mercredi 5 novembre 2014

La crèmerie Orléans


Voici une photo qui nous ramène par le collet en l’année 1937 et nous dépose sur le bord du trottoir devant la crèmerie Orléans, alors sise au 3941 de la rue Ontario est. Le commerce est alors bordé à l’ouest par les bureaux de l’avocat Armand Pagé, du médecin R. Pellerin puis du magasin de chaussures Desilets, et à droite par le restaurant chez Armand. La crèmerie n’est toutefois pas le premier occupant des lieux, cet honneur revient à la Great Atlantic & Pacific Tea Company Ltd qui y installe l’une de ses nombreuses succursales tout de suite après la construction du bâtiment en 1930. Et lorsque je dis «nombreuses succursales» ça veut dire justement ça puisqu’il s’en trouve plus d’une cinquantaine éparpillées un peu partout dans la ville. Par contre celle du 3941 Ontario quitte les lieux dès 1932 et se réinstalle plus à l’ouest, tout juste au coin de Cartier. C’est à ce moment que s’installe la crèmerie Papineau. Entretemps, les habitués de Great A & P Tea pouvaient toujours se rendre 4551 Adam. Retournons à la crèmerie.

Bon, je vais en profiter pour faire une précision avant d’aller plus loin; aujourd’hui lorsqu’on parle d’une crèmerie on pense tout de suite à de la crème glacée, souvent avec du caramel, du fudge et autres gugusses. À l’époque une crèmerie était un endroit pour acheter, principalement, du beurre et produits dérivés. On peut aussi s’y procurer du café, du thé, du cacao et produits similaires.

Par contre la crèmerie s’installe à un moment où le monde tire le diable par la queue, gracieuseté de la crise économique. À ce moment-là, tout ce que vend la crèmerie Papineau est du luxe. D’ailleurs le commerce change de nom en 1937, année où la photo a été prise, et devient alors la crèmerie Orléans. Pourquoi le nom? Peut-être pour capitaliser sur le théâtre Orléans qui est juste en face? Qui sait?

En 1938 le commerce appartient alors à un certain monsieur Deschamps qui entreprend alors de changer la vocation du commerce, passant de crèmerie à un marché d’alimentation. Sage décision puisque varier les produits offerts va lui permettre de passer au travers la Seconde guerre où, faut-il le rappeler, les aliments étaient rationnés, surtout le beurre. Ça oui.

Le marché de monsieur Deschamps continue d’avoir pignon sur rue, enfin, jusqu’au milieu des années 50 où il va alors disparaître. Pour les gens du quartier c’est un peu malheureux, surtout pour tous ceux et celles qui étaient habitués d’y faire leurs provisions. S’ils s’en trouvaient qui espéraient un tant soit peu qu’un nouveau propriétaire prenne la relève ils ont dû être déçus puisque c’est une boutique de vêtements pour dames, Oslind Shoppes Ltd. qui s’y installe. Le nouveau commerce va connaître de bien bonnes affaires jusqu’en 1973 lorsque succursale de Viki Fashions va occuper le local, pendant bon nombres d’années aussi.


Aujourd’hui les choses ont bien changé. Le bâtiment qui abritait la crèmerie Orléans ainsi que les bureaux de l’avocat Pagé et du docteur Pellerin a disparu et à la place on a reconstruit quelque chose d’entièrement différent. Le restaurant Chez Armand, à l’est, a aussi connu son lot de différents locataires au fil des ans et l’emplacement est occupé, au moment d’écrire ces lignes, par un commerce de bidules électroniques.







Le saviez-vous? En 1935 le revenu annuel moyen était de $313/an ou, si vous préférez, $6,50 par semaine et la livre de beurre de vendait 28 sous. De quoi manger son pain sec!

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