jeudi 20 novembre 2014

Chapelle de la Miséricorde


Détail du portique ouest de l’église Nativité-de-la-Sainte-Vierge, situé sur la rue Ontario au coin de Dézéry. C’est la deuxième église à occuper cet emplacement; la première ayant été construite vers 1876. C’est que le 19 avril 1921 l’église originale a été incendiée presqu’au grand complet. C’était malheureusement le lot de bien des églises à l’époque. Faut dire aussi que les méthodes de prévention incendie étaient pas mal loin d’être ce qu’elles sont aujourd’hui. Et avec tous ces lampions, ne suffisait d’une simple négligence pour qu’arrive une catastrophe.   

On ne s’est pas démonté pour autant et on s’est relevé les manches pour reconstruire une nouvelle église. Et cette fois-là, on a confié les plans  aux architectes Joseph Venne et Dalbé Viau, deux bonhommes associés depuis 1912 et dont la réputation n’était plus à faire dans le domaine des bâtiments religieux. Le résultat est l’église que l’on peut toujours admirer aujourd’hui. 




Le saviez-vous? Il se trouve à l’intérieur une série de quatorze verrières consacrées à la Vierge. Elles ont toutes été réalisées par nul autre que l’artiste réputé Guido Nincheri dont la pierre tombale, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges vaut le détour à elle seule.

jeudi 13 novembre 2014

La rue Sherbrooke en 1959


Photo aérienne de la rue Sherbrooke dans l’est prise vers 1959. C’est une photo que je trouve particulièrement intéressante parce qu’on peut voir comment était la trame urbaine de l’époque et de quelle façon le développement immobilier a changé le paysage. Petit tour guidé, donc, de ce petit secteur.

A : L’hôpital Maisonneuve. Tel qu’on le voit au moment où la photo a été prise, cet établissement fondé par les sœurs grises, n’est âgé que d’à peine cinq ans. Il s’y trouve une école pour infirmières ainsi que l’Institut de cardiologie.

B : L’hôpital St-Joseph quant à lui a été construit en 1950 par les Sœurs de la Miséricorde. On y soigne surtout les tuberculeux. Les deux institutions hospitalières seront fusionnées en 1971 et prendront alors le nom qu’on leur connaît encore aujourd’hui : l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

C : Le boulevard l’Assomption. En 1959 cette artère débute à la rue Sherbrooke et ce n’est que quelques années plus tard qu’elle joindra la rue Hochelaga, plus au sud. Pour l’instant il ne se trouve que bien de choses de part et d’autre hormis l’hôpital. Les premières habitations débutent au boulevard Rosemont. Face à l’hôpital toutefois on a déjà tracé et construit quelques avenues qui portent des noms d’arbre; des Tilleuls, des Sapins, des Bouleaux et des Saules. On y a construit certaines maisons flirtant avec le mouvement Mid-century et dont certaines existent encore. Ce développement fait partie d’un ensemble urbain plus large appelé Cité-Jardin, délimité à l’est par le boulevard L’Assomption, au nord par le boulevard Rosemont, à l’ouest par la rue Viau et au sud par le terrain de golf. Cité-Jardin se veut un concept tout à fait novateur où l’on mise, entre autres, sur des particularités intéressantes comme par exemple une végétation abondante, constituée de nombreux arbres mais aussi, comme le nom l’indique, de jardins. Ceci dans le but de fournir un air pur à ses résidents qui compte Jean Drapeau.

D : Le boulevard Rosemont commence alors à se développer mais au-delà de Lacordaire c’est carrément la campagne. À l’est ce n’est plus un boulevard proprement dit mais on peut tout de même y rouler jusqu’à l’actuelle rue de Carignan mais ce n’est qu’un chemin de terre poussiéreuse à la fin duquel se trouve là un immense boisé. Le développement immobilier de ce secteur va surtout se faire vers la seconde moitié des années 60.

E : Petite butte sans prétention qui fait partie du terrain de golf municipal. Rien ne sera construit à cet endroit avant l’obtention des XXIe Olympiades. À ce moment-là c’est cet emplacement qui va recevoir le fameux Village Olympique, œuvre des architectes Roger D’Astous et Luc Durand.

F : Le terrain de golf municipal est coupé par la rue Viau mais dans quelques années la portion ouest sera transformé en parc où l’on va aménager un réseau de pistes cyclables, long de quelques 2 kilomètres, et que l’on peut encore emprunter aujourd’hui. C’est le futur parc Maisonneuve.

