dimanche 25 octobre 2015

Petite histoire du prisonnier oublié

Les monstres à coller de la collection Aurora dans les années 60 et 70 étaient majoritairement fabriqués sous licence. En ce qui concerne Frankenstein, Dracula, le Loup-Garou et la Momie, et bien que ce soient des personnages issus du domaine publique, les représentations qu’en faisaient Aurora avaient été conceptualisées par les studios Universal avec leurs films classiques avec Karloff, Lugosi et Chaney jr., et celles-ci étaient protégées par des droitsd'auteur. Quant à Godzilla et King Ghidorah ils étaient la propriété de Toho, donc aussi fabriqués avec pleine autorisation. L'autre truc c'est que pour tous ces personnages on connaissait bien les histoires à l'exception de deux modèles bien précis: la sorcière ainsi que le prisonnier oublié (dont je vous ai parlé dans cet article-ci et également dans celui-là), ce dernier ayant été le modèle le plus populaires de la collection et celui qui est le plus prisé des collectionneurs aujourd'hui. Même les autres monstres s'amusaient à assembler le modèle.


Mais toujours est-il que l’on ne savait absolument rien de ce prisonnier en question. Qui était-il? Depuis quand est-il là et surtout, comment s’est-il retrouvé dans une telle position? À cet égard, Aurora a donc voulu donner au personnage un peu de substance et on a confié à Robert Rosen la tâche d’imaginer l’histoire de l’infortuné squelette et à Tony William Sune le soin d’illustrer tout ça. Le récit a donc été publié vers la fin des années 60 en collaboration avec le magazine Creepy quoique je soupçonne possiblement aussi une parution dans Famous Monsters of Filmland.
Ce que l’on découvre c’est que le destin du prisonnier oublié découle d’une rivalité entre deux nobles italiens du moyen-âge qui se disputent le même territoire. Chacun exploite les habitants en les taxant à outrance mais ils en viennent à se rendre compte assez rapidement que ceux-ci, déjà pauvres, ne peuvent payer deux nobles. Ces derniers vont donc comploter pour s’éliminer l’un et l’autre. L’un des deux se retrouvera enchaîné au cachot et l’autre ne connaîtra pas de sort plus enviable.
L’histoire est tout de même assez courte et ces nobles qui taxent à outrance les habitants n’est pas sans rappeler ces fameux fermiers généraux de la France du 18è siècle et qui étaient décrits comme «…les sangsues du peuple, une peste qui infecte le royaume, une vermine qui dévore la nation1 

Personnellement j’aurais préféré une histoire qui nous aurait rendu le prisonnier sympathique à son sort plutôt que d’en faire les restes d’un sinistre félon. On aurait ainsi pu s’inspirer, par exemple, de la légende du fantôme du château de Duntrune. Plusieurs années plus tard, la compagnie Polar Lights, ayant acquis les moules (et les droits) d’Aurora, a fabriqué une sorte de suite au prisonnier oublié de Castel Mare : le fantôme de Castel Mare, un modèle intéressant pas pire du tout.




Quoiqu'elles aient réellement existé au moyen-âge, les véritables oubliettes ne sont en réalité que bien peu nombreuses. Un certain nombre d'entre elles ont souvent été confondues avec des caves profondes. Ce que les archéologues ont aussi constaté c'est que plusieurs étaient en réalité des latrines, parfois des celliers ou des endroits pour conserver au frais de la nourriture. 




1 Jean Kappel, « Les fermiers généraux », Nouvelle Revue d'Histoire, n°75 de novembre-décembre 2014, p. 51-53

dimanche 4 octobre 2015

Le vieux chaudron

 Le 1er juin 2014 je signais une chronique dans laquelle je parlais du restaurant La caillette, situé à Maskinongé, lequel est toujours ouvert depuis 1961. J'y racontais, entre autres, combien il était agréable d'y déguster un cornet de crème glacée et de faire un tour de go-kart sur la piste tout juste à côté. 

Il s'y trouvait cependant une autre raison pour apprécier ce petit voyage; le restaurant Le vieux chaudron, lequel se situait juste en face. Conçu selon l'architecture dite "A-Frame", le restaurant se démarquait non seulement pour cette raison mais aussi pour son style parfaitement rustique et également pour son menu résolument canadien!

