En 1903 William McFarlane Notman, fils célèbre photographe William Notman et très bon photographe lui-même, a pris plusieurs clichés dans Griffintown pour le compte d'un certain monsieur Meredith, dont on ne sait pas grand chose. Les résidents de Griffintown, on le sait bien, ont été parmis les plus pauvres de Montréal, mais ce qui est intéressant ici c'est justement de voir quel était cette pauvreté dans laquelle ils vivaient.
Fig. 1: Rue de l'Aqueduc, 1903. Crédit photo: Musée McCord
On commence avec cette bicoque, parce que c'en est une. Comme on peut le voir, le luxe n'est pas au rendez-vous. Cette maison (fig.1) sur la rue de l'Aqueduc est réduite à sa plus simple expression. Hormis la cheminée, elle est entièrement faite de bois, la brique même si elle était bon marché, était trop dispendieuse pour ces gens. Le terrain, visiblement en pente, a fait travailler la structure de la maison qui compte au minimum trois locataires; deux au rez-de-chaussé dont les portes se situent à gauche et à droite, et un autre en-haut dont l'entrée est au milieu. La rue est terre battue et les trottoirs en bois. Les fils électriques qui passent en-haut ne servent pas à alimenter les maisons, qui n'en ont pas, mais bien le réseau de la Montreal Street Railways, dont la centrale qui fonctionne au charbon (bonjour la qualité de l'air) n'était pas très loin.
Fig. 2: Rue Barré, 1903. Crédit photo: Musée McCord
Une autre demeure de bois (fig. 2) dont la cheminée, si elle existe, se trouve probablement derrière. Ses bardeaux, tout comme la toiture, ont vu de meilleurs jours. Deux familles y logent; l'une en-bas et l'autre en-haut. On remarque aussi l'absence complète de fondations, la maison repose directement sur le sol. Encore ici les fils électriques de la Montreal Street Railways qui semblent narguer les résidents.
Fig. 3: Rue Barré, 1903. Crédit photo: Musée McCord
La pauvreté de Griffintown ne pourrait pas mieux s'exprimer que par cette maison (fig. 3) sur la rue Barré. Sa structure entièrement de bois semble vouloir affaisser de par la toiture. Les planches de bois sur le devant semblent se tordre et la cheminée en pierre n'inspire visiblement pas confiance. Une porte rudimentaire donne accès à une cour sans aucun doute très petite. Cette maison, comme les autres du quartier, n'avaient aucune isolation et les hivers rigoureux devaient être assez éprouvants. Quelques autres détails attirent l'attention; il y a les nombreux fils de la Montreal Street Railways à l'arrière et l'autre maison derrière, dont on se demande si l'échelle posée sur la cheminée n'a pas été placée là pour empêcher cette dernière de tomber.
Fig. 4: Rue Barré, 1903. Crédit photo: Musée McCord
Toujours sur la rue Barré on aperçoit ici une maison (fig. 4) d'allure coquette faite de bois et de bardeaux qui compte une cheminée en pierre de taille. Son «luxe» apparent est ici un balcon avec rampe. Cependant j'ose imaginer qu'en raison de la forte dénivellation de ce dernier, se bercer était hors de question. Ou, à tout le moins, tout un sport. Au deuxième étage de la maison voisine une personne regarde le photographe à l'oeuvre où peut-être les fils de la Montreal Tramways Company en se disant que ce serait bien d'en avoir un peu de cette électricité...
Fig. 5: Arrière de maison, rue Barré, 1903. Crédit photo: Musée McCord
Voici la même maison mais vue de l'arrière et ici quelques éléments deviennent rapidement intéressants. Nous avons affaire ici à la résidence d'un forgeron. On peut voir une sorte de remise dont le toit légèrement en pente est transpercé d'une longue cheminée. De cheminées de ce type étaient souvent utilisées afin d'éviter que des étincelles ne sortent pour aller mettre le feu partout. Le tonneau, qui n'est pas là pour récupérer l'eau de pluie, laisse deviner qu'il était utilisé pour y tremper des pièces de métal chauffées. Il y a fort à parier que l'on y ferrait probablement les chevaux et d'ailleurs on comptait sur la rue Barré deux forgerons; Alfred Normandeau et John Fitzpatrick, se pourrait-il qu'il s'agisse ici de la maison de l'un des ces deux-là? L'adresse de la maison, au-dessus de la porte sur la photo précédente, est malheureusement trop petite pour pouvoir la déchiffrer avec exactitude. Mon interprétation est donc purement spéculative.