: Dans ce petit ensemble de bâtiments commerciaux on retrouve le restaurant Le Réveillon, le lounge Le Boudoir ainsi que le motel Le Lucerne, trois établissements qui ont connu des très belles années de gloire mais qui n’ont pas survécu jusqu’à nos jours.

: Voilà la rue Dickson qui débute, loin au sud, à la rue Notre-Dame. Elle perd toutefois son nom un peu avant le boulevard Rosemont où elle devient alors le boulevard Lacordaire. Du côté est des habitations de style duplex semi-détaché sont construites et les terrains vacants que l’on voit, près de la rue Sherbrooke, vont être occupés au début des années 70. Ces maisons encore là de nos jours.

: Ce qui ressemble à un sentier-raccourci entre le boulevard l’Assomption et Dickson est en réalité l’ancienne voie ferré du Canadian Northern, et qui fut amalgamé au Canadien National en 1918. Au sud de Sherbrooke, à l’ouest de l’Assomption, se trouvait là un roundhouse pour y loger les locomotives de la compagnie. Au moment où la photo fut prise le roundhouse existait toujours mais la voie ferrée était abandonnée depuis un bon bout.

: Cité Jardin, un aménagement de maisons urbaines unique en son genre dans l'est de Montréal. Arbres, espaces verts, sentiers... C'est presque la campagne en ville. C'est aussi là qu'habite le maire de Montréal Jean Drapeau. Au moment où la photo a été prise le développement se poursuivait. Le terrain de golf va toutefois rester mais la portion qui se trouve au parc Maisonneuve sera ultérieurement éliminée. 

K : Ah, voilà le Foyer Saint-Édouard, alors construit depuis à peine deux ans sous l’égide des Petites Sœurs des Pauvres, dont les premières représentantes sont arrivées au Canada vers 1887. C’est en 1967 que la résidence, entièrement vouée aux soins des personnes âgées, prend le nom de Ma Maison St-Joseph. Le bâtiment existe encore.

L : Le restaurant A&W (dont je vous parlais dans cet article) et qui était très populaire. On peut noter le stationnement en diagonale et le terre-plein où se trouvaient les bornes-menus.

M : Lot qui sera occupé par le concessionnaire Lepage Automobiles, alors spécialisé dans la vente de voitures usagées. Le bâtiment avec toit en pente n’était pas encore construit, ce qui se fera dans les années 60. Le concessionnaire n’existe plus aujourd’hui et l’édifice est aujourd’hui occupé par le restaurant Jardin Tiki. Par contre, au moment d’écrire ces lignes, il semble se trouver dans la mire de promoteurs qui, je crois, veulent le raser pour ériger une résidence pour personnes âgées alors si vous voulez encore plonger dans l’atmosphère exotique du restaurant, aussi bien le faire bientôt.

: Station-service Downing. C’était bien entendu l’époque où une voiture qui arrivait roulait sur un tube de caoutchouc et qui faisait sonner une cloche dans le garage, avertissant les employés. Ici, pas question de sortir de l’auto car on s’occupait de tout; plein d’essence, vérification de l’huile (Y vous manque une pinte capitaine!) et pression des pneus ainsi que «nettoyage» du pare-brise.

: Résidence des pères Montfortains dont le sactuaire Marie-Reine-des-Cœurs, que l’on ne voit pas, vient tout juste d’être construit sur la rue Sherbrooke.

: Pépinière publique qui couvrent une superficie appréciable. Elle est bordée au sud par le rue de Jumonville, à l’ouest par le rue Duquesne, au nord par le futur boulevard Rosemont et à l’est par la rue de Carignan. Vers la fin des années 60 la portion nord sera aménagée du par cet de l’école secondaire Louis-Riel. La partie sud demeurera une pépinière jusqu’au début des années 80 alors qu’on va y construire un ensemble d’habitations dotées de beaux espaces verts. On retrouve, tout juste au sud, l’avenue et la place de la Pépinière, lesquelles rappellent l’ancien jardin communautaire.

: Futur emplacement de l’école secondaire Louis-Riel. Bien qu’elle fasse partie du réseau public de la CECM (actuelle CSDM) elle imposait le port de l’uniforme à tous les étudiants, lesquels étaient régis par un code de vie strict. L’uniforme a été retiré vers le milieu des années 70 mais l’interdiction du port de pantalons jeans et souliers de course a été maintenue pendant bon nombre d’années.