Numérisation de la carte postale du restaurant.

La carte postale ci-haut nous montre à la fois l'extérieur ainsi que l'intérieur du restaurant. On note les spécialités du menu; tourtière, fèves au lard et crêpes. Et justement, ces crêpes, étaient assez uniques dans leur forme. Au lieu d'une crêpe banale ayant la forme d'un 45 tours, celles du Vieux chaudron étaient telles de grosses toiles d'araignées. Et comme le dit le slogan de la carte postale: c'était vraiment bon, surtout avec une bonne de véritable sirop d'érable! 

Outre le décor composé de raquettes, de scies et autres, il se trouvait, adjacent à la salle à manger, un terrarium où logeaient deux tortues terrestres et que l'on observait au travers un grillage de broche à poule. En attendant l'arrivée de la nourriture à notre table, ces tortues nous tenaient parfaitement occupées. Le restaurant n'existe malheureusement plus, ayant été détruit par un incendie en 1991. 




Le saviez-vous? Les premières familles de Maskinongé s'y sont établies en... 1700 et y passait alors le fameux Chemin du Roy, lequel a été largement remplacé par la route 138. 

vendredi 2 octobre 2015

Les tatouages temporaires

En c'te début des années 70 le mot dépanneur ne faisait pas encore partie du lexique populaire Québécois mais allait y entrer quelques années plus tard. Avant, on les appelait les épiceries de quartier parce que c'est justement ce qu'ils étaient. Ces épiceries et autres petits commerces dits de "variété", offraient souvent outre la nourriture, des jouets, des bonbons en vracs que l'on se procurait pour cinq sous le sac, les fameux sacs à surprises. Ces sacs aux contenus douteux et empreints de médiocrité, vendus à 5 sous, se retrouvaient prestement dans la poubelle la plus proche. 

Par contre, s'il y avait bien un investissement qui en valait la peine, c'était les tatouages temporaires. Ceux-là, vendus pour 1 sous comprenait un tatouage de pirate et une gomme balloune. Avec le 5 sous que l'on aurait dépensé pour un sac à surprises, on se retrouvait comme ça avec assez de tatouages pour se couvrir les deux avant-bras et assez de gomme balloune pour au moins trente secondes. 

On retrouvait des thématiques variées, comme ici avec la populaire série pour enfants The Banana Splits. Il y avait aussi des thèmes de jungle, de sport, de monstres et de pirates!

La thématique des pirates était fort populaire, et au prix d'un sous seulement, ça faisait amplement le bonheur des p'tits gamins. 

J'ai la chance d'avoir dans ma petite collection une longue bande de ces tatouages de pirates qui n'a pas été coupée pour être insérée dans les emballages. Je vous propose de regarder ça de plus proche.

Voici le début de la bande en question. Les tatouages consistaient de pirates amusants et de petites scènes maritimes. Les bandes noires que l'on voit indiquent l'endroit où la coupe devait se faire. 


Comme on peut le voir, le lettrage était inversé et une fois appliqué sur un avant-bras, il se lisait à l'endroit. 

Des instructions simples à suivre. On se léchait l'avant bras, on plaçait le tatouage à l'endroit désiré et on le tenait sur place fermement pendant quelques secondes et hop! le tatouage était en place. 

En-dessous de cette scène, on y voit la mention que les couleurs sont certifiées être des colorants alimentaires.

Outre Barbarossa que l'on a vu sur une bande plus haut, on retrouvait aussi Captain Kidd! 

Ces tatouages, étant fabriqué avec des colorants alimentaires, s'enlevaient avec de l'eau, du savon et un peu de frottage avec une débarbouillette. Ils ne duraient pas longtemps non plus. Après quelques heures à jouer dans la ruelle ou avec nos Tonka dans la terre, ils avaient disparu de moitié. On s'amusait de se voir le lendemain avec encore quelques traces de ces tatouages qui avaient résisté au bain. 




