel. Pour 1933 en tout cas.
Ray Harryhausen,
fortement impressionné par King Kong, décida de se lancer
dans le métier. Un ami s'arrangea pour qu'il rencontre Willis
O'Brien lequel, après avoir observé les premiers efforts de
Harryhausen, lui conseilla de suivre des cours en arts graphiques et
en sculpture afin de parfaire ses talents.
Peu après la guerre
Harryhausen réalisa une bobine-démo qui contenait plusieurs de ses
projets et la montra à O'Brien qui l'engagea alors comme
assistant-animateur pour les besoins du film Mighty Joe Young en
1949. Alors que O'Brien se concentrait à résoudre toute une
multitude de problèmes techniques il laissa la majorité du travail
d'animation à Harryhausen. Ce travail valut à O'Brien de recevoir
un Oscar pour les meilleurs effets spéciaux.
En 1953 Ray Harryhausen
fut entièrement responsable des effets spéciaux du film The
Beast From 20,000 Fathoms et celui-ci connu un succès
international. C'est durant le tournage de ce film que Harryhausen
conçut sa méthode qui consistait à séparer l'avant et
l'arrière-plan, une technique un peu complexe qui lui permit de
mettre ses créatures en sandwich entre deux plans d'action contenant
de vrais acteurs.
Les créatures de
Harryhausen étaient fabriquées selon le même procédé qu’O’Brien
avait utilisé pour King Kong; une armature en métal articulée
était d'abord construite et laquelle était ensuite "habillée"
de caoutchouc-mousse habilement sculpté. C'est la mère de
Harryhausen qui assistait à la confection des peaux sur les
créatures alors que son père machinait les squelettes. A la mort de
ce dernier en 1973 Harryhausen engagea divers assistants dont un
taxidermiste qui aidait à la création des bibittes ayant de la
fourrure mais la plupart du temps Harryhausen travaillait seul. A ce
sujet, il dit:
"C'est une
profession solitaire, à tout le moins quand je travaillais sur mes
films, mais la solitude souvent accompagnée de frustrations et qui
me donnait du mal, était largement compensée par la joie qui
m'habitait de voir mes créatures bouger avec la même réalité que
les humains. La fait d'insuffler de la vie dans une de mes créations
et en même temps leur donner à chacun une personnalité propre rend
mon travail d'animateur unique et excitant."
Harryhausen ne se contentait pas de seulement animer les différentes créatures, il les concevait sur papier ainsi que les séquences d'actions dans lesquelles elles apparaissaient. Après quoi il les fabriquait lui-même avec différents matériaux.
Harryhausen conçut les
effets spéciaux de
Gulliver’s Travels (1960), de
Mysterious
Island (1961) et de ce que Harryhausen considère comme son
meilleur film,
Jason and the Argonauts (1963). Mais la
révolution culturelle des années 60 se prêta plutôt mal aux films
de fantaisie se déroulant dans des temps anciens et les studios
travaillaient fort pour dénicher de nouveaux publics tant et si bien
que Columbia ne renouvela pas le contrat de Harryhausen.
En 1967 il fut engagé
par Hammer Film Productions afin d'animer les dinosaures du film One
Million Years B.C., un film très apprécié pour les courbes
de Raquel Welch (qui n'était pas animée par Harryhausen) et de son bikini en fourrure.
Yowzer!
En 1969 Harryhausen
conçut de nouveaux d'autres dinosaures pour les besoins du film The
Valley of Gwangi, un film que Harryhausen avait voulu faire
depuis des années et dont le story-board avait été créé par son
mentor Willis O'Brien. Le film ne remporta malheureusement pas un
énorme succès au box-office. C’est un peu dommage parce que
techniquement, pour le temps, c’était très fort.
Au début des années 70
Harryhausen parvint à convaincre Columbia Pictures de ressusciter la
franchise de Sinbad le marin, ce qui mena à la production du film
The Golden
Voyage of Sinbad en 1973, mettant en vedette John
Phillip Law et Caroline Munro. Le film connut assez de succès pour
qu'un autre film,
Sinbad and the Eye of the Tiger, soit
produit et mettant en vedette Patrick Wayne et Jayne Seymour. Bien
que la photographie principale fut terminée en 1975 Harryhausen mit
deux ans à compléter le travail d'animation des différentes
créatures dont le fascinant troglodyte. Le film parut en 1977 et
connut lui aussi beaucoup de succès.
La séquence de danse avec Khali est toujours aussi impressionnante.
Le dernier film de
Harryhausen fut Clash of the Titans en 1981. Si le film se
classa en onzième position des films les plus populaires de cette
année-là mais la technique de Harryhausen commençait à paraître
vieillotte. La technique d'image par image continua toutefois d'être
utilisée, notamment par Phil Tippett, lequel décida carrément de
faire carrière dans l'animation après avoir vu le travail de
Harryhausen.
Apprendre son décès m’a
fait l’effet d’un coup de poing parce qu’outre Ray lui-même
c’est aussi tout un pan de mon enfance qui en prend un coup.
Qu’est-ce que je pouvais être excité lorsque mon père m’amenait
au cinéma Versailles pour voir le nouveau film de Sinbad. Pas
d’appareil vidéo dans le temps alors la seule façon de voir les
créatures de Ray était d’aller en salles. Et justement, assis
dans une de ces salles, popcorn à la main, il suffisait que je vois
le nom de Ray Harryhausen au générique du début pour mon cœur
batte la chamade juste à penser aux bibittes que j’allais voir.
Sur grand écran ça faisait son effet.
Merci Ray!
Saviez-vous ça vous autres? La séquence d'la bataille entre Jason pis les squelettes a pris quatre mois à faire. Pis une autre affaire, quand Pluche a écrit son article, excellent en passant, clap clap clap, on lui a demandé d'inclure une photo de Raquel Welch, parce que Raquel Welch. Mais y'a pas voulu parce c'était un article sur Ray Harryhauryryhauss... entéka. Faque on lui a dit, ok, s'correct. Pis là on a attendu pis on est venu faire les «modifications» nécéssaires. Tadaaam!