: Cimetière de l’est, dont le terrain va de Sherbrooke à Beaubien. Il était alors considéré comme le cimetière des pauvres. On le connaît aujourd’hui sous le nom de Repos St-François-d’Assise et comporte plusieurs mausolées. À la fin des années 60 on y a accueilli les corps provenant du cimetière du village de Longue-Pointe que l’on a exproprié, entre autres choses, pour la construction du pont-tunnel Lafontaine.

: Future rue Beaubien. Le tracé est là mais il ne s’y trouve encore rien. Par contre, au milieu des années 60, ça va se développer à la vitesse grand V; habitations, petits centre commerciaux et restaurants.

: Future rue Bélanger qui elle aussi va connaître un boom immobilier important au tournant des années 60-70. Par contre, à cet endroit, le tracé du boulevard Lacordaire sera quelque peu changé et va bifurquer vers l’ouest.

Pour le reste, comme on peut le voir, le paysage n’est que boisés et plaines. Au niveau du développement urbain tout est à faire mais, plutôt que d’y aller de façon posée et réfléchie avec la qualité de vie des citoyens en tête, on va assister à une urbanisation agressive. Au nord-ouest de la photo, et parfaitement invisible, cette abomination qu’est le boulevard Métropolitain est presque terminé mais ne se rend pas très loin, pour l’instant, dans l’est. Ça se fera en 1966 lorsque l’autoroute se rendra jusqu’à Langelier. S’ajouteront peu après les Galeries d’Anjou ainsi que les réseaux d’autoroutes et le parc industriel. Beaucoup de changements pour un secteur qui, peu de temps avant, était une véritable campagne d’air pur et de fermes.

La photo, comme on peut le constater, a visiblement été prise durant l’été or, qu’est-ce qui retient l’attention à ce moment-là? Tout d’abord il y a l’inauguration de la Voie maritime du St-Laurent par la reine Élizabeth II ainsi que le président américain Dwight Eisenhower. L’ouverture de cette voie sonne le glas de Montréal comme terminal portuaire, celui-ci se trouvant dorénavant à Toronto. Durant l’hiver de ’59 il y a eu une grève des réalisateurs à Radio-Canada qui ont alors été fortement appuyés par le journaliste René Lévesque. Or, au mois de juillet, ce dernier voit son émission, Point de mire, être cavalièrement retirée des ondes. Plusieurs y voient une forme de vengeance de la part de la Société d’état. Moment d’émotions fortes pour les plus vieux car le 30 août on retire définitivement les tramways du réseau de transport en commun. Plusieurs seront tout simplement brûlés et le métal sera récupéré pour la revente. À plusieurs endroit on s’active à retirer les voies mais pour faire plus vite, et pour que ça coûte moins cher, on va décider de tout simplement paver par-dessus. Et puisqu’il a été question de Jean Drapeau plus haut dans cet article, il publie en 1959 un livre, Jean Drapeau vous parle, dans lequel il dévoile ses opinions politiques. Moins d’un an plus tard il va fonder le parti Civique et remporter haut-la-main les élections municipales de 1960, délogeant ainsi Sarto Fournier.




Le saviez-vous? À l’origine, Jean Drapeau est tout à fait contre l’idée de tenir une exposition universelle à Montréal mais peu de temps après, entrevoyant tout le potentiel d’un tel événement pour la visibilité de la ville, il va changer son fusil d’épaule et devenir l’un de ses plus ardents promoteurs. Cet événement sera, bien entendu, Expo 67.


mercredi 5 novembre 2014

La crèmerie Orléans


Voici une photo qui nous ramène par le collet en l’année 1937 et nous dépose sur le bord du trottoir devant la crèmerie Orléans, alors sise au 3941 de la rue Ontario est. Le commerce est alors bordé à l’ouest par les bureaux de l’avocat Armand Pagé, du médecin R. Pellerin puis du magasin de chaussures Desilets, et à droite par le restaurant chez Armand. La crèmerie n’est toutefois pas le premier occupant des lieux, cet honneur revient à la Great Atlantic & Pacific Tea Company Ltd qui y installe l’une de ses nombreuses succursales tout de suite après la construction du bâtiment en 1930. Et lorsque je dis «nombreuses succursales» ça veut dire justement ça puisqu’il s’en trouve plus d’une cinquantaine éparpillées un peu partout dans la ville. Par contre celle du 3941 Ontario quitte les lieux dès 1932 et se réinstalle plus à l’ouest, tout juste au coin de Cartier. C’est à ce moment que s’installe la crèmerie Papineau. Entretemps, les habitués de Great A & P Tea pouvaient toujours se rendre 4551 Adam. Retournons à la crèmerie.