Le saviez-vous? La compagnie Fleer a été fondée en 1885 par Frank H. Fleer et s'est immédiatement lancée dans la fabrication de gomme balloune. Elle a aussi produit une grande quantité de cartes à échanger. La compagnie a été vendue à Upper Deck en 1995. 

dimanche 30 août 2015

Le Jardin botanique et moi

Quand le Jardin botanique de Montréal ouvert ses portes en 1931, facile de deviner que les visiteurs, surtout ceux des quartiers environnants, en ont eu plein le toupet. Des beaux jardins soigneusement conçus pis disposés de façon géométriques avec plein de belles fleurs dedans. Tout ça dans un cadre instructif et éducatif conçu par le frère Marie-Victorin et Henry Teuscher. 

On avait choisi une très vaste terre; de la rue Sherbrooke, le long de Pie-IX, et jusqu'au boulevard Rosemont, lequel, dans le temps, n'espérait même pas dans temps à porter le nom de boulevard. Ce n'était qu'un large chemin de terre avec pas grand chose de part et d'autre sinon quelques petites maisons de ferme ici et là. Plus loin à l'est l'actuel boulevard Rosemont se noyait dans les champs.  

Le terrain du Jardin botanique quant à lui jouxtait le parc Maisonneuve, qu'on avait créé en 1910. C'était là le désir du maire de Maisonneuve de doter la municipalité d'un magnifique parc où les résidents pourraient se rendre afin de se détendre dans un oasis de verdure. Marius Dufresne, l'architecte à qui l'on doit le marché Maisonneuve, le bain Maisonneuve et la station de pompiers/police sur Notre-Dame plus au sud, avait élaboré les plans d'un boulevard Morgan qui joindrait le parc à la hauteur de l'actuelle rue Sherbrooke. 

Comme on le sait, la ville de Maisonneuve, fortement endettée par ses grandioses projets, a dû s'annexer à Montréal, et le parc Maisonneuve a alors été administré par la ville dès 1926. À l'époque le parc n'occupait que la partie sud de son emplacement actuel et pendant un temps, la partie au nord jusqu'à Rosemont avait été lotie pour d'éventuelles constructions, mais rien n'en fut fait. Heureusement! 

En 1939 on termine la construction des jardins d'accueil et du bâtiment administratif. On aurait pu les finir avant mais la crise économique a mis le frein a main sur pas mal de projets. On en a profité pour améliorer davantage l'offre aux visiteurs; davantage de jardins, des plans d'eau avec des fontaines, et en 1956 ce sont les serres et le restaurant que l'on va construire. On avait même un service de navette qui permettait aux visiteurs d'admirer le espaces du jardin sans trop se fatiguer. On a aussi construit un restaurant, parce que marcher les 75 hectares du jardin, ça creuse l'appétit. 

J'avais presque deux ans lorsque j'y ai mis mes [petits] pieds pour la première fois au Jardin botanique en 68. Pas assez de mes deux yeux pour tout voir. Ma grand-mère, avec laquelle j'ai grandi, m'y amenait souvent. 

Me v'la, durant l'été de 1968 en compagnie de ma mère grand. Et le même endroit aujourd'hui, où j'aime souvent m'asseoir comme quand j'étais petit pis me dire que maudit que le temps a passé vite. Des fois, j'aime l'imaginer à côté de moi. 

Un autre photo de moi au même moment, vraisemblablement prise avec le Duaflex III parce qu'on voit que le film a mal été remonté. Et le même endroit aujourd'hui, lequel a pas trop changé mais mériterait un p'tit peu d'amour

Les ceuzes pis les celles qui me connaissent savent à quel point j'aime ça encore aujourd'hui, me perdre dans les dédales du Jardin; du jardin des plantes vivaces au boisé Hancock en passant par le Jardin des Premières Nations pis le jardin d'ombres. Et à peu près n'importe où entre. On en profite car c'est à peu près le seul p'tit luxe de verdure et de nature que l'on a dans le coin, entre les boulevards bruyants de klaxons, de gros moteurs diesel, de chars pressés et pis du béton. 




