jeudi 25 avril 2024

La première fois

 

L'école secondaire a été pour moi tout un paradigme, comme pour bien d'autres aussi. Fini les enfantillages du primaire. Bienvenue dans la cour des grands! Parmi toutes les nouvelles découvertes que ledit secondaire m'a apporté, le plus important a été la musique. Depuis le premier secondaire, et grâce au grand frère de mon bon ami Arsenault qui lui était déjà en cinquième, j'ai pu m'immerger dans ce monde qui m'était alors à peu près inconnu. M'enfin, pas tout à fait inconnu, mais disons que j'en avais pas mal plus à découvrir que j'en savais.

 Dès le premier secondaire, durant les pauses, je me retrouvais avec Arsenault, son frère qui est accompagné de quelques amis de sa classe. Ça jasait musique. J'étais parfaitement néophyte. Les noms de groupes dont ils discutaient ne me disaient absolument rien. Ça parlait de différents types de rock aussi. La règle d'or, on le sait bien est que lorsque tu ne connais rien à un sujet donné, tu ne dis rien. Autrement dit: mieux vaut rester silencieux et passer pour un imbécile que de parler et d’éliminer tout doute raisonnable. 

Le frère d'Arsenault et ses amis n'étaient pas cons. Flairant mon ignorance parfaite, et au lieu de m'humilier comme d'autres l'auraient pas fait, ils m'ont, pour ainsi dire, pris sous leur aile. On va te faire découvrir différents groupes et styles, m'avaient-ils dit, fiers qu'ils étaient de se retrouver avec un adepte potentiel. Le lendemain, comme promis, ils m'avaient apporté une cassette. Oui, parce qu'il m'a donné un des meilleurs conseils en matière de musique: Ne. Prête. Pas. Tes. Disques. À. Personne. Niet. Zip. Nada. T'écouteras ça, m'avait-il dit, et tu nous en donneras des nouvelles.

Je me souviens encore de ce vendredi soir où j'avais glissé la cassette dans le magnétophone. J'étais seul ce soir-là. J'ai mis l'appareil en marche puis me suis installé dans le fauteuil. Y'avais du Deep Purple, du Bob Seger, et du Led Zeppelin. Il s'y trouvait aussi des pièces individuelles comme Long Cool Woman in a Black Dress du groupe The Hollies et Simple Man du groupe Lynyrd Skynyrd, entre autres. À ce moment, ces tounes dataient de quelques années mais je devinais tout de même leur styles intemporels. On va les écouter souvent, et pendant longtemps. 

Avance rapide en décembre 1979. À la pause on parlait abondamment de Pink Floyd, ce groupe de rock progressif qui nous avait donné, entre autres, l'album Dark Side of the Moon et avec lequel j'étais déjà familier, et qui vient de sortir un nouvel album intitulé The Wall, et dont on disait pas mal de bonnes choses. Il n'en fallait pas plus pour me convaincre.

C'est en janvier 1980, par un samedi après-midi, que j'ai pris le métro en direction du centre-ville. Chez Sam the Record Man, plus précisément. Un des meilleurs endroits en ville m'avait-on mentionné pour acheter des disques. Le personnel s'y connait tout plein. Cette boutique de disques et cassettes, qui comptait plusieurs succursales au pays, se trouvait sur Sainte-Catherine au coin de la rue Alexandre. Pas eu besoin de chercher longtemps pour trouver une copie de l'album The Wall. Je m'étais arrêté afin de compter mes sous, pour être certain que j'en avais assez. Le compte y était. En présentant l'album à la caisse je me suis soudain senti fier car non seulement j'achetais un album dont le groupe était fort populaire mais aussi parce c'était le premier album que je le payais avec mon propre argent. 

En revenant à maison je me suis installé dans ma chambre. La pochette n'avait rien de remarquable au niveau graphique. Un simple mur blanc dessiné avec des lignes noires. Avec mes écouteurs sur la tête, j'ai placé l'aiguille sur la face A du premier disque. L'expérience unique de cet opéra rock qui raconte l'histoire d'un rockeur nommé Pink et qui s'érige un mur psychologique et d'isolation sociale m'a littéralement foutu par terre. Toujours selon les conseils du frère de l'autre, je m'en suis rapidement fait une copie cassette afin de ne pas user les disques inutilement. 

Je possède toujours cet album dont les deux disques sont précieusement conservés dans leurs enveloppes originales et dont j'ai pris un grand soin. Depuis ce temps je me suis procuré un version en disque compact et l'album demeure le témoin important qui a marqué mon entrée dans le monde de la musique des "grands". 

L’œil avisé aura vite remarqué que je tiens l'album par le verso, répétant ici la même erreur que j'avais faite en l'ouvrant pour la première fois en 1980. 

L'intérieur de l'album, illustré par Gerald Scarfe.


 

Le saviez-vous? L'album tient son nom d'un incident survenu lors du passage de Pink Floyd au Stade olympique en 1977 où des spectateurs près de la scène avaient à ce point enragé Gilmore et Rogers que ce dernier disait qu'il aurait fallu construire un mur entre eux et la foule.


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