Bon, je vais en profiter pour faire une précision avant d’aller plus loin; aujourd’hui lorsqu’on parle d’une crèmerie on pense tout de suite à de la crème glacée, souvent avec du caramel, du fudge et autres gugusses. À l’époque une crèmerie était un endroit pour acheter, principalement, du beurre et produits dérivés. On peut aussi s’y procurer du café, du thé, du cacao et produits similaires.

Par contre la crèmerie s’installe à un moment où le monde tire le diable par la queue, gracieuseté de la crise économique. À ce moment-là, tout ce que vend la crèmerie Papineau est du luxe. D’ailleurs le commerce change de nom en 1937, année où la photo a été prise, et devient alors la crèmerie Orléans. Pourquoi le nom? Peut-être pour capitaliser sur le théâtre Orléans qui est juste en face? Qui sait?

En 1938 le commerce appartient alors à un certain monsieur Deschamps qui entreprend alors de changer la vocation du commerce, passant de crèmerie à un marché d’alimentation. Sage décision puisque varier les produits offerts va lui permettre de passer au travers la Seconde guerre où, faut-il le rappeler, les aliments étaient rationnés, surtout le beurre. Ça oui.

Le marché de monsieur Deschamps continue d’avoir pignon sur rue, enfin, jusqu’au milieu des années 50 où il va alors disparaître. Pour les gens du quartier c’est un peu malheureux, surtout pour tous ceux et celles qui étaient habitués d’y faire leurs provisions. S’ils s’en trouvaient qui espéraient un tant soit peu qu’un nouveau propriétaire prenne la relève ils ont dû être déçus puisque c’est une boutique de vêtements pour dames, Oslind Shoppes Ltd. qui s’y installe. Le nouveau commerce va connaître de bien bonnes affaires jusqu’en 1973 lorsque succursale de Viki Fashions va occuper le local, pendant bon nombres d’années aussi.


Aujourd’hui les choses ont bien changé. Le bâtiment qui abritait la crèmerie Orléans ainsi que les bureaux de l’avocat Pagé et du docteur Pellerin a disparu et à la place on a reconstruit quelque chose d’entièrement différent. Le restaurant Chez Armand, à l’est, a aussi connu son lot de différents locataires au fil des ans et l’emplacement est occupé, au moment d’écrire ces lignes, par un commerce de bidules électroniques.







Le saviez-vous? En 1935 le revenu annuel moyen était de $313/an ou, si vous préférez, $6,50 par semaine et la livre de beurre de vendait 28 sous. De quoi manger son pain sec!

jeudi 30 octobre 2014

The Munsters

Aucune période dans l’histoire de la télévision n’a été aussi fertile que les années 60 quant à la quantité et la variété d’émission proposées. Outre les sitcoms traditionnels et shows de vedettes, on a exploré des concepts parfaitement nouveaux; des voyages dans le temps (The Time Tunnel), des explorations sous-marines (Voyage to The bottom of The Sea), des sorcières (Bewitched), des génies (I Dream of Jeannie), des mondes de géants (Land of the Giants), la science-fiction (Lost in Space, Star Trek), des aventures africaines (Tarzan, Daktari), de l’espionnage (Get Smart, The Man From U.N.C.L.E., Mission : Impossible), du western (Gunsmoke, Bonanza), du fantastique (The Outer Limits, The Twilight Zone), des aventuriers masqués (Batman, The Green Hornet), de la fantaisie (My Living Doll), pour n’en nommer que quelques-uns.

En 1964 le réseau ABC (American Broadcasting Company) lance la série The Addams Family, adaptée de la bande dessinée du même nom de Charles Addams. Afin de la concurrencer sur le même créneau, le réseau CBS (Columbia Broadcasting System) décide de créer sa propre série de «comédie d’horreur». L’idée n’est cependant pas nouvelle puisqu’elle a d’abord été initialement suggérée à Universal par Bob Clampett à la fin des années 40. Clampett est un animateur, producteur et réalisateur connu pour son travail avec Warner Bros pour les Looney Tunes et Merry Melodies ainsi que pour avoir créé les personnages du dessin animé Beanny and Cecil. Les choses en sont demeurées là, enfin, jusqu’au début des années 60 alors qu’une idée similaire à celle de Clampett est alors proposée par les scénaristes de Rocky & Bullwinkle, Allan Burns et Chris Hayward. L’idée fait son chemin jusqu’à deux autres scénaristes Norm Leibman et Ed Haas, lesquels pondent alors un script intitulé Love Thy Monster avec des personnages directement inspirés des fameux monstres de Universal et qui ont connu leurs heures de gloire dans les années 30 et 40; Frankenstein, Dracula, The Mummy, The Wolfman et Creature from the Black Lagoon.


