Montréal fut, pendant longtemps, connue comme étant la ville aux cents clochers. L’écrivain Mark Twain a dit de Montréal « …qu’on ne peut lancer un pavé dans n’importe quelle direction sans heurter un vitrail ». Twain exagérait un brin. Par contre on peut facilement s’imaginer l’étonnement d’un visiteur arrivant à Montréal de par le pont du Havre en 1930 et apercevant tous les longs clochers pointant haut vers le ciel.
Évidemment aujourd'hui y’a moins de clochers qu'avant. Les gens ne fréquentent presque plus. Et puis ça coûte cher à entretenir tous ces bâtiments. Certaines sont démolies, d’autres deviennent des friperies ou encore des condos. Il en reste néanmoins un bon nombre qui n’ont à peu près pas changé au fil des ans. C’est le cas de celle dont je vais vous causer un brin aujourd’hui.
C’était il y a quelques années. J’étais à arpenter le boulevard Saint-Joseph et ses environs lorsque j’en suis venu à passer devant l’église St-Pierre-Claver, près de De Lorimier. Je m'y suis attardé, histoire de faire quelques photos et du coup je me suis demandé s’il s’agissait toujours d’un lieu de culte ou si c’était maintenant devenu un restaurant de hamburgers. Comme les portes étaient ouvertes j’ai risqué un œil à l’intérieur. Sait-on jamais.
Première constatation; c’était toujours un lieu de culte. Personne à l’intérieur cependant alors j’ai commencé à prendre quelques photos. Pendant que je me faisais aller le kodak, un type, qui jusque-là se tenait debout dans l’entrée, s’est approché de moi pour visiblement piquer jasette. Il m’a d’abord parlé de la beauté de la bâtisse ainsi que du fait que tout à l’intérieur était d’origine. Tiens, que je me suis dit, c’est p’t’être le curé.
Puis il a glissé vers la construction, soit pendant la Première guerre. Il m’a ensuite mentionné les deux architectes; Jean-Omer Marchand et Joseph Venne, à qui l’on doit quantité de bien beaux bâtiments à Montréal. Mais c’est qu’il s’y connaît le bougre! Curieux tout de même, lui aies-je glissé comme ça, que l’église était ouverte mais complètement vide. Ah, mais ça, m'a-t-il dit, c’est parce qu’on attend un mariage, mais y sont une heure en retard qu’il me dit en regardant sa montre tout en tapant la vitre du doigt. Venez donc par ici, je vais vous faire un p’tit tour guidé de l’endroit.
Au fond, derrière l’autel, mon guide m’a montré le tabernacle. Plusieurs artisans ont contribué à sa construction; ébénistes, orfèvres, peintres… Très peu de choses ont changé depuis le temps où tout ça a été construit.
Ici on regarde vers l’arrière et on peut apercevoir, au balcon, l’orgue Casavant de même que les fresques au plafond. C’est une madame Delfosse qui a fait ça, en 1947 je crois, m’a indiqué mon guide improvisé. Puis, on s’est déplacé vers la chaire. Ça c’est ce genre de petit cubicule qui surplombe les bancs. Évidemment seul le curé y avait accès. Avec la permission de monsieur Janelle j’y suis grimpé et je dois avouer que la vue est intéressante.
Vous voyez le banc avec les portes? me dit monsieur Janelle. Eh bien c’est là que s’installait les gens de la Fabrique durant la messe. Comme ça, d’où il était, le curé était en ligne directe avec eux s’il avait quelque chose à leur dire. On continue.
Ça c’est un des nombreux luminaires latéraux qu’on retrouve dans l’église. La par contre on s’est un peu gouré dans la représentation parce qu’un chérubin n’est pas un p’tit bébé avec des ailes dans le dos, enfin pas si on se fie à la description qu’en fait Ezéchiel (Ez 10); «Chacun avait quatre faces ; la face du premier était une face de chérubin, la face du second une face d’homme, celle du troisième une face de lion, et celle du quatrième une face d’aigle.»
Ah, voilà l’un des nombreux calorifères. Ils sont encore fonctionnels, me dit monsieur Janelle. Chose certaine, durant les mois d’hiver les bancs adjacents devaient être assez populaires. Puis il m’invite à monter au balcon avec lui. À ce stade-ci je ne sais toujours pas s’il s’agit du curé, du vicaire ou bedon du bedeau. Les portes de l’église, si elles sont ben belles, affichent une certaine récalcitrance lorsque vient le temps de les ouvrir. Monsieur Janelle s’en excuse tout en riant. Puis on arrive audit balcon où la vue, faut que je l’avoue, est assez impressionnante.
Je ne peux m’empêcher d’aller z’yeuter le magnifique orgue Casavant avec ses trois claviers et ses nombreux tirants de jeux et appels de registres, lesquels permettent d’obtenir des timbres différents. Se retrouvent aussi les accouplements qui permettent de faire jouer sur un clavier ce que l’on joue sur un autre. Au bas, le pédalier, lequel est relié aux claviers par des tirasses. L’orgue est un instrument résolument complexe. L'orgue de facture Casavant en est un à trois claviers avec tirants de jeux et pédalier à marches parallèles. On voit ici monsieur Serge Jannelle en train de jouer une partie de Toccata & Fugue. Il fut étonnant de voir la façon dont un organiste s'attaque à cette pièce mais aussi de voir avec quelle docilité chaque touche pesée est interprétée docilement par l'orgue.
Sur l’orgue je ne manque pas d’y voir une partition musicale dont le titre m’est bien familier; il s’agit de Toccata & Fugue, largement attribuée à Jean-Sébastien Bach. Si, parce que certains spécialistes croient qu’elle serait plutôt l’œuvre de Johann Peter Kellner. Par contre, on retrouve dans cette composition des éléments qui sont caractéristiques des autres œuvres de Bach. C’est à ce moment que m’sieur Janelle s’est installé au banc de l’orgue et s’est identifié comme étant l’organiste titulaire. Etant illustrateur à temps perdu j'ai choisi d'illustrer ici la façon tout à fait véridique dont la pièce musicale s'est déroulée.
Je remercie encore une fois m’sieur Janelle pour m’avoir guidé à travers le bâtiment, de m’en avoir expliqué l’histoire, saupoudré le tout d’intéressantes anecdotes et bien entendu de m’avoir joué la première partie de Toccata & Fugue.
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