Le saviez-vous? Par une bonne journée, durant la belle saison, on peut y aperçevoir plus de cinquante d'espèces d'oiseaux différents, mais encore faut-il ouvrir l'oeil, et le bon car certaines sont résolument plus timides que d'autres!


lundi 24 août 2015

cristos

On y retrouve de ces amateurs d’art, calepins et crayons à la main qui scribouillent et barbouillent les statues. Par là, ce sont ceux que les fleurs attirent comme les abeilles, penchés consciencieusement sur un bouquet. Ils observent dans un sens comme dans l’autre. Une corbeille d’argent? Une cruciannelle? Une ipomée? Ils cherchent dans leur bouquin aux pages jaunies et retroussées dont les pages laissent parfois échapper une feuille sèche, mise là comme un marque-page de la vie, d’un moment, d’un amour passé, perdu. Il y a bien aussi les férus d’architecture qui ne manquent pas d’admirer un art de bâtir parfaitement révolu. On retrouve aussi ceux qui sont installés dans la quiétude, plongés dans un roman quelconque, pas le moins dérangés qu’ils sont par les ornithologues amateurs qui admirent un bruant chanteur alors qu’un colibri à gorge rubis chante plus loin. Au travers tout ce monde, plus discrets, sont les pieux, qui sont venus pour quémander une faveur en s’agenouillant devant une des douze stations. De ceux-là, il y en à moins qu’avant et sont souvent les derniers tenants de la génération dite tranquille, issus d’une époque bien différente de la nôtre. Ils ont connu les vêpres, les rosaires, les neuvaines et les messes interminables récitées en latin. Aujourd’hui on croit moins d’une part et on ne croit plus de l’autre, mais il s’en trouve encore qui s’y accrochent à leur foi comme les cirripèdes sur la coque des bateaux. Avec un peu de chance on peut même y croiser des gens de confessions religieuses différentes. Ah, et il ne faut pas oublier l’étrange énergumène hirsute qui déambule, caméra à la main (j'le connais çui-là). 

C’est dans le chemin de croix de l’oratoire St-Joseph que l’on risque de les apercevoir par jour de chance et qui se trouve aussi à être un jardin conçu par Frédérick G. Todd, un monsieur distingué avec sa moustache en brosse, ses lunettes rondes, ses cheveux bien lissés et à qui l’on doit également l’aménagement du lac aux Castors sur le Mont-Royal ainsi que le parc de l’île Ste-Hélène. Les travaux ont commencé en 1942 et le chemin a été inauguré et ouvert au public en 1951. À ce moment par contre il n’y avait pas encore de statues. Ces dernières étaient en cours de réalisation depuis 1943, un travail effectué par l’artiste québécois Louis Parent dans son atelier qui se trouvait tout près de l’Oratoire. En 1952 Ercolo Barbieri, selon les modelages de Louis Parent, a commencé à sculpter les personnages, quarante-deux en tout, et termina le travail en 1958. Sur la photo d’aujourd’hui c’est la statue du Christ que je vous présente, très imposante de par sa taille et qui se trouve près de l’entrée du jardin. À l'approche de l'hiver toutes les statues sont soigneusement recouvertes afin d'être protégées des affres de l'hiver. 

Caméra utilisée: Canon Rebel XT.




Le saviez-vous? L’aiguille de Cléopâtre, un obélisque de l’Égypte antique provenant de Louxor, a été installée en 1881 à Central Park. Les hiéroglyphes y étaient alors dans un état impeccable. Aujourd’hui plus de la moitié d’entre eux ont été effacés par les éléments et surtout la pollution. 

vendredi 14 août 2015

Dans la boîte à jouets: la télévision Fisher-Price

Si vous vous souvenez (ou pas), je vous parlais dans cet article de février 2010 (alors que ce blogue n'en était qu'à ses balbutiements), d'une boîte de jouets que ma grand-mère avait conservée pour moi durant de nombreuses années, et qu'elle m'a remise à l'été de 1991. Aujourd'hui je vous propose donc un des jouets que cette boîte contenait, soit un appareil de télévision Fisher-Price. 