À partir de là Liebman et Hass imaginent alors une famille de monstres qui habite une maison délabrée dans une banlieue imaginaire de Los Angeles mais, au lieu de terroriser tout le monde, ils vivent simplement comme tout le monde. Enfin, presque. Et c’est là tout ce qui fait la différence d’avec The Addams Family, laquelle ne met pas en scène des monstres mais bien des personnages excentriques ayant un sérieux penchant pour le sinistre et le macabre et qui se plaisent à être différents. Pour un temps certains bonzes sont convaincus qu’il faudrait en faire un dessin animé alors que d’autres penchent pour une série avec de vrais acteurs costumés. C’est cette dernière option qui sera éventuellement retenue. Maintenant que le concept de l’émission est conçu il ne reste qu’à procéder à la distribution des rôles.

Le patriarche de la famille Munster se prénomme Herman dont le look est directement calqué sur le Frankenstein de Karloff. Aucun danger quant aux droits d’auteurs quant à l’apparence puisque ceux-ci sont détenus par Universal qui produit la série. Le rôle a certaines exigences. Outre le physique il faut un acteur capable de jouer le caractère particulier d’Herman car bien qu’il soit à la tête de la famille il agit parfois comme un enfant et n’hésite pas à recourir à des crises de colère infantiles en tapant du pied et des mains. Il a bon cœur mais il est aussi naïf, ce qui l’empêche souvent de bien comprendre les situations et de percevoir les mauvaises intentions des gens. Très fort physiquement, il peut soulever des poids énormes et un coffre-fort reçu sur la tête ne l’affecte aucunement. Sa laideur fait aussi craquer les miroirs et se faire enfuir non seulement des gens mais aussi des choses inanimées comme des statues ou encore des animaux empaillés. Il faut donc un acteur de grande taille ayant assez de talent pour interpréter un «Frankenstein» drôle. Heureusement les producteurs n’ont pas à chercher longtemps et leur choix s’arrête sur Fred Gwynne, que l’on a pu voir entre autres dans la série policière Car 54, Where Are You? Non seulement Gwynne possède le talent mais à près de six pieds cinq pouces et un faciès tout à fait particulier, il est tout à fait taillé pour le rôle d’Herman.


L’épouse d’Herman s’appelle initialement Phoebe. Elle est aussi une femme au foyer (nous sommes dans les années 60 après tout). Elle est la matriarche de la famille mais également la voix de la raison, celle qui règle les problèmes et qui agit comme médiatrice lorsqu’il y a de la chicane dans la cabane. Phoebe est cependant dotée de tout un caractère et, bien qu’elle soit en amour avec son Herman, peut facilement se mettre en colère contre lui. Parmi ses tâches ménagères on peut mentionner répandre des ordures dans la maison et vaporiser de la poussière partout. On confie le rôle à la très jolie Joan Marshall que l’on avait alors pu voir dans différentes séries TV dont The Twilight Zone, Gunsmoke et plus tard Star Trek.


Le troisième personnage est celui de Grandpa, le père de Phoebe et vampire de son état. Il peut donc à loisir se changer en loup ou en chauve-souris. Son passe-temps favori est d’inventer toutes sortes de bidules dans le donjon qui se trouve au sous-sol de la résidence familiale. Même s’il est considéré comme le plus avisé de la famille il a un caractère sarcastique doublé d’une tête de mule redoutable. Il n’hésitera d’ailleurs aucunement à bouder pour démontrer son mécontentement. Pour jouer ce rôle les producteurs choisissent Al Lewis, un vétéran du vaudeville et du burlesque qui a joué à de nombreuses reprises sur Broadway. À la télé on l’a aussi vu dans Car 54, Where Are You? où Lewis et Gwynne s’étaient liés d’une grande amitié. 


Herman et Phoebe sont les heureux parents d’Eddie qui lui, est un loup-garou quoiqu’il démontre à certains moments des caractéristiques de vampire. Il dort dans un tiroir et son toutou, Woof-Woof, ressemble beaucoup au loup-garou interprété par Lon Chaney jr. Il va à l’école primaire et malgré son apparence et son costume de petit Lord Flaunteroy, rien ne le distingue des autres écoliers à part qu’il soit relativement tannant. Pour le rôle d’Eddie le choix original était Billy Mumy (Lost in Space) mais ses parents n’ont pas approuvé les longues séances de maquillage auquel il aurait dû se soumettre quotidiennement. Mumy est toutefois apparu dans un épisode; Come back, Little Googie. Le rôle d’Eddie est allé à Nate «Happy» Derman, lequel a joué dans d’autres séries télé comme Mister Ed et The Beverly Hillbillies.


