lundi 7 août 2017

Morceau de Montréal: Le Bellevue Casino

En 1920 après J.-C., toute l'Amérique du Nord était placée sous la prohibition. Toute? Non, quelque part au Canada, dans la province de Québec, le chef Louis-Alexandre Taschereau s'était arrangé pour aller dans le sens contraire et créer une Commission des liqueurs où non seulement l'alcool serait légal mais aussi contrôlé. 

Mais bon, trêve de clin d’œil à la bonne vieille Armorique, la prohibition a fait de Montréal la destination de rêve pour les amateurs de bière, vins et autres spiritueux. Par contre, à New York, la fermeture des bars fait que plusieurs artistes se retrouvent sans revenu et plusieurs, étant mis au fait du statut de la légalité de l'alcool au Québec, s'en viennent galoper de la galoche par ici. C'est comme ça que Montréal voit apparaître des cabarets un peu partout où l'on peut assister à des spectacles variées tout en consommant de l'alcool sans tracas. 

En 1933 la prohibition prend fin et aux États Unis c'est retour aux choses usuelles, de sorte que les artistes américains s'en retournent de par chez eux. Leur départ va porter un coup aux cabarets mais Montréal, avec ses salons de jeu et de paris, de même que par ses nombreuses maisons closes, s'est taillée une réputation de ville où l'on peut avoir du plaisir peu importe l'heure. La crise économique, puis, plus tard, la Seconde guerre, va quelque peu ralentir les choses mais tout de suite après les cabarets connaissent une sorte de renaissance et redeviennent plus populaires que jamais. On voit apparaître le El Morroco, le Casa Loma, le Tic Toc, le Roxy, le Gayety, où se produira d'ailleurs Lili St-Cyr, le Montmartre, Chez Parée, lequel accueille entre autres Sinatra, Davis et Martin, le Beu qui rit et bien d'autres.

Un des plus gros cabarets du genre, le Bellevue Casino, ouvre ses portes en 1949 au 375 Ontario Ouest tout près de Bleury. Depuis deux ans le bâtiment était toutefois connu comme étant l'Auditorium Dance Palace. C'est Harry Holmok, un homme d'affaires prospère et visionnaire, qui gère l'endroit. Non seulement on peut y accueillir une quantité très appréciable de clients mais la bière y est très bon marché. Combiné à des spectacles de qualité et hauts en couleurs, l'endroit ne manque pas de devenir un des plus populaires et des plus courus. Voici d'ailleurs un carton promotionnel de ma collection que j'ai numérisé pour l'occasion:

Comme on peut le voir ici, le nom du propriétaire, Harry Holmok, apparaît en haut. Les noms Komarova et Komaroff fait référence à Natalie Komarova conceptrice et productrice et du compositeur George Komaroff, qui avaient précédemment œuvré à Broadway ainsi qu'aux Folies Bergère à Paris. 

comme on peut le constater, la liste des artistes au programme était assez substantielle, et bien remplie. On note au passage le nom de Bix Bélair, le trompettiste et son orchestre, lequel a enregistré plusieurs 33-tours. Il y a Barbara Esko, une danseuse qui donnait parfois dans la "can-can". S'y trouve aussi Nicolas Darvas et sa demi-sœur Julia, lesquels forment un couple de danseurs très talentueux. Nicolas Darvas a d'ailleurs fait fortune avec des placements à la Bourse, ce qui n'Est pas étonnant puisqu'il avait une formation d'économiste à l'université. Mais ne vous y trompez pas, ils ne sont pas originaires d’Istanbul puisqu'ils sont originaires de Hongrie. John et René Arnaut étaient deux frères fantaisistes qui donnaient dans les numéros de clowns. Il se glisse dans cette page un petit détail graphique amusant; l'hôtel Lapointe, situé à St-Jérôme. Il s'agit sans doute ici d'une promotion croisée. L'hôtel Lapointe était un très bel endroit, fort populaire avec une magnifique salle à manger ainsi qu'un jardin chinois. 

(Photo: Collection personnelle de cartes postales)

L'endos du carton promotionnel. Ce dernier se déplie en grand format. On peut toutefois admirer ici quelques photographies de l'intérieur et qui donne une idée des spectacles présentés. Le mot où Harry Holmok invite les clients ne ment pas, le cabaret offre vraiment un divertissement de calibre international. 

L'endos du carton, lequel pouvait être détaché et utilisé comme carte postale, toujours avec des photographies des artistes se donnant en spectacle au cabaret. À noter le numéro de téléphone qui débute par PL, il s'agissait de l'ancienne numérotation et qui ici désignait ici Plateau. Chaque région de Montréal et des banlieues possédaient un jeu de deux lettres différentes. 

Le monde des cafés et cabarets en prend pour son rhume avec l'arrivée de Jean Drapeau, lequel veut «nettoyer» la ville. Les maisons de jeu et les bordels vont y goûter et indirectement, les cabarets vont en faire les frais. À son retour sur la scène municipale, Drapeau continue le travail qu'il avait amorcé et certains cabarets seront même démolis. À partir de ce moment Montréal n'est plus la ville festive d'autrefois avec ses spectacles continuels partout. Quant au Bellevue Casino, après avoir connu ses heures de gloire, il a officiellement cessé ses activités en 1965. Aujourd'hui, sur Ontario tout juste à l'ouest de Bleury, rien ne laisse supposer qu'il y avait là un jour un de grands plus grands et plus populaires cabarets au pays. Le Bellevue fait toutefois une apparition dans le roman The Long Blue Stare, de John Charles Gifford. 

L'emplacement de l'ancien Bellevue Casino. 

Le saviez-vous? L'apparition des cabarets francophones à Montréal comme le Faisant Doré, a permis à plusieurs artistes comme Dominique Michel, Raymond Lévesque, Paul Berval, Clémence Desrochers et Félix Leclerc, entre autres, d'y faire leurs débuts.

9 commentaires:

  1. Howdy!

    What was behind the Oriental gates on the right?

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    1. Hi Zeke, I assume you mean Hôtel Lapointe. It was Chinese garden where people could eat.

      Pluche

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  2. Montréal ville ouverte... Tres bien documenté merci !

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  3. Édith Piaf a chantée au Bellevue Casino du 4 au 10 juin 1959!

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    1. Quand je disais que l'endroit offrait du divertissement de calibre international, eh bien voilà. La grande Piaf! La môme elle-même.

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    2. Elle y a chanté "de justesse", sortant d'une opération grave à New York deux mois auparavant, son impresario a fait des pieds et des mains pour trouver des contrats, tous ceux de l'hiver et d'une partie du printemps étaient annulés. Le dernier passage d'Edith Piaf servit à payer les billets d'avion pour toute l'équipe (musiciens, secrétaire etc) et tenter d'éponger le déficit engendré par son hospitalisation.

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  4. La dernière image ne montre pas l'emplacement du Bellevue. Vous avez pris une photo du bâtiment situé sur la rue Ontario devenant Président Kennedy. Mais dans les années 1950 la rue Ontario à ce niveau passait où est maintenant le boulevard de Maisonneuve. Le tracé de l'actuelle rue Ontario n'existait pas avant 1964.

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    1. Merci beaucoup de ces précisions.

      Jessica Noa Lutra, éditrice et modératrice par intérim.

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