Nous voici à Noël de 1968. J'ai deux ans et des poussières, et me voilà fortement intrigué par cet appareil de télévision. Ne nécessitant aucune pile, il fonctionne avec un mécanisme à remontoir conçu spécialement pour les petites mains d'enfants. On note autour quelques éléments intéressants. D'abord, la magnifique voiture de police fabriquée au Japon, possiblement par Nomura. Perdue durant le déménagement, cette voiture vaut aujourd'hui une fortune. Elle était mue par un moteur à friction situé à l'arrière. Il y a aussi le petit train à remontoir roulant sur une courte piste ronde. À l'arrière on peut voir une chaufferette General Electric car dans le logement où l'on habitait il n'y avait pas de plinthe électrique pour le chauffage. Tout juste à gauche de la chaufferette on aperçoit le meuble en laiton servant au storage de disques 33 tours. Les disques s'y trouvant étaient ceux que j'écoutais, et que je possède encore. 

Cette petite télévision a donc survécu grâce aux bons offices de ma grand-mère. Le temps que cette boîte a passé dans le sous-sol de la maison que l'on a habité sur la rue Hochelaga ne l'ont pas trop endommagé. Seule la base en bois a eu besoin d'un retouche de peinture. 

La télévision, telle qu'elle se trouve aujourd'hui. AU moment de prendre ces photos j'ai remonté le mécanisme, et la chanson a joué alors que la banderole défilait sur l'écran, témoin de la qualité de fabrication de l'époque.  

Ici on peut voir que le brevet pour la télévision a été accordé au Canada en 1964. Le numéro du brevet apparaît à gauche et, à droite, mention intéressante s'il en est une, le mécanisme musical a été fabriqué au Japon. 

Le côté de l'appareil avec l'étiquette illustrant la chanson que joue l'appareil. On note que le Copyright a été obtenu en 1965, et que l'appareil a été construit aux États Unis.  

La banderole de papier parcourait, à l'intérieur, un certain chemin autour de rouleaux, ce qui permettait de faire défiler l'histoire au complet. Un mécanisme certainement ingénieux! 

Et finalement, le "Peek-a-boo Screen", une autre particularité intéressante où l'on pouvait voir tourner des images amusantes et différentes de ce qu'il y avait sur le rouleau principal.




Le saviez-vous? La compagnie Fisher-Price a été fondée en 1930 et ses jouets ont connu un immense succès, mais durant le Seconde guerre, la compagnie a cessé la production de jouets pour se concentrer sur du matériel militaire. 

jeudi 6 août 2015

Les primes d'essence

Publicité pour la pétrolière Texaco sur le boulevard Décarie, près de l'intersection Van Horne. (Source: Archives de la Ville de Montréal - VM105-Y-3_556-011)

Imaginez. Vous arrivez à une station d'essence. Même pas besoin de sortir, car votre voiture, en roulant sur un tube de caoutchouc, a fait s'actionner dans le garage une cloche, avertissant ainsi le pompiste de votre présence. Le pompiste s'approche. Vous lui demandez le plein. Pendant que votre réservoir se remplit, il vous fait ouvrir votre capot, vérifie votre niveau d'huile, de lave-glace, et, une fois terminé, jette un coup d’œil à la pression des pneus. Il manque de l'huile, du lave-glace, de l'air? Il vous arrange ça. Après avoir payé, il revient avec une petite boite, qu'il vous remet. Ça monsieur/madame, c'est la prime du jour. Parfois il pouvait s'agir de verres à vin, ou à bière, ou un ensemble de tasses pour le thé ou le café. Mais aujourd'hui, c'est une boite pyramidale. 


Ben justement, j'ai récemment eu l'occasion de mettre la main sur un de ces ensembles de porcelaine à un prix trop dérisoire pour le mentionner. Mieux, il n'a jamais servi, ni même été ouvert. On peut voir la mention "D'autres cadeaux de la galaxie Jolis - Gracieuseté de votre vendeur Texaco". De l'autre côté il s'agit de la mention originale "Another elegant starburst of bonuses from your Texaco dealer." On y mentionne aussi "5 piece place setting - Imported English Dinnerware". 


La boîte en gros carton épais, pour protéger la vaisselle, s'ouvre facilement. Et chacune des pièces est aussi protégée avec des pièces carrées en carton ondulé. Avec tous les rabats bien à plat, on peut donc admirer cet ensemble obtenu gratuitement. Peut-être, vous demandez-vous, s'agit-il de porcelaine de piètre qualité? Sait-on jamais. 