Le dernier personnage et non le moindre est Marilyn, la nièce de Phoebe. Elle demeure avec les Munster pendant qu’elle étudie au collège et sa grande particularité vient du fait est qu’elle est la seule de la famille à ne pas avoir une apparence de ghoule; par conséquent, selon les standards de beauté de la famille Munster, elle est considérée comme laide et non-attirante. Conséquemment ils la voient comme affligée et la traitent avec douceur et amour. Elle ne peut avoir d’amoureux parce que tous ceux qu’elle ramène à la maison s’enfuient de frayeur en voyant Herman, Grandpa et Phoebe. Elle n’est pas, outre-mesure, décontenancée ou horrifiée par l’apparence de la maison, des recettes putrides de Lily et croit sincèrement que tout ce qui l’entoure est parfaitement normal. Pour jouer le rôle de Marilyn on choisit une jeune actrice du nom de Beverley Owen qui a joué, entre autres choses, dans le téléroman-savon As The World Turns. Pour les besoins du personnage par contre on l’affuble d’une perruque blonde.


Alors, voilà pour les personnages et la distribution des rôles. Tout ça est bien beau mais encore faut-il vendre la série. Pour cela on s’affaire à tourner ce que l’on appelle une émission-pilote afin d’évaluer toute la patente. Une émission-pilote est généralement un épisode complet qui n’est pas spécifiquement destinée à la diffusion publique mais bien souvent aux exécutifs d’un réseau dans le but de vendre la série et de jauger son succès potentiel. Sa durée est plus courte et on s’arrange pour mettre en scène les éléments essentiels qui donnent une idée générale du produit. Certains pilotes, une fois acceptés, sont alors réédités afin de pouvoir être diffusés. Et, comme c’est souvent le cas, de nombreuses modifications sont apportées parfois aux scénarios, aux contextes, aux décors ou encore aux personnages eux-mêmes. C’est le cas pour The Munsters dont voici la séquence d’introduction originale.



L’émission-pilote est bien reçue et CBS donne le feu vert pour la production, laquelle sera assurée par Joe Connelly et Bob Mosher, bien connus avoir créé Leave it to Beaver. Par contre on décide d’apporter certains changements importants. En premier lieu on estime que le personnage de Joan Marshall, Phoebe, ressemble trop à Morticia Addams de la série The Addams Family. Phoebe devient donc Lily mais plutôt que de simplement changer le costume et le maquillage de Joan Marshall les exécutifs de CBS décident de confier le rôle à Yvonne DeCarlo, une actrice ayant connu une carrière florissante dans les années 40 et 50, entre autres pour son rôle de Sephora dans The Ten Commandements. On en profite également pour changer le costume, passant d’une longue robe noire à une autre, claire avec des motifs rappelant une toile d’araignée. Al Lewis et Fred Gwynne ont tous deux protesté contre l’arrivée d’Yvonne De Carlo mais ont plus tard changé leur fusil d’épaule en admettant que De Carlo avait un grand talent pour la comédie. Fait intéressant, même s’il jouait le père de Lily, Al Lewis n’était en fait qu’un an plus vieux qu’Yvonne De Carlo.


On estime aussi que le personnage d’Eddie est trop garnement détestable. On décide d’en faire un gamin agréable et obéissant. On évacue Happy Derman pour le remplacer par Butch Patrick, lequel en est à ses premières armes comme acteur.


La série débute le 24 septembre 1964. À ce moment, le contexte et les personnalités sont établies plus solidement. Outre les changements mentionnés plus haut, le contexte de la série demeure essentiellement le même. Voyons maintenant la séquence d'introduction officielle de l’émission comparativement avec celle du pilote. On pourra noter qu'elle est mieux chorégraphiée, qu'il n'y a aucun temps mort entre l’arrivée des personnages et que la musique s'inscrit beaucoup mieux dans le contexte «lugubre» de l'émission. Si vous y voyez une certaine ressemblance avec la séquence d’ouverture de l’émission The Donna Reed Show c’est qu’on a tout simplement décidé de parodier.



