Voici une photo qui nous
ramène par le collet en l’année 1937 et nous dépose sur le bord
du trottoir devant la crèmerie Orléans, alors sise au 3941 de la
rue Ontario est. Le commerce est alors bordé à l’ouest par les
bureaux de l’avocat Armand Pagé, du médecin R. Pellerin puis du
magasin de chaussures Desilets, et à droite par le restaurant chez
Armand. La crèmerie n’est toutefois pas le premier occupant des
lieux, cet honneur revient à la Great Atlantic & Pacific Tea
Company Ltd qui y installe l’une de ses nombreuses succursales tout
de suite après la construction du bâtiment en 1930. Et lorsque je
dis «nombreuses succursales» ça veut dire justement ça puisqu’il
s’en trouve plus d’une cinquantaine éparpillées un peu partout
dans la ville. Par contre celle du 3941 Ontario quitte les lieux dès
1932 et se réinstalle plus à l’ouest, tout juste au coin de
Cartier. C’est à ce moment que s’installe la crèmerie Papineau.
Entretemps, les habitués de Great A & P Tea pouvaient toujours
se rendre 4551 Adam. Retournons à la crèmerie.
Bon,
je vais en profiter pour faire une précision avant d’aller plus
loin; aujourd’hui lorsqu’on parle d’une crèmerie on pense tout
de suite à de la crème glacée, souvent avec du caramel, du fudge
et autres gugusses. À l’époque une crèmerie était un endroit
pour acheter, principalement, du beurre et produits dérivés. On
peut aussi s’y procurer du café, du thé, du cacao et produits
similaires.
Par contre la crèmerie
s’installe à un moment où le monde tire le diable par la queue,
gracieuseté de la crise économique. À ce moment-là, tout ce que
vend la crèmerie Papineau est du luxe. D’ailleurs le commerce
change de nom en 1937, année où la photo a été prise, et devient
alors la crèmerie Orléans. Pourquoi le nom? Peut-être pour
capitaliser sur le théâtre Orléans qui est juste en face? Qui
sait?
En 1938 le commerce
appartient alors à un certain monsieur Deschamps qui entreprend
alors de changer la vocation du commerce, passant de crèmerie à un
marché d’alimentation. Sage décision puisque varier les produits
offerts va lui permettre de passer au travers la Seconde guerre où,
faut-il le rappeler, les aliments étaient rationnés, surtout le
beurre. Ça oui.
Le marché de monsieur
Deschamps continue d’avoir pignon sur rue, enfin, jusqu’au milieu
des années 50 où il va alors disparaître. Pour les gens du
quartier c’est un peu malheureux, surtout pour tous ceux et celles
qui étaient habitués d’y faire leurs provisions. S’ils s’en
trouvaient qui espéraient un tant soit peu qu’un nouveau
propriétaire prenne la relève ils ont dû être déçus puisque
c’est une boutique de vêtements pour dames, Oslind Shoppes Ltd.
qui s’y installe. Le nouveau commerce va connaître de bien bonnes
affaires jusqu’en 1973 lorsque succursale de Viki Fashions va
occuper le local, pendant bon nombres d’années aussi.
Aujourd’hui les choses
ont bien changé. Le bâtiment qui abritait la crèmerie Orléans
ainsi que les bureaux de l’avocat Pagé et du docteur Pellerin a
disparu et à la place on a reconstruit quelque chose d’entièrement
différent. Le restaurant Chez Armand, à l’est, a aussi connu son
lot de différents locataires au fil des ans et l’emplacement est
occupé, au moment d’écrire ces lignes, par un commerce de bidules
électroniques.
Le saviez-vous? En 1935
le revenu annuel moyen était de $313/an ou, si vous préférez,
$6,50 par semaine et la livre de beurre de vendait 28 sous. De quoi
manger son pain sec!
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