Eh bien non. C'est de la porcelaine "Royal Knight" avec décorations en or 22 carats fabriquée à Staffordshire en Angleterre. Un recherche rapide sur Ebay m'a permis de voir plusieurs de ces ensembles vendus entre 70$ et 85$. Ce n'est donc pas, comme on dit, de la "schnoutte"! 


J'aime bien ces motifs végétaux simples et sans flafla. Le fait qu'il s'agisse de porcelaine plaquée or signifie qu'elle ne doit jamais être mise au micro-ondes. À moins de vouloir créer un feu d'artifices intérieur auquel vont éventuellement participer les pompiers. 

Il se trouvait bien de pièces en porcelaine "Royal Knight" que l'on pouvait se procurer en magasin. Les grandes chaînes, telle Eaton's et Simpson's, ou encore Sears, en avaient, tout comme un myriade d'autre commerces. Mais il ne suffisait que de quatre pleins d'essence afin d'obtenir assez de vaisselle pour quatre personne. Toutefois, il arrivait que certaines personnes n'étaient pas intéressées à obtenir cet ensemble, et il pouvait arriver qu'un automobiliste intéressé, "négocie" avec le pompiste pour avoir plus d'un ensemble pour un seul plein d'essence. Un ancien voisin, garagiste à la retraite, m'avait un jour dit que c'était là monnaie courante. Il est toutefois intéressant de constater qu'il fut un temps où les pétrolières aimaient bien gâter les automobilistes. Autre temps, autres mœurs dira t-on. 




Le saviez-vous? Le premier micro-ondes, nommé "Radarange" a été vendu par Raytheon en 1946. Les premiers modèles pour le public ont été introduits par Tappan en 1955, quoique trop gros et trop coûteux pour la grande majorité des gens.  Ce n'est que vers la fin des années 70 que les micro-ondes sont devenus abordables et populaires. 

samedi 1 août 2015

La maison de mon enfance


Aujourd'hui, je vous propose une photo d'époque, tirée tout droit des archives familiales. Il s'agit de la maison que ma famille a occupée de 1945 jusqu'en 1975. Sise au coin des rues Hochelaga et Aylwin, cette maison a prit plus d'un an a être construite en raison des restrictions imposées par l'effort de guerre sur plusieurs matériaux, dont ceux de construction. Cette maison, comme d'autres qui poussaient aux alentours, a été bâtie sur un lot vierge. Il s'en trouvait d'ailleurs un bon nombre surtout au nord de la rue de Rouen. Le lotissement était classique; très peu d'espace à l'avant et cour arrière donnant sur la ruelle. Notre maison, étant sur un coin, donnait donc tant sur la ruelle que sur la rue Aylwin.

C'était une maison solide avec fondation en béton, agencement agréable de pierres aux formes irrégulières pour le rez-de-chaussé et brique commune pour le premier étage. Le rez-de-chaussé comportait 6 1/2 pièces ainsi qu'un sous-sol (communément appelée «la cave») où se trouvait, entre autres, la fameuse chambre à fournaise. À l'origine celle-ci fonctionnait au charbon et la chambre à charbon, adjacente, servait justement à l'entreposage de ce combustible. Cette pièce a conservé le vocable de «chambre à charbon» même après que la fournaise, durant les années 60 de mon enfance, ait été convertie pour utiliser de l'huile. La fournaise alimentait cinq calorifères en fonte répartis dans la maison et chose certaine, on ne grelottait nulle part même durant les plus froids moments de l'hiver. Le calorifère de la cuisine comportait un détail amusant; il se trouvait dans sa partie supérieure un petit robinet et mon grand-oncle Henri s'en servait parfois pour remplir sa tasse d'eau bien chaude pour ensuite y tremper son thé. La cave comportait également un plancher bétonné avec un drain. L'intérieur de la maison était bien divisé et il n'y avait aucun espace perdu. Les murs étaient en plâtre appliqué sur lattes de bois avec motifs décoratifs. Les portes étaient en bois verni avec moulures appliquées et munies de belles poignées en verre. Celles menant au salon, quant à elles, étaient serties de carreaux de vitre finement biseautés. Au premier étage il se trouvait deux appartements comptant 3 1/2 pièces chacun. Aujourd'hui le mur mitoyen a été abattu et les deux logements forment un loft.