On avait initialement conçu The Munsters pour être diffusée en couleurs mais ultimement on a choisi d’y aller avec le noir et blanc. Les producteurs étaient convaincus que la version en couleurs ferait peur aux enfants quoique le véritable motif en fût un d’ordre monétaire; en filmant en noir et blanc plutôt qu’en couleurs on économisait $10,000 par épisode. Durant la production de la première saison on a aussi apporté d’autres changements, notamment en ce qui concerne le maquillage des acteurs. La figure d’Herman a été élargie via une nouvelle prothèse, ceci afin de lui donner un air d’andouille plus prononcé. Gwynne a aussi remanié quelque peu l’interprétation de son personnage pour le rendre plus comique, comme le faire bégayer à la Porky Pig lorsqu’il est en colère. On ajoute aussi un personnage secondaire, le corbeau, qui niche dans l’horloge. La voix de l’oiseau, qui cite souvent Shakespeare (nevermore!) n’était autre que celle de Mel Blanc, qui n’a malheureusement pas été crédité. À quelques occasions c’était Bob Hastings qui jouait le rôle. Quelques autres membres de la famille vont faire certaines apparitions dont oncle Gilbert, qui se trouve à n’être nul autre que la bibitte du film Creature from the Black Lagoon. Une autre personnage, unique lui aussi, est le dragon Spot, qui vit sous l’escalier.




Parmi les éléments tout à fait inédits de l’émission, on peut noter deux voitures très distinctes et résolument originales soit la Drag-U-La (un cercueil roulant) ainsi que le Munster Koach. Les voitures ont été construites par le légendaire George Barris, connu pour avoir aussi construit la fameuse Batmobile (1966).



D’autre part il a souvent été mention, à tort, que Lily et Herman ont été le premier couple à être vus à la télévision en train de partager un lit. En réalité cette «distinction» revient à l’émission Mary Kay and Johnny durant un épisode diffusé en 1947. Les deux acteurs jouant le couple étaient toutefois mariés dans la vraie vie. Le premier couple non-marié à apparaître à la télé dans le même lit a été celui de Samantha et Darrin dans la série Bewitched en 1964. En dessins animés cet honneur revient à Délima et Fred Flintstone.





Pause pendant le tournage de la première saison. On y voit Beverley Owen qui tricote, Fred Gwynne perdu dans ses pensées et Yvonne De Carlo qui s'entretient avec une assistante.

Durant la fameuse parade Macy's à New York. Gwynne a plus tard avoué avoir prit quelques verres avant le départ parce qu'il considérait qu'être un brin pompette était le seul moyen d'envoyer la main aux enfants durant tout le long du trajet.

Gwynne et Lewis après une longue journée de tournage. Les deux acteurs étaient de grands amis hors des plateaux. 

Durant un épisode loufoque, Herman se fait frapper par la foudre, ce qui a pour conséquence de lui donner une apparence... normale, à son grand effroi!

La série a connu assez de succès pour que CBS commande une seconde saison. Par contre Beverley Owen n’était pas heureuse avec son rôle et elle a alors demandé aux producteurs d’annuler son contrat, ce que Universal a accepté. Par contre on ne pouvait pas trop tarder à trouver une remplaçante. C’est finalement Pat Priest qui a obtenu le rôle. On lui a fait passer une audition un mercredi, les producteurs l’ont appelé le vendredi pour signer le contrat alors que le tournage de la seconde saison s’est amorcé le lundi suivant.


Par contre le départ d’Owen a obligé à les producteurs refaire toute la séquence d’introduction originale de l’émission puisqu’elle avait été tournée en une seule séquence avec Beverley Owen. On en a profité pour non seulement refaire la dynamique mais aussi pour utiliser une nouvelle version, plus rock, de la chanson-thème qui avait été composée par Jack Marshall.



Malheureusement CBS a décidé de ne pas renouveler pour une troisième saison. Cette décision est largement attribuée à l’immense succès de la série Batman, du réseau concurrent ABC et laquelle était en couleurs. Mais comme c’est souvent le cas pour d’autres émissions, The Munsters ont gagné en popularité lorsque la série a été reprise par différentes stations de télévision pour être diffusée de nouveau. On aura tout de même tourné un film, Munster, go Home, en couleurs mais cette fois avec Debbie Watson dans le rôle de Marilyn, une décision de Universal qui est loin d’avoir plu à Pat Priest.



Les Munsters sont toutefois revenus, en 1981 soit quinze ans plus tard pour un téléfilm intitulé The Munster’s Revenge où le propriétaire d’un musée de cire utilise des robots à l’image de Herman et Grandpa pour voler des antiquités égyptiennes. Gwynne, Lewis et De Carlo ont repris leurs rôles respectifs mais ceux d’Eddie et Marilyn ont été respectivement joué par K.C. Martel et Jo McDonnell.


Prouvant une fois de plus que Hollywood peine à concevoir de nouvelles choses, on a décidé de tourner, en 1988, un remake des Munsters avec une nouvelle série appelée The Munsters Today et cette fois avec une toute nouvelle brochette d’acteurs. Cette série a duré trois saisons et les avis ont été très partagés. Plusieurs ont manifesté leur déception non pas à cause des acteurs qui tentaient de tirer leur épingle du jeu mais bien parce que la magie n’était plus là.

Non.

Parce que les concepteurs n’ont plus une seule once d’imagination, on a déterré de nouveau les Munsters en 2012 avec un projet de série télé intitulé Mockingbird Lane. Au niveau du concept on a complètement évacué les costumes et les maquillages qui avaient contribué au charme de l’émission originale. Le personnage de Herman n’avait plus rien du Herman original et ressemblait plutôt à une personne normale hormis quelques cicatrices. L’ensemble s’est avéré extraordinairement mal cousu et NBC a finalement décidé de ne pas donner le feu vert.


Au moment d’écrire ceci il ne reste que trois des acteurs de la série qui sont encore parmi nous soit Beverley Owens, Pat Priest et Butch Patrick. Fred Gwynne (Herman) est décédé le 2 juillet 1993 des suites d’un cancer du pancréas. Al Lewis quant à lui est mort de causes naturelles le 3 février 2006 mais il avait connu de sérieux problèmes de santé qui avaient nécessité une angioplastie ainsi que l’amputation d’une jambe. Gwynne et Lewis étaient reconnus pour fumer comme de véritables cheminées. Yvonne De Carlo est décédée quant à elle de causes naturelles le 8 janvier 2007 à l’âge de 84 ans. Elle avait préalablement été traitée pour des problèmes cardiaques.


Al Lewis et Fred Gwynne à la fin des années 80. 

Fred Gwynne dans l'un de ses derniers rôles; celui du juge Haller dans le film My Cousin Vinny (1992).


Beverley Owen, il y a de cela quelques années. 

Butch Patrick et Pat Priest durant une convention dédiée aux Munsters.



Le saviez-vous? Le costume de Fred Gwynne était très lourd et aussi très chaud, ce qui le faisait transpirer abondamment au point où il avait perdu beaucoup de poids. La prothèse qu’il portait à la tête, mise en place avec de gros élastiques, lui a valu de redoutables céphalées ainsi que des douleurs cervicales qui ont perduré pendant de nombreuses années.


jeudi 23 octobre 2014

Les décors de Scooby Doo

La série originale de dessins animés Scooby-Doo (Hanna-Barbera 1969-71), malgré le fait que tous les épisodes soient très similaires, a connu un franc succès et la formule a été assez efficace pour qu’elle soit recopiée à de nombreuses reprises dans les années subséquentes.

Toutefois, produire une telle série à un rythme soutenu nécessitait une machine de production bien huilée. De l’écriture des ébauches jusqu’au scénario final il fallait produire l’animation, réaliser la trame sonore et enregistrer les différents dialogues. Parfois, pour économiser des sous, il pouvait arriver que l’on réutilise des segments déjà produits. Par exemple, si Shaggy et Scooby courent en fuyant, l’équipe n’avait pas besoin de refaire la séquence au complet puisqu’elle n’avait qu’à en utiliser une déjà faite. C’est une technique qui était couramment utilisée en animation traditionnelle. Même Disney en a fait bon usage. Pour les décors par contre c’était un peu différent parce que le contexte des épisodes variait grandement. Dans un épisode l’action pouvait se dérouler dans un centre de ski abandonné alors que dans un autre ça pouvait être une vieille manufacture, un hôtel décrépit ou un vieux manoir. Heureusement, l’équipe de production, alors sous la direction d’Iwao Takamoto, était particulièrement bien huilée et pouvait pondre rapidement des décors particulièrement bien fichus pour chaque épisode. Je vous présente donc aujourd’hui une petite sélection de ces décors.












































Le saviez-vous? Les noms des cinq personnages de la série sont Fred Herman Jones, Daphne Blake, Velma Dace Dinkley, Norville ‘Shaggy’ Rogers et Scoobert ‘Scooby’ Doo.