Fig. 6: Rue Barré, 1903. Crédit photo: Musée McCord
Sur la rue Barré également voici qu'apparaît cette petite maison (fig. 6) que l'on pourrait qualifier d'unifamiliale. Faite en bois elle aussi elle est toutefois dotée d'une toiture en fer-blanc et d'une large cheminée. Elle semble en meilleure condition que les autres malgré un gonflement du mur sur le côté. Derrière on peut apercevoir un bâtiment complètement en brique avec fondation de pierre. Hormis deux maisons près de la rue Lusignan, toutes les résidences de la rue Barré ont disparu.
Le saviez-vous? La relocalisation d'industries d'après-guerre et le changement de zonage apportés par Drapeau en 1963 ont littéralement saigné Griffintown de sa population. En 1970 il ne restait qu'environ 800 personnes dans tout le quartier.
tres belle série de photos.
RépondreEffacerSur la figure 6 on peut aussi noter les traverses de piétons en pierres plates tandis que la chaussée est toujours en terre. On peut imaginer traverser les rues par temps de pluie.
Merci pour ces pages.
Gabriel Deschambault
C'est une très belle série de photos en effet, le fils de Notman a perpétué d'une très belle façon le travail de son père.
RépondreEffacerPour les traverses c'est vrai mais je n'ose trop imaginer les rues par temps de pluie abondante ou lors de la fonte des neiges...
Pluche
Dans mon enfance,on pensait que le quartier le plus pauvre de Montréal était celui de Saint-Henri.Cette impression fut renforcée par le film "Bonheur D'occasion",dont l'action se passait à Saint-Henri en 1940.La maison qu'habitait la famille Lacasse ressemblait à celle de la fig.1.
RépondreEffacerJe me demande alors pourquoi je n'ai jamais entendu parler de la pauvreté du quartier Griffintown dans mon enfance.Est-ce qu'il existait encore?
Je suis d'accord que la qualité de cette série de photos est exceptionnelle.
Normand
En 1940 il devait possiblement exister encore de ces vieilles maisons mais le quartier se transformait déjà. Il reste de belles maisons le long du parc Ste-Ann et qui prédatent certainement le début du vingtième siècle quoique faites en brique.
RépondreEffacerPluche
il y a une maison près de chez moi, près du parc Thomas Chapais...je devrais passer dans le coin avec mon appareil photo juste pour cette raison bientôt. Ça a l'air d'une vieille maison, probablement pas aussi vieille que dans ces photos, mais bien cachée par les autres autour, on a tendance à passer devant et pas s'en apercevoir.
RépondreEffacerPour voir cette maison, aller sur Google Maps et dans la recherche, tapez "5324 Desormeaux, montréal" et faites "Street View"
Elle semble vieille mais pas tant que ça. Son architecture est curieuse toutefois, surtout le toît mansard. Pas très courant. Probablement plusieurs modifications apportées au fil des ans.
EffacerPluche
le 5324 Des Ormeaux date de 1915.
EffacerÇa lui donne tout de même une centaine d'années. Elle a donc le même âge que la belle maison de Joseph Gagnon au coin de Jarry et Lacordaire.
EffacerPluche
Le 5324 Des Ormeaux aurait été bâti plutôt en 1917-1918 situé entre les rues Tiffin & Sentennes,car le premier qui aurait habité à cet endroit est un nommé J.-T. Cadotte,il y restera durant plusieurs années.Cette adresse portait au départ le 1290 et par la suite le 1300 jusqu'en 1930-1931 de-là elle portait le 5324.Cette rue existe depuis 1911 et Tiffin depuis 1912et pour Sentennes depuis le 4 novembre 1914.
EffacerJ'ai habitée sur la rue Barré avec ma grand-mère Bayard de 1958 à 1964. Mon arrière grand-mère Bourque habitait au 2 ième étage.Je me souviens plus de l'addresse mais je sais qu'il y avait des hangards à l'arrière.
RépondreEffacerLa rue Barré a bien changé depuis ce temps. Il reste quelques maisons mais en grande partie ce sont des industries qui occupent les lieux. Faut remercier Jean Drapeau pour ça car c'est lui qui a ôté à Griffintown le statue résidentiel. Quant aux hangars étaient encore bien nombreux à cette époque et il s'en trouvait encore beaucoup même dans les années 70.
EffacerPluche
Il y a un Henri Bayard qui demeurait au 1387 rue Barré.
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