En 2007 je suis retourné à cette maison et le propriétaire m'a alors gentiment, et bien gracieusement, offert de revisiter l'intérieur. Cela a certainement été un brin étrange. Les dimensions, bien entendu, me semblaient plus étroites, résultat de ma vision d'enfance où j'étais haut comme trois pommes et où tout me semblait bien grand. Mais c'est surtout la dimension humaine qui est venue me labourer; le souvenir de gens aujourd'hui disparus; mes grands-parents et mon grand-oncle. Petit pincement au cœur.

En outre, j'ai été agréablement surpris de constater que malgré quelques rénovations, peu de choses avaient changé. Les portes et leurs poignées de verre et les portes aux carreaux de vitre biseautés étaient toujours là, aussi belles qu'autrefois. Au sous-sol même le papier peint posé au milieu des années 50 était toujours là. Certaines choses toutefois avaient dues être changées, comme la vieille fournaise à l'huile, remplacée par quelque chose de plus contemporain, plus efficace et aussi plus économique. Au salon le propriétaire a profité de ma présence pour résoudre une énigme; sur le mur, m'a-t-il dit, se trouvent trois interrupteurs. Nous savons ce que les deux premiers font mais pas le troisième. À quoi sert-il? Il espérait bien que je lui donne une réponse car il était bien curieux de savoir. Il ne m'a suffit que d'un coup d'œil rapide au salon. Sur le mur, lui ai-je dit en pointant de la main, se trouvaient deux luminaires dont les fils étaient encastrés. Un jour on a décidé de les enlever, de boucher les trous et peinturer. Approximativement ici et là, si vous percez le mur, vous aller fort probablement trouver les fils qui s'y trouvent encore.  

Dehors, en terminant la visite, le propriétaire et moi avons marché sur le trottoir longeant la maison et où se trouve une ceinture d'arbustes qui va de la rue Aylwin jusqu'à l'entrée sur Hochelaga. Là, au coin, se trouve un bout où les arbustes ne poussent pas. Il se trouve là une explication amusante. Pour une raison qu'il est pratiquement impossible à expliquer, quantité de véhicules sont venus percuter le coin de la maison au fil des ans. Le dernier dont je me souvienne, en 1974, était un camion de Coca-Cola. À chaque fois que les arbustes semblaient vouloir repousser, pouf! un autre véhicule arrivait pour cogner le coin. Puis, probablement parce la Nature a compris que c'était parfaitement inutile, plus rien n'a poussé à cet endroit précis. La cour arrière a subi quelques modifications afin d'aménager un espace de stationnement. Le propriétaire m'a avoué qu'en faisant des travaux de réaménagement dans la cour il a trouvé, en creusant, un bon petit lot de voitures Matchbox qu'il n'a évidemment pas conservé.

À peu de choses près, le secteur n'a que bien peu changé. La bonne vieille taverne Morelli est toujours en face, tout comme la buanderie, tout juste à côté. Sur le coin opposé de notre maison, le commerce de variétés Raymond (l'ancien commerce de monsieur Chénier dont je vous ai parlé ici) existe toujours quoiqu'il s'agisse aujourd'hui d'un dépanneur dont le propriétaire a évidemment changé. En face, où se trouvait la station-service Fina, il y a une pharmacie et une clinique médicale. Plus loin à l'est, Dominion Automobiles a été remplacé par l'édicule sud de la station Joliette, que j'ai vu construire. Quant à l'édicule nord c'était Dupuis Marine, où l'on vendait des bateaux. D'autres commerces aussi ont disparu, comme le cordonnier au coin de Joliette et Hochelaga.


Le saviez-vous? Le nom Hochelaga provient d'une bourgade iroquoienne (aucun lien avec les Iroquois) située près du mont Royal et que Jacques Cartier avait visité en octobre 1535. Encore aujourd'hui il n'y a pas de consensus quant à la localisation exacte de ce village puisqu'il a été abandonné vers 1600. Une plaque commémorative a toutefois été placée à gauche de l'entrée principale de